Jean-Philippe Chauvin

1791, année maudite pour les travailleurs français (2)

Il est un autre effet néfaste et souvent méconnu des lois révolutionnaires libérales de 1791 : c’est la destruction de l’apprentissage qui, pourtant, avait permis au monde du Travail d’Ancien régime d’assurer et de s’assurer une qualité particulière et reconnue du monde entier, et qui garantissait la transmission des savoir-faire d’une génération à l’autre, avec toujours l’idée de rajouter, à chacune d’entre elles, quelques éléments supplémentaires. 1791, c’est la volonté de briser cette longue suite de « maîtrise de l’art du métier », propriété et fierté des travailleurs, quelles que soient leur fonction et leur place dans la hiérarchie professionnelle. Désormais, le seul maître, c’est celui qui finance et tire profit de la production, et non plus celui qui la fait, concrètement, à la force de son poignet et de ses muscles, au gré de son intelligence, avec l’aide de ses outils et avec l’expérience des anciens et la sienne propre, avec un rythme de travail qui est d’abord le sien et qui n’est pas imposé par « l’horloge du patron ».

1791 a marqué la victoire du libéralisme anglosaxon et de l’idéologie franklinienne, et les luttes sociales françaises du XIXe et du XXe siècles n’ont été que la réponse, parfois maladroite et violente, à la terrible violence « légale » des lois d’Allarde et Le Chapelier. Car, si les syndicats ont constitué, à partir de 1884, des formes de substitutions aux anciennes associations corporatives, ils n’ont jamais pu, en tant que « sociétés professionnelles » se constituer un « patrimoine corporatif » qui aurait pu leur permettre, au-delà de l’Etat et des subventions, de recréer un rapport de forces durable, en particulier dans les périodes de mondialisation qui ont accéléré leur déclin et révélé leur impuissance un temps masquée par les avantages octroyés (mais parfois conquis grâce à des mobilisations d’ampleur mais trop souvent éphémères, et à une situation géopolitique qui faisait craindre aux possédants une « lutte finale » qui leur serait défavorable…) par le soutien d’un Etat qui avait encore, s’il le voulait (ce qui n’était pas toujours le cas…), la force et les moyens de s’imposer au monde des féodalités économiques et financières.

Bien sûr, il est trop tard pour empêcher Le Chapelier de faire voter sa loi et pour raccompagner fermement les révolutionnaires libéraux de la fin du XVIIIe siècle à la porte de l’Assemblée constituante de 1791, et ce qui est fait, même mal, est fait : mais cela n’empêche pas de dénoncer les fondements de ce qui, aujourd’hui, fait le malheur du peuple des ronds-points et sa colère… Cette dénonciation ne doit pas non plus empêcher la proposition d’une nouvelle fondation sociale, dans laquelle les associations socio-professionnelles, les travailleurs eux-mêmes et les dirigeants d’entreprise, les communes et les régions (à travers leurs institutions propres ou une forme de Conseil économique et socio-professionnel local, plus ou moins large mais toujours enraciné dans les territoires et les populations), avec la bienveillance et sous la surveillance arbitrale de l’Etat, joueraient un rôle majeur dans la garantie de la justice sociale, « premier droit des travailleurs au travail ».

Que l’on ne s’étonne pas que la Monarchie sociale soit, par sa situation de grand arbitrage et de par sa légitimité qui ne doit rien aux féodalités financières et aux oukases de la « gouvernance », son régime et ses institutions politiques la mieux placée (et j’emploie ce qualificatif à dessein) pour surmonter les crises sociales que la mondialisation contemporaine et le libéralisme dominant nourrissent aux dépens de nos concitoyens et des classes moyennes… Si le Roi politique n’a pas de sceptre magique pour dissoudre les causes du malaise social, il est symboliquement porteur de cette Main de justice qui rappelle que, sans ce devoir social assumé et garanti par la magistrature suprême de l’Etat, il n’y a pas d’ordre légitime qui puisse s’affirmer et tenir dans la durée…

(à suivre)

1791, année maudite pour les travailleurs français (1)

Au-delà du processus de la révolution politique initiée en 1789, il y a un autre processus à évoquer, c’est celui de la « dépossession professionnelle », permise et même imposée par le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier de l’année 1791, véritable année de naissance du Prolétariat, à la fois comme condition et comme situation.

