Les Cosaques :

« Donnez-moi 20 000 Cosaques et je conquiers l’Europe et même le monde entier » disait Napoléon. Vraisemblablement issus de communautés datant du XV-XVIe siècle, à la bordure de la Lituanie et la Moscovie, comme des steppes d’Ukraine et de Russie, souvenons-nous des cosaques. Dans ces frontières de l’est instables, se sont côtoyés et combattus les Tatars, les Scythes, les Alains, les Sarmates, les Avars, les Huns comme les Mongols. Des groupes autonomes de cavaliers libres constituèrent parmi les slaves des mercenaires qui devinrent des tribus cosaques. Ils louaient leurs services et devinrent de fortes communautés vivant avec un code d’honneur qui n’est pas sans rappeler l’antique chevalerie médiévale. Vers 1450, le Caucase voit arriver ces peuples de nomades qui se répandent entre la Volga et le Don comme en Ukraine…

Farouches et agiles cavaliers, ils sont aussi bon danseurs, comme bons chanteurs. Le type même du cosaque dans l’imagerie populaire reste le zaporogue, tel que Tarass Boulba le fut sous la plume de Nikolai Gogol. Ce guerrier est fort et déterminé jusqu’au sacrifice, son âme comme son sang irriguent la terre russe jusqu’en Ukraine. Le XVIIe siècle reste marqué des expéditions cosaques successives sur la Mer Noire, des pillages des ports de Crimée et d’Anatolie, jusqu’aux faubourgs de Constantinople… Ces fiers guerriers furent craints de tous, les musulmans en savent quelque chose, lorsqu’ils furent écrasés en 1621 aux marches de Pologne à Khotyn par les 40000 cosaques de Piotr Sagaidatchny. Ces hommes de la steppe rendaient les frontières incertaines. Leur histoire est tissée de batailles, révoltes et négociations. Le soulèvement de Razine, considérée comme la révolution cosaque de 1669 en est une parfaite illustration. Les Cosaques du Don issus des tribus slaves du Nord donneront naissance à ceux de l’Oural et du Terek, occasionnant de nombreux soucis au pouvoir impérial russe durant des décennies. C’est au XVIIIème siècle que ceux-ci perdirent quelques libertés dont « l’Hetmanat » (le père) mais l’élite acquit une place dans la noblesse russe. Ils furent incorporés dans l’armée du Tsar, comme fer de lance, jusqu’à la Garde Impériale. De situation de « rebelles », ils devinrent les plus fidèles d’entre les fidèles du Tsar…


La guerre de 14, coûta fort cher aux 162 régiments cosaques mais c’est surtout la révolution qui détruisit ces fortes communautés. N’oublions pas que nous devons une bonne part de la victoire de la guerre de 14, aux soldats du Tsar, par l’apport de troupes russes venues mourir à nos côtés, comme la contention des forces allemandes sur le front oriental…

C’est en trahissant cette alliance que la république française les remercia, quelle honte…
La révolution vint dans les fourgons de l’Etat-major et la banque allemande, ramenant Lénine et ses fidèles en Russie, afin de casser le front oriental. Les cosaques attachés aux libertés, se rangèrent principalement du côté des armées blanches, même si on en trouve chez les rouges. Ils se battirent jusqu’au bout avec Wrangel, l’Ataman Sémionov où avec le « Baron fou » Von Ungern-Sternberg. La mort de l’amiral Koltchak verra l’effondrement des Etats Cosaques indépendants comme la fin des armées blanches. Dans le froid et la famine, par les villes et par les champs, dit la chanson car malgré la disproportion des forces, ceux-ci faillirent gagner…
Le pouvoir bolchévique ne fit pas dans la dentelle pour les anéantir, la centralisation forcée, la non-reconnaissance de leur spécificité, les massacres et déportations, n’eurent malgré tout, pas raison d’eux… Lénine voulut l’extermination des cosaques en 1918, à Penza, en lançant ses hordes Bolchéviques sur les populations civiles avant d’éliminer la famille impériale en juillet de la même année : « Toute la maison Romanov doit être tuée » disait-il en 1905…

