2022, une année électorale pour rien ?

L’année 2022 est une année électorale, la présidentielle dominant les élections législatives sans forcément les écraser : s’il paraît bien illusoire de tenter des pronostics, il n’est pas interdit d’évoquer les différents schémas possibles, sachant qu’il est parfois fort utile (et prudent) de « prévoir l’imprévisible et d’attendre l’inattendu ». Ainsi, le temps électoral du printemps pourrait bien s’achever par une nouvelle cohabitation, la quatrième sous la Cinquième République que le général de Gaulle n’avait pas fondé pour cela, en fait sinon en Droit. Le scénario d’un président reconduit qui perdrait les élections législatives du lendemain n’est pas à exclure quand, dans le même temps, les espérances populistes (de droite comme de gauche) n’arrivent ni à convaincre vraiment ni à gagner certainement. En fait, le résultat présidentiel dépendra aussi largement du nombre de candidats ayant réussi à passer le filtre des 500 signatures, mais aussi des développements prochains de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques et sociales, aujourd’hui largement amorties (mais de façon qui ne peut être que temporaire) par la politique du « quoi qu’il en coûte », utile sans doute mais périlleuse financièrement, la dette publique ne cessant de croître et d’embellir au fil des mois et des plans de sauvegarde…

Dans une centaine de jours, nous serons fixés, du moins pour la présidence de la République, et il faudra ensuite attendre quelques semaines encore avant la formation du gouvernement issu de l’alliance majoritaire en sièges à l’assemblée nationale. Je doute qu’il y ait alors un « état de grâce » pour le Pouvoir sorti des urnes, et je redoute (à moins que je ne l’espère, au moins pour certains de ses aspects politiques de possible refondation…) une après-élection compliquée, tant (sur le plan extérieur) du fait d’une Allemagne économiquement imposante et socialement rigide que des velléités états-uniennes de « casser les reins » de la France (M. Biden est un adversaire qui peut nous rappeler l’attitude détestable de Franklin Delano Roosevelt à l’égard de la France libre du général de Gaulle), et tant (sur le plan intérieur) des revendications libérales pour l’allongement du temps de travail (l’économiste Jean-Marc Daniel évoquait le fait que le dossier des retraites était quasiment « bouclé » du fait de l’endettement accéléré du pays conséquent à la crise sanitaire) que des ressentiments accumulés par des classes de Français actifs fragilisées par la globalisation et, par la même occasion, par la numérisation (l’artificialisation ? la « dématérialisation » ?) de la société, deux processus renforcés en ces temps étranges de Covid-19, un double phénomène que certains évoquent sous la formule de « grande réinitialisation », formule que l’on doit à Klaus Schwab, fondateur du forum de Davos…

Mais la campagne présidentielle aura-t-elle vraiment lieu ? Bien sûr, elle a déjà commencé depuis longtemps et le drame de la République quinquennale est sans doute que la France semble en « présidentielle permanente », au risque d’empêcher toute véritable politique de long terme et de, trop souvent, « cannibaliser » le travail de l’Etat. Mais, la campagne des « derniers mois » est ce moment particulier durant lequel a lieu le véritable « combat des chefs » dont il ne devra en rester qu’un ! En fait, la dépense d’énergies électorales pour la présidentielle est souvent un gaspillage de forces qui auraient été plus utiles pour le débat législatif, au niveau national comme au niveau local, et cette bagarre pour la magistrature suprême, en définitive, tend à déposséder les citoyens de leurs pouvoirs réels de peser sur la gestion de leurs espaces civiques de proximité : en étant « la reine des élections », la présidentielle renforce, non pas l’unité nationale, mais la centralisation politique, et il n’est pas surprenant de constater que la plupart des candidats à celle de 2022 sont des Parisiens, sinon de souche, du moins de « situation ». Cela ne serait pas forcément dérangeant si de véritables pouvoirs locaux, de décision et de création législative, existaient dans les régions et dans les communes, mais ce n’est pas vraiment le cas, sauf à la marge : l’actuelle crise sanitaire a confirmé cette centralisation et l’absence d’autonomie des pouvoirs locaux, au risque de provoquer incompréhensions et ressentiments dans les provinces. « Depuis le temps que Paris impose sa loi à ceux du Nord au Midi qui n’en veulent pas… », affirmait une vieille chanson des années 1970 (1), et le processus de métropolisation n’a, en définitive, fait que confirmer le rôle prépondérant de Paris dans la politique française tout en étendant « l’archipel métropolitain français » aux points cardinaux du pays et en asséchant un peu plus les territoires ruraux et les « périphéries », anciens réservoirs des colères populaires et enracinées, celles des Bonnets rouges de l’époque louisquatorzienne aux Gilets jaunes de 2018, des Vendéens et des Chouans de 1793 aux pêcheurs en révolte de 1995, etc.

Cette année électorale est l’occasion, en définitive, de rappeler tout ce qu’une Monarchie royale pourrait amener à notre pays et ce dont il pourrait le libérer. Cela sera l’occasion d’une prochaine note…





Notes : (1) : « Chouans, en avant », dans l’opéra rock « La Révolution française » présenté en 1974.