Chroniques de la Monarchie populaire – 2

Antoine de Rivarol disait « La faveur que le gouvernement accorde aux sujets doit toujours être en raison inverse de la mobilité de leurs richesses. Ainsi celui qu’on doit favoriser le plus, c’est le laboureur…Je mets au dernier rang l’homme à argent qui, tel qu’un magicien, peut d’un trait de plume transporter sa fortune au bout du monde ; et qui, n’agitant jamais que des signes, se dérobe également à la nature et à la société…Cette maxime est fondamentale, et on peut toujours juger un ministre d’après elle ».

Dans un chapitre précédent, nous avions parlé de la féodalité par le mouvement des communes et dit combien celle-ci était bienfaitrice à l’époque de sa création face aux barbares envahissants. L’école républicaine la présente comme oppressive et inhumaine vis-à-vis des faibles. Ecoutons Louis Dimier : « Le préjugé révolutionnaire enseigne à ne reconnaître dans ce sort des petits que l’objet d’un devoir moral ; il y subordonne tout l’Etat. Cet intérêt particulier, dans une fonction qui ne doit considérer que les intérêts généraux, ruine l’Etat sans profit pour ceux qu’on lui préfère. Ceux-ci pâtissent deux fois de la Révolution : de l’impuissance à laquelle son erreur la condamne et de la banqueroute sociale à laquelle elle aboutit » (« Les Préjugés ennemis de l’Histoire de France »).

Imaginons un instant, les hommes vivant cette époque, construire des cathédrales, élever des familles nombreuses, subir les fléaux de la guerre et les épidémies…Parcourir pour les compagnons, la France entière…Poser une pierre ici, tailler un meuble là. La mobilité géographique des hommes de ce temps est impressionnante, autant pour les chevaliers que pour les simples ouvriers. La fabrication des vêtements, les tapisseries, les meubles et articles divers se vendaient et se vendent encore dans le monde entier.

MOYEN-AGE et REVOLUTION
La vue de ce tableau ferait pâlir d’envie nos économistes d’aujourd’hui. Ne parlons pas de la qualité de ces produits magnifiques qui n’ont rien à voir avec nos productions de masse sans valeur et souvent de mauvais goût. Ce Moyen-âge obscur dont on s’arrache les merveilles à prix d’or…Devrons nous parler de la barbarie de cette époque ? Oublions-nous l’horreur dans lequel se vautrent les sociétés dites modernes ? On parle de « Droits de l’homme » pour mieux passer sous silence l’élimination des plus faibles d’entre nous par confort…Depuis 1789, la Terreur est devenue non plus le fait d’un seigneur que l’on pouvait supprimer par recours au Roi par la force, mais affaire d’Etat, en passant par le bilan horrible de la Révolution , Pol Pot au Cambodge, Hitler et l’enfer communiste…

Je ne m’étendrais pas sur la lâcheté et les compromissions de nos gouvernants ayant laissé et souvent aidé ces horreurs. Nos sociétés matérialistes ne peuvent comprendre aujourd’hui ce qui motivait nos ancêtres tournés vers le sacré. Ceux-ci prenaient le temps de vivre et bâtissaient dans l’esprit du vrai, du beau et du bien. Les valeurs durables et solides, la traditionnelle famille vivant et grandissant dans un village et une province que l’on peut qualifier de libre comme les métiers de jadis par ailleurs, tout cela faisait la France d’avant. Cela fait penser à certaines exclamations de libéraux disant : « Nous n’avons pas les mêmes valeurs…» Mais quelles sont elles ? On aimerait tant les connaître…La société marchande ? la voiture ? le porte monnaie, bref le paraître. Notre peuple ne sortira de l’abime que lorsqu’il aura compris qu’à l’irresponsabilité de l’urne, il faudra mettre la compétence et l’indépendance. Mais revenons à l’obscurité médiévale, pourtant bien plus humaine comparativement au XIXe siècle libéral, si atroce pour le monde ouvrier. Il faudrait remonter à l’Antiquité pour y voir un pareil esclavage. La Révolution de 1789 en détruisant l’architecture sociale de la Monarchie ouvrit l’ère du libéralisme. Dans les faits : plus de dimanche, la semaine de 10 jours de travail dite du « Décadi », 10 à 15 heures de travail journalier sans repos où les enfants travaillaient dès l’âge de 5 ans, travail de nuit pour les femmes, etc. Voilà pour les acquis de 1789. (Lire à ce sujet René Sedillot « Le Coût de la Révolution Française » « Le Coût de la Terreur », Jean Dumont « Pourquoi nous ne célébrerons pas 1789 »)

Lisons sous la plume d’Alain Decaux, ce que l’école n’apprend pas sur nos rois : « L’Ancien régime avait su, par le jeu savant des dimanches et des jours fériés, équilibrer de façon très remarquable le travail et le repos. Il y avait les saints romains, les saints nationaux et les saints locaux : tous, excellent prétexte à interrompre le travail. M.Patrice Boussel, dans sa passionnante et si amusante Histoire des Vacances (Berger-Levrault, éditeur), à laquelle il faut obligatoirement se référer dès qu’on aborde ces sujets, nous dit qu’au XVIe siècle on comptait une soixantaine de fêtes chômées, outre les dimanches. Au XIIIe siècle, les ouvriers parisiens exerçant la profession de tréfileurs d’archal (Fil de laiton) bénéficiaient de vacances d’un mois.» Certes, c’était l’exception, mais « avec des semaines de travail d’environ quatre jours, l’ouvrier du Moyen-âge avait joui à la fin de l’année d’une période de repos plus longue que celle à laquelle on parvient en additionnant les jours de repos hebdomadaires, les jours fériés et les congés payés. »

