Les votes à la pluralité des voix dans les assemblées de villages sous l’Ancien Régime

Rassemblement

« Tout s’y décide à la pluralité des voix, dans les assemblées qui se tiennent sur la place publique, les dimanches et fêtes au sortir de la messe, et qui sont indiquées par le son de la grosse cloche.

Chaque particulier a droit de proposer les choses utiles qu’il a imaginées :

« C’est à ces assemblées qu’elle (la petite paroisse) nomme les syndics, les collecteurs pour la taille, les garde-finages pour la sûreté des terres ensemencées et des vignes, enfin les maîtres publics. […] Les syndics étaient les agents des communautés rurales qui n’avaient point d’administration municipale. […] chaque particulier a droit de dénoncer les abus qui sont à sa connaissance, ou de proposer les choses utiles qu’il a imaginées.

« On trait de ces objets sur-le-champ, et s’ils sont de quelque conséquence on envoie les syndics aux subdélégués de l’intendance pour se faire autoriser » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 396).

C’était le ‘self-government’ rural dans son intégrité :

« C’est encore dans ces assemblées qu’on désigne chaque année le canton que chacun doit couper dans les bois communs; on ne tire au sort, à l’exception du pasteur (curé), du chef (seigneur), quand ce dernier est habitant, et des deux syndics auxquels on assigne nommément les cantons les plus fournis.

« C’était comme on le voit, le self-government rural dans son intégrité. Notons avec soin que ce tableau de l’assemblée du village, donné par Retif pour la Bourgogne, concorde et jusque dans ses détails, avec celui que le cardinal Mathieu présentera pour la Lorraine d’après ses recherches dans les archives locales » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 397).

L’élection des agents muncipaux :

« Quarante-mille associations naturelles, écrit Albert Babeau, délibéraient sur leurs propres intérêts et choisissaient leurs agents »

Une élection annuelle en Lorraine

En Lorraine, « le syndic était élu chaque année.

« Les habitants se réunissaient le dimanche à la sortie des vêpres,…, soit sur la place, soit dans la salle des audiences seigneuriales, quand il y en avait une. Là ils discutaient entre eux à peu près sur les mêmes sujets que nos conseils municipaux, et sur quelques autres encore. Ils nommaient les asseyeurs et les collecteurs,

  • agréaient les pauliers (collecteurs de dîmes) présentés par le décimateur,
  • fixaient le ban pour les récoltes,
  • le salaire du pâtre et du maître d’école,
  • décidaient des réparations à faire à la tour du clocher, à la maison de la cure, au pont du ruisseau, au chemin vicinal, du partage, de la vente ou de la location des biens communaux
  • et de la manière d’acquitter la corvée,
  • déléguaient le maire (représentant du seigneur) ou le syndic (agent de commune) pour aller solliciter à l’intendance, au bailliage, à la maîtrise, quelquefois pour aller retirer une vache, un cheval que la garde de la commune voisine avait emmené au greffe, et enfin écoutant la déclaration du Pied-certain (redevance).

« […] Pour l’élection d’une sage-femme attitrée, se tenaient des réunions semblables qui groupaient les mères de famille, le dimanche après vêpres. M. le curé présidait.

[…] On élisait

  • le syndic,
  • le maître d’école,
  • les collecteurs des dîmes,
  • les collecteurs des tailles,
  • le pâtre ou berger communal,
  • les messiers,
  • les garde-finages,
  • le va-de-pied, ce qui voulait dire le facteur rural,

et le messager chargé de mettre la localité en communication avec le voisinage » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 397-398).

Le recours au système représentatif, la délégation lorsque l’assemblée générale est devenue trop nombreuse :

« Vers la fin de l’Ancien Régime, bien des paroisses en arrivent à déléguer leur pouvoir, comme nous le faisons de nos jours, à des manières de conseils municipaux » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 400).

« Quand ces assemblées générales furent devenues trop nombreuses par l’extension que beaucoup de villes avaient prises, on eut recours à des assemblées générales représentatives, présidées par le juge royal au XVIIe siècle, par le maire au XVIIIe. Elles se composaient de délégués des différents quartiers ou des différentes paroisses, et de représentants des corporations marchandes et des corps de métier » (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 467).

Cette dernière indication de Funck-Brentano est intéressante car nous imaginons difficilement aujourd’hui que les représentants des corporations marchandes ni des corps de métiers puissent avoir quelques mots à dire sur la conduite de la politique de la cité. Où l’on voit que la soit-disant démocratie actuelle est une vaste plaisanterie, un simulacre et une escroquerie où ni les marchands ni les corps de métiers ne sont vraiment représentés.

« Les délégués des paroisses, les représentants des corporations arrivaient avec des instructions précises que leurs commettants leur avaient dictées dans des réunions où la question mise en délibération avait été examinée » (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 467).

« Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, on rencontre des villes qui continuent à former comme de petites républiques démocratiques » (Tocqueville) :

« Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, écrit Tocqueville, on rencontre des villes qui continuent à former comme de petites républiques démocratiques, où les magistrats sont librement élus par le peuple et responsables envers lui, où la vie municipale est publique et active, où la cité se montre fière de ses droits et très jalouse de son indépendance » (Tocqueville cité in Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 468).

Quoiqu’en 1697, Louis XIV ait décrété la vénalité des offices municipaux: les maires deviennent des charges civiles achetées par les titulaires [ce qui nous semble être une erreur de gouvernement], […] Albert Babeau répond très justement: […] les élections…, de 1697 à 1789… ne cessèrent d’être pratiquées dans certaines villes et dans la plupart, elles ne furent supprimées que durant quelques années… On s’efforçait cependant,… d’assurer la liberté des élections » (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 468-469).

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