Le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier sont deux textes que l’on peut rattacher au libéralisme des Lumières, marqué par l’individualisme et la Liberté économique, et qu’il faut sans doute replacer dans le contexte de l’émancipation des « possédants économiques » à l’égard des corps constitués et d’une Eglise catholique qui, malgré ses défauts et ses avanies, conserve encore une certaine réserve à l’égard de « l’Argent-Seigneur ». Ces deux textes se complètent en une logique certaine et infernale, si l’on veut bien en mesurer les effets immédiats sur le plan social : le premier supprime les corporations, corps socio-professionnels qui encadrent le travail autant sur le plan de ses conditions pour les travailleurs que sur celui de la qualité de la production ; le second interdit toute possibilité pour les travailleurs de se regrouper pour défendre leurs intérêts communs, la liberté individuelle primant désormais, aux yeux des constituants, sur toute communauté autre que la Nation. Ces deux textes sont l’application rigoureuse de la fameuse « Liberté du travail », qui n’est rien d’autre que « la liberté de l’Argent sur le monde du Travail », et ils sont votés dans un contexte de fébrilité sociale, au moment où les ouvriers, parfois assemblés en « coalitions ouvrières », revendiquent des augmentations de salaires et la protection de leurs droits, de plus en plus menacés par une bourgeoisie soucieuse d’appliquer la formule de Franklin sans égards pour ceux qui travaillent dans les ateliers et fabriques. Ces deux lois sont marquées, dès l’origine, par un véritable esprit de lutte des classes imposée, dans le monde du Travail, par les « possédants » et non par les ouvriers : elles ouvrent la voie à plus d’un siècle d’oppression sociale du monde des travailleurs manuels des usines et des mines, au nom d’une Liberté qui apparaît bien comme « celle du renard libre dans le poulailler libre » selon l’expression célèbre. Mais elles légaliseront aussi toutes les répressions contre les ouvriers et artisans quand ceux-ci réclameront leur juste dû et le respect de leur dignité, bafouée par un libéralisme importé du monde anglosaxon…

Cette destruction des corporations et des libertés ouvrières au profit de la « Liberté du Travail » et de la domination capitalistique est aussi la défaite d’un modèle français, certes en crise d’adaptation face aux nouvelles conditions de l’industrialisation en cours au XVIIIe siècle : ce modèle ancien, né au Moyen âge dans les villes d’Occident, devait beaucoup à l’Etat (surtout depuis la fin de la Guerre de Cent ans) autant qu’aux villes qui l’avaient vu naître et aux professions qui l’avaient suscité, et il assurait une certaine justice sociale par l’équilibre qu’il établissait au sein du monde du Travail, dans le cadre d’une hiérarchie rigoureuse mais qui n’empêchait pas l’ascension sociale et l’inventivité professionnelle. Bien sûr, ce modèle n’était pas parfait mais il restait perfectible et, surtout, il préservait les travailleurs et la qualité de leur travail « malgré la concurrence », plaçant les hommes de l’atelier et de la mine avant le seul profit de quelques uns qui maniaient plutôt les pièces d’argent que celles des métiers et des outils… De 1791 date la rupture entre le travailleur et celui qui en tire profit : et cette situation s’est bien aggravée depuis, comme on peut encore le constater avec les émoluments de quelques grands patrons peu soucieux d’autre chose que de l’intérêt des actionnaires et n’hésitant pas à sacrifier des milliers d’emplois pour engranger plus de bénéfices.



(à suivre)

L’ordre, mais quel ordre ?

Dans son intervention télévisée de lundi dernier, le président Macron a évoqué les soucis actuels, comme le rappelle Rémi Godeau dans les colonnes du quotidien L’Opinion, mardi 25 juillet : « Interrogé lundi sur les leçons qu’il tirait des émeutes urbaines, Emmanuel Macron ne s’est pas perdu en explications sociologiques et a répondu d’un seul mot, répété trois fois : l’ordre. Pour atténuer les accents autoritaires de l’injonction, il a précisé : « Notre pays a besoin d’un retour de l’autorité. » ». En somme, il n’a fait que reprendre le sentiment profond et le vocabulaire de ce que l’on peut nommer, sans emphase et sans risque de malentendu le pays réel, ce pays qui n’est pas celui des officines politiques ni des grandes entreprises mondialisées, des groupes idéologiques ni des replis communautaristes ; ce pays réel qui est celui des Français enracinés ou intégrés, travaillant, vivant et aimant en France, dans une pluralité qui se reconnaît une unité supérieure, ce « plus vaste des cercles communautaires qui soient (au temporel) solides et complets) » qu’est la nation, « famille des familles » et cité historique…