SOCIETE MERCANTILE ou RECHERCHE DU SACRE

« De tous les régimes,la féodalité est celui qui eut ses racines au plus profond de la nature humaine » FUSTEL DE COULANGES

Les bienfaits de la civilisation moderne comme l’hygiène, les techniques supprimant les labeurs pénibles, les transports etc., ne sont pas négligeables loin s’en faut. Mais nous avons perdu beaucoup aussi car l’homme s’est laissé, par paresse, irresponsabilité et souci du bien-être matériel, soumettre à la société de consommation. Celle-ci est broyeuse d’énergies. Petit à petit, les valeurs qui firent notre grandeur sont abandonnées dans un « magma » dirigé par les médias, les phénomènes de mode et les sociétés de pensées…L’homme qui se déplace en Europe, retrouve partout les mêmes musiques, les mêmes vêtements, les mêmes reflexes et publicités…Il voit disparaitre ce qui faisait les particularités des pays et régions d’autrefois, riches de diversités…

Les souvenirs se trouvent en boutique, fabriqués en série, voilà pour la tradition. Dans l’ancienne France, disait le vieux maître de Martigues : « foyers, paroisses, bourgs, villages, compagnies, provinces, arts, métiers, corps et ordres d’Etat, ces unités vivaces, entre lesquelles l’égalité était nulle, jouissaient de libertés magnifiques…Là-dedans foisonnaient, prospéraient les fortes familles et leurs cultures, leurs métiers, leurs arts, leurs costumes, leurs chansons, leurs légendes, entourés de solides cadres communautaires, la vigueur de ces cadres tenant aux caractères singulièrement énergiques des originaux qu’on devait contenir, non pas laminer, ni briser : à forte discipline, âmes plus fortes qu’elles et, par là, triomphe fréquent d’une certaine fantaisie anarchique pleine de suc ! » (C.Maurras « Jeanne D’Arc, Louis XIV, Napoléon »).

Le Moyen-âge voyait donc dans l’homme, caractéristique des civilisations passées : de l’origine en passant par les civilisations minéennes, incas, égyptiennes etc., l’alliance de l’art et du sacré. Imaginons nos églises, telles qu’elles devaient être alors dans les cités (voir illuminations à la Cathédrale d’Amiens). L’on voit encore dans certains coins, comme en Italie ou en Suisse des maisons peintes à l’extérieur. Au Moyen-âge, on peignait aussi les Eglises, quelle beauté et quelle vie devaient avoir ces cités alors. Les rapports humains étaient liés par la fidélité et les serments, qu’elle différence avec aujourd’hui où l’hypocrisie règne. Les rapports amoureux voyaient naître l’extrême courtoisie. On mourrait pour sa Dame ou pour défendre l’honneur d’une dame. On est loin des « bousculades » dans le train et le métro, pour une place assise, individualisme total du « chacun pour soi » avec la mesquinerie et la muflerie en prime. Les femmes enceintes ou non, les vieillards et les infirmes pâtissent de cette situation abrutissante, clef des principes roussauistes. Notre époque est celle du fonctionnaire-roi et du pouvoir médiatique où tout esprit libre se fait broyer par le système médiocre qui nous domine…

TEMPS DIFFICILES, FEODALITE et SERVAGE

« Quand le sceptre de Charlemagne eut glissé des mains débiles de ses successeurs, une génération de soldats se leva pour en ramasser les morceaux… » P.Gaxotte ( La Révolution Française )

Imaginons un instant l’état de la France avant la lente et patiente œuvre constructive du « pré Capétien » par nos rois, simples seigneurs d’alors. Les chroniqueurs du temps ne parlaient que de désolation, pillages et massacres. Une grande terreur s’empara des populations qui fuyaient et cherchaient refuge dans les campagnes, bois et lieux protégés. L’insécurité régnait, les seuls piliers d’ordre se trouvaient auprès de valeureux et audacieux chefs de bandes. La France était un canevas de juridictions, de places fortes et villes fortifiées, de droit de passage…L’Hôtel de Soubise (Archive Nationale) fut jusqu’à la Révolution soumis à un droit de passage, considéré comme normal en ce temps(autre mentalité alors). La Révolution bourgeoise supprima ce droit au détriment des citoyens obligés de contourner le lieu pour passer…

Deux groupes d’hommes se rapprochèrent pour survivre. Les seigneurs protecteurs concluèrent un pacte pour faire face aux fléaux, avec les paysans nourrissiers. Régine Pernoud, faisant un parallèle avec la situation d’alors, parle de l’insécurité ou se créée des comités de défense, sorte de milice dont le principe est similaire avec les temps médiévaux, correspondant à un besoin d’un instant donné. Ce contrat était un lien de fidélité d’où déboucha la Féodalité. Durant ce temps, par un travail opiniâtre, nos rois assemblèrent, parcelle après parcelle, en respectant les coutumes, droits et privilèges locaux, notre belle terre de France. Les Rois seuls, purent et surent pacifier puis unir, du nord au midi, les fortes personnalités d’alors qui firent les Français que nous sommes aujourd’hui. Alors que l’Angleterre vit toujours en situation de guerre civile (en paix depuis peu !) avec ses régions qu’elle n’a jamais su intégrer. Le Roi put rassembler la mosaïque régionale française pour en faire un tout national. Ils soumirent les seigneurs récalcitrants à l’appel des Communes. C’était l’époque ou déambulait dans les chemins du petit royaume, le roi Louis VI dit le-Gros : « Aimable et bon, au point qu’il en passait pour bête »(Suger, Abbé de St Denis)

Frédéric Winkler