Le glas sonnait donc pour ces amoureux des grands espaces, fiers et libres. En 1934, les chars, l’artillerie, l’aviation rouge écrasaient dans le sang la révolte d’Iman Schamil, de ses Ossètes, Tcherkesses, Karatschaiens et Karbadiniens, armés seulement de fusils et Shashka.
Nous avons connu la chevalerie et ses règles, clin d’œil sur la toile de Velasquez, dont le vainqueur reçoit avec courtoisie le vaincu à Bréda, jusqu’à la « guerre en dentelles », ultime illustration. Ce siècle de haute civilisation, courtois et aimable fut remplacée par la révolution et ses guerres d’enfer et d’extermination…
Lorsque les allemands franchirent les frontières de l’est, les russes crurent à une possible libération. Ils pensèrent ainsi créer un Etat russe indépendant pour retrouver leurs libertés, l’Allemagne devenait pour eux l’opportunité pour y arriver. Ils vivaient depuis la révolution russe dans la misère, les massacres, voir le génocide notamment pour les Ukrainiens. Ils auraient dû se souvenir que l’Allemagne avait aidé la révolution russe et qu’elle s’était réarmé grâce à la collaboration entre Hitler et Staline… Cela Dénikine, l’ancien chef des Armées Blanches, devait s’en souvenir lorsqu’il éconduit les nazis désirant ses services. Quelle ironie de l’histoire, choisir entre le rouge et le noir !
Les accords de Yalta virent dans toute l’Europe, la livraison de 2 millions de russes, qui furent abattus ou moururent dans les camps de la mort soviétiques de Staline. Même aux Etats-Unis, New-York, à l’Ile aux larmes, de nombreux suicides de russes eurent lieu face à cette statue de la Liberté, qui prenait pour l’occasion, une pâle figure complice… Pour ces rescapés la mort était plus douce qu’une livraison aux mains des anciens alliés d’Hitler, on comprend pourquoi ! De l’horreur communiste à celle du nationale-socialiste puis encore l’horreur socialiste, en passant par celle des alliés, voilà la triste histoire des guerres modernes.

Le 21 mai 1945, à Lienz dans le Tyrol autrichien, ce fut l’horreur pour les 60 000 Cosaques venus se réfugier avec femmes et enfants. L’idée était de reprendre un jour le chemin de chez eux, voire de continuer le combat avec les alliés contre les soviétiques. Les cosaques étaient confiants, assurés de la parole des officiers anglais. Mais l’histoire montre à travers les siècles ce que pouvait valoir cette parole, demandez aux Amérindiens. Bref tous les officiers furent livrés, qu’ils aient participés à la guerre avec les allemands ou non, peu importe, même des anciens réfugiés le seront aussi. Il fallait faire désormais plaisir à Staline. Certains diront mais les cosaques n’étaient pas des tendres, oui bien sûr certainement. Quelques-uns commirent aussi des atrocités, mais comme beaucoup de scandales, de massacres inutiles, comme inacceptables, nous parlons ici d’hommes désarmés, de femmes et d’enfants, comme de vieillards. Nous évoquons des populations qui depuis des années vivaient dans l’horreur d’un système concentrationnaire inhumain, fruit pourri, issu de la révolution Française essaimé dans le monde par des cerveaux malades nommés « Lumières » désirant changer l’homme…

Les hommes formaient un cordon de leurs corps pour protéger les femmes qui hurlaient, pendant que les enfants pleuraient, accrochés à leurs parents, devant les regards épouvantés des vieillards. Alors l’armée anglaise frappa à coups de matraques, de lattes de clôtures arrachés à la hâte, de baïonnettes, puis de fusils pour les faire entrer dans les wagons, tandis que les mitrailleuses des blindés tiraient au sol, faisant par ricochés, les premières victimes. Certains se suicidèrent avec chevaux et famille, alors ici ou là-bas, fallait-il s’émouvoir pour ces rudes guerriers et peut être même, ces derniers cavaliers libres de l’histoire ? Chevaliers dont la souffrance remontait depuis bien longtemps. Signalons le cas de cette jeune femme cosaque avec ses deux petits-enfants, montrant ce caractère populaire bien trempée. Elle embrassa ses enfants avec passion avant de jeter le plus petit dans l’abîme. Le plus âgé, agrippé en pleure sur elle criait : « Maman, j’ai peur », elle lui dit « N’aie pas peur, je viens avec toi ». Elle se jeta avec lui dans la rivière Drave en crue, comme tant d’autres ce jour. Un nombre incalculable de survivants, comme de morts s’échouèrent sur des kilomètres, illustrant ce terrible moment qui aurait dû être pourtant, celui de la joie dans la Libération. L’ataman Naoumenko (Cosaque du Kouban) rare survivant écrivit dans son livre, la Grande Trahison : « Le recours à la traîtrise avait permis de livrer le corps de cavalerie cosaque à l’armée rouge… les officiers cosaques, élevés dans les nobles traditions de l’armée impériale, ne pouvaient imaginer une telle duplicité. Pour les officiers russes, la parole d’un autre officier valait de l’or. Jamais ils n’auraient imaginé que les officiers anglais fissent une chose pareille ».