« L’ordre, mais quel ordre ? », interrogeait Gérard Leclerc dans l’un des premiers numéros de la Nouvelle Action Française, au printemps 1971 : la question reste toujours actuelle et, surtout, fondamentale. Ce que confirme le criminologue Alain Bauer dans Marianne (20-26 juillet 2023) en rappelant que tout ordre n’est pas forcément bon, et qu’il y a peu, parfois, de l’ordre à sa caricature, déformation profonde de son sens exact : « Le principe de réalité gagne toujours (…). L’ordre aussi. Mais pas n’importe lequel. Ordre criminel, ordre autoritaire, ordre républicain. Il y aura une puissante réaction citoyenne contre la dégradation des conditions de sécurité. Mais nul ne sait encore quel ordre s’imposera. » Déjà, dans nombre de lieux dits de « non-droit », ce sont les clans de trafiquants de drogue qui semblent fixer les nouveaux cadres de « leur » ordre, allant jusqu’à organiser des activités ludiques pour les populations de « leur » territoire quand, dans le même temps, ils structurent véritablement l’écosystème économique et social du lieu concerné, à leur indigne profit. Quant à la tentation de l’autoritarisme, elle répond surtout à un sentiment d’abandon des populations par les élites protégées dans leurs centres-villes. Reste ce que M. Bauer nomme « l’ordre républicain » qu’il conviendrait de renommer l’ordre civique, ce qui serait plus juste et moins ambigu, d’autant plus que, à bien y regarder, c’est bien la République elle-même qui est la principale cause du désordre et de l’insécurité actuelles, par sa démagogie et son inconstance. Un Etat dont la magistrature suprême est régulièrement l’objet de disputes d’ambitieux pour en prendre le contrôle quinquennal peut-il incarner durablement, civiquement et humainement l’ordre nécessaire et juste ?

« L’ordre est la marque de la civilisation, la preuve manifeste que les individus ont soumis leurs passions aux mesures de la raison et qu’entre eux règne la concorde qui seule fonde le bonheur des cités. Il est donc un bien suprême. A sa qualité se juge le degré d’humanité d’une époque ou d’un peuple. » (1) Or, pour que cet ordre soit, encore faut-il un Pouvoir politique qui le permette, le garantisse et le pérennise, même si l’ordre ne peut évidemment pas se réduire à la seule dimension politique : puisque la République n’y parvient plus, ou pas autrement que par le déni (le meilleur moyen de ne rien résoudre du tout, en fait, tout en en donnant l’impression ou, plus exactement, l’illusion) ou par une violence d’Etat maladroite et, surtout, démesurée (comme au moment du soulèvement automnal des Gilets Jaunes en 2018, entre autres), sans doute est-il temps, à nouveau, de reposer la question institutionnelle. Arnaud Dandieu, jeune non-conformiste des années 1930, avait inauguré une formule que nombre de ses contemporains et successeurs allaient aussi faire leur : « Quand l’ordre n’est plus dans l’ordre, il est dans la révolution ». Encore faut-il que cette révolution, elle aussi, ne soit pas la caricature sanglante du retournement, de ce basculement nécessaire vers « autre chose que ce qui domine présentement », et qu’elle soit cette instauration d’un ordre qui, pour notre pays, ne peut être que politique d’abord et évidemment éminemment français. Plus encore qu’une révolution royaliste (qui peut être un passage sans être une obligation), c’est d’une révolution royale dont la France a besoin… Car c’est aussi par le « haut » que peut se faire la révolution politique qui vise à concilier, par la claire définition de l’Etat central et de ses attributions comme de ses limites, l’ordre et les libertés : l’ordre sans lequel les libertés sont impuissantes ; les libertés sans lesquelles l’ordre est indigne.

Jean-Philippe Chauvin





Notes : (1) : Gérard Leclerc, dans la Nouvelle Action Française, numéro 3, avril 1971.



Un remaniement pour rien…


Le gouvernement n’a pas changé de tête et le président n’a pas changé de politique : Mme Borne se succède à elle-même et des politiciens remplacent des techniciens de la société civile maladroits à leur poste, qu’il s’agisse de M. Pap N’Diaye ou M. François Braun. La République, fidèle à elle-même et dans la continuité du précédent gouvernement, montre le pitoyable visage d’un désordre sans fin qui se donne, sous la mine sévère de M. Darmanin, des apparences de fermeté : c’est confondre l’autorité légitime avec l’autoritarisme qui a le défaut de ne rien régler, ni dans les banlieues ni dans les centres-villes, désormais dévastés à chaque (ou presque) manifestation protestatrice ! Les vitrines de Rennes comme celles de Paris ou de Marseille portent les stigmates en contreplaqué de cette situation scandaleuse du « chaos toléré » faute d’être combattu efficacement… Quel échec !!