Les autres cosaques seront dirigés vers les abattoirs de Staline, avec femmes et enfants, mais pour eux pas de compassion de la part des bonnes consciences. Lienz, ses fosses communes, quelques tombes et le monument au lieudit Peggetz, voilà ce qu’il reste aujourd’hui de l’évènement. On tua les fuyards, pilla les victimes, tandis que les chevaux du XVe corps de cavalerie cosaque firent les bonnes affaires des officiers du 8e bataillon anglais. Eisenhower avait pourtant garanti la liberté pour les antibolchéviques. La France engagea dans la Légion Etrangère, un bataillon entier de cosaques mais Staline veillait. Nous lui avons donc livré tous ces hommes, sachant bien la triste fin qui les attendaient. Imagine-t-on Louis XIV livrant les volontaires Irlandais venus en France ? Il est vrai que là où un roi est digne, la république est lâche ! A Bleiburg, d’autres horreurs suivront, par Tito cette fois, ce seront quelques 50 000 cosaques, avec femmes et enfants, qui subiront, tortures et outrages dans des conditions atroces (Le livre noir du communisme donne le chiffre de plus de 1.000.000 de personnes assassinées par les titistes). Le génocide Cosaque, fit près de trois millions de morts de 1920 à 1947, quasiment occulté des livres d’histoire…

Depuis la « chute du communisme » une renaissance cosaque s’agite en Russie et en Ukraine, sous l’œil vigilant du pouvoir bien sûr. La Russie désire plus s’en servir que les voir reprendre leurs habitudes et privilèges ancestraux : démocratie directe, vie communautaire, élitisme, honneur et virilité, décentralisation. Les cosaques gardent une pointe d’anarchisme guerrier dans une survivance d’un code chevaleresque, bien manquant chez nous d’ailleurs…
Cette résurrection n’est pas sans conséquence pour la Russie, quand on sait que celle-ci contient 17 territoires cosaques, que les villages élisent des Atamans et que des unités paramilitaires se constituent…

On sait que depuis la chute du bloc soviétique, il y a une résurgence du trafic et de la pègre, mais il n’y en a pas sur les zones contrôlées par les cosaques. Bref ils inquiètent comme ils rassurent, car ils conservent les traditions slaves et historiques de la Sainte Russie et ce n’est pas pour rien que les unités d’élites sont composées de leurs éléments (Don et Kouban)…

Regardez sous mes pieds, dorment des héros, des hommes qui payèrent l’absurdité d’une révolution française qui ensemença dans le monde, cruauté et mort. Ces hommes furent le rempart de l’Occident, ces cosaques, ces cadets, ces blancs se sont battus à un contre 10, jusqu’aux derniers, dans l’indifférence générale. Dans les hivers glacés à moins quarante, sans aide, ni matériel, ils faillirent vaincre une idéologie mortifère générée par un capitalisme inhumain. Souvenons-nous du sacrifice de ces hommes qui moururent aux marches d’une Europe décadente. D’autres vinrent ici, finirent leurs vie dans le souvenir. Quel furent la vie de ces femmes meurtris dans la pensée des êtres chers qu’elles ne reverraient plus. De ces enfants serrant dans leurs bras des petites poupées russes, pensant à leurs pères, oncles et frères tombés en défendant notre terre de l’invasion prussienne. Ils regardent le ciel, ils les voient chevaucher leurs fiers coursiers dans les steppes de l’immensité slave, Papakha sur la tête et shashka tournoyant au firmament. Ces hommes dignes, s’éteignirent dans le silence de l’honneur. Ils sont là et dorment sous mes pieds, mais leur esprit est présent. Il est présent en nous dans ce souvenir, comme le furent nos Chouans…

Notre Jour Viendra !
Frédéric Winkler