Pendant que la République fait joujou avec les maroquins ministériels, l’inflation alimentaire atteint les 13% sur un an, tandis que les prix de l’électricité augmentent encore de 10% au 1er août après avoir augmenté de 15% au 1er février, et que les prix des loisirs estivaux et des locations explosent allégrement ! Et M. Macron et Mme Borne discourent et paradent à la télévision en vantant le succès (sic !) des « Cent jours » de l’après-réforme des retraites… Quelles inconvenance et indécence sociales !


Pourtant, la France a tous les atouts pour réussir à passer le cap des difficultés actuelles : un territoire riche de ressources agricoles et d’un patrimoine à nul autre pareil ; un espace maritime qui est le 2ème mondial ; une matière grise d’une très grande qualité ; une inventivité formidable ; etc. Mais la République, aujourd’hui, gâche tout (ou presque), prisonnière des lourdeurs administratives et des taxes sans fin, mais aussi des féodalités politiciennes et financières, et toujours coincée entre deux élections, surtout présidentielles.


Une Monarchie royale, héréditaire donc libre des factions qui font l’élection parce que la naissance, elle, ne s’achète pas, pourrait valoriser toutes les qualités françaises, dans leur pluralité et leurs domaines d’application respectifs : sans être un « sceptre magique », la Monarchie royale a l’immense mérite de garantir l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat et la continuité d’Etat par la succession dynastique. C’est une proposition politique crédible pour répondre à la crise de confiance démocratique contemporaine : pensons-y !!

Pour une Monarchie sociale !


L’économie française ne crée plus de véritables emplois pérennes, constataient Le Figaro et Les échos il y a quelques mois : cela n’est guère rassurant, car cela signifie que le travail précaire se renforce au détriment des métiers enracinés et des emplois stables. Le triomphe du « nomadisme industriel » se marque aussi par des délocalisations de plus en plus fréquentes et des drames sociaux qui touchent, directement ou indirectement, de plus en plus de familles et de personnes, peut-être demain à Rennes avec les risques qui pèsent sur l’usine d’automobiles Stellantis, de La Janais. Certains, au nom du « Libre Marché », se satisfont de cette situation en comptant sur l’auto-régulation de l’économie: c’est faire preuve d’un grand optimisme, pas exactement confirmé par les faits jusqu’à présent.


Une Monarchie sociale « à la française » ne laisserait pas faire les seules forces du Marché, ne serait-ce que pour une raison simple: la Monarchie, qui repose sur la transmission familiale, sur le caractère le plus naturel de la condition humaine (la naissance au sein d’une famille), peut résumer son éthique sociale par la formule « L’économie doit être au service des hommes, et non l’inverse« . Cela signifie que la Monarchie, dont le principal devoir est d’assurer la protection (diplomatique et militaire, comme économique et sociale) du pays et de ses habitants, ne peut accepter que l’Economique s’impose au Politique et néglige ses obligations sociales premières.


Cela signifie-t-il dire que la Monarchie ne respecterait pas la « liberté économique » ou imposerait une « dictature étatiste » ? Bien sûr que non ! Mais il s’agit pour l’Etat monarchique de faire respecter et de valoriser, par l’action déterminée et raisonnée de ses institutions, conseils et organes, les grandes valeurs humanistes et personnalistes (au sens premier du terme, fort distinct de l’individualisme propre à l’idéologie libérale) et l’intérêt commun de notre pays et de ses citoyens.


Mais comment faire ? Sans doute l’une des premières tâches de la Monarchie sociale sera-t-elle d’impulser une grande politique d’Aménagement du territoire et de « relocalisation des activités productives » (y compris dans le domaine agricole, qui peut s’avérer très intéressant au regard des nouvelles tendances alimentaires et énergétiques) : il n’est pas à négliger que la France dispose d’un vaste territoire, doté d’un réseau fort complet de voies de communications et de transports, et d’un maillage communal qu’il serait dommage de ne pas mettre en valeur. Plutôt que regarder délocaliser les entreprises à l’étranger ou d’accepter qu’elles partent sans retour, il s’agirait, par une politique d’incitation fiscale ou financière plus audacieuse que celle d’aujourd’hui, de les maintenir sur notre territoire, et pas forcément dans les seuls grands centres urbains aux loyers trop élevés (en particulier pour les populations ouvrières). Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres propositions: ce ne sont pas les idées qui manquent en France, mais la volonté politique pour les mettre en pratique, pour briser un certain nombre de carcans administratifs inadaptés aux enjeux contemporains et pour « faire bouger les lignes »…


La Monarchie serait, non une fracture, mais une rupture avec la politique de la Démission propre à l’Etat actuel. Sans doute devra-t-elle prendre des risques, mais la Monarchie active « à la française » n’a pas vocation à l’immobilisme et à la facilité, et ce sera particulièrement vrai dans les premiers temps de « l’Instauration monarchique ». Face à la globalisation et au néo-nomadisme financier et industriel, la Monarchie, de par la continuité inscrite dans son principe dynastique, peut « parler de plus haut » et agir, non contre les forces économiques, mais au-delà des féodalités financières.


Dans l’Histoire de notre pays, l’Etat royal a montré, maintes fois et parfois contre le cours même de l’idéologie dominante (hier religieuse, aujourd’hui économique), ses capacités d’adaptation et d’action: c’est d’ailleurs ainsi qu’il a fondé la France, qui n’était pas encore une évidence au Moyen-âge, et qu’il a forgé sa puissance. La Monarchie, pour réussir son Instauration populaire, se devra d’être sociale. Les Français ne lui pardonneraient pas de renoncer à sa principale mission, à ce qui peut fonder une nouvelle légitimité: la justice sociale.


Le chaos et l’injustice sociale…

Le Chaos et l’injustice sociale : l’échec de la République…


« Que pèse le profond sentiment d’injustice de cette personne aux revenus modestes qui découvre au petit matin la carcasse calcinée de sa voiture ? Son assurance la remboursera à la valeur du bien, c’est-à-dire souvent pas grand-chose. Qui perçoit sa colère silencieuse ?
« Cette injustice-là, aussi, doit être prise en compte. Combien sont-elles ces personnes anonymes,victimes des dégradations, et qui une fois le calme revenu, les colères apaisées, garderont en elles le sentiment d’être considérées comme quantité négligeable ?
 »

Ouest-France, samedi 8 juillet 2023, en page 1.


Dans ces temps d’incertitude, de haine et de chaos, nous pourrions désespérer mais il importe de toujours penser au bien de la France et au bien commun des Français, d’abord !

Ce que tout le monde peut constater, du Blosne à Rennes aux quartiers de Nanterre, c’est l’impuissance de la République à résoudre les problèmes qu’elle a contribué à créer et à entretenir, d’une présidence à l’autre.

En 2005, déjà, la crise des banlieues avait montré l’aveuglement et l’imprévoyance de la République : après le chaos, les promesses de « plus jamais ça ! » avaient fleuri dans les discours du « pays légal », mais rien n’a changé… La France paye aujourd’hui le prix de la lâcheté et du renoncement, de l’hypocrisie et de l’inconstance de la République.

Dans l’immédiat, il importe de préserver ce qui doit l’être et de soutenir les efforts des pouvoirs publics pour rétablir la sécurité des biens et des personnes.

Mais il importe de ne pas oublier, au-delà du moment le plus violent de la crise, les causes profondes de ce chaos (immigration mal contrôlée ; entassement des populations déracinées en des cités de béton ; francisation abandonnée ; éducation négligée… et autorité toujours désavouée, au nom de l’enfant-roi…)
et d’évoquer les moyens, en particulier institutionnels (renforcement de l’instruction publique ; respect des valeurs civiques ; restauration de l’autorité et valorisation de la justice sociale… et un État digne de ce nom et de ses fonctions régaliennes…), d’y répondre et de refonder cet « ordre français » nécessaire à la pérennité de la nation et à la concorde nationale.







Groupe d’Action Royaliste.

La Monarchie que nous voulons…

La Monarchie royale que nous souhaitons et pour laquelle nous militons, n’est pas qu’un intermède entre deux élections, qu’elles soient présidentielles ou législatives (ou les deux à la fois…), elle s’enracine dans une histoire et un temps long dont la dynastie représente le tronc et les racines parfois tourmentées…

Contrairement à la monocratie macronienne, elle n’est pas le « Pouvoir-Tout » mais le Pouvoir central, axe des autres pouvoirs nationaux, de l’Assemblée nationale et du Sénat, et des pouvoirs provinciaux, communaux et socio-professionnels. Ce que nous nommons « les parlements », ce sont tous les conseils, assemblées, chambres des métiers, etc. qui innerve le pays dans toutes ses particularités et tous ses aspects politiques et sociaux : en somme, les « républiques françaises », au sens traditionnel du terme, et non idéologique ou républicaniste. Dans ce cadre général et « fédératif », l’exercice démocratique (le terme civique serait d’ailleurs plus approprié…) aurait plus de sens et de portée, grâce à une subsidiarité garantie par la Monarchie royale et fédérative, centrale et arbitrale, et non omniprésente et oppressante comme l’actuelle République monocratique

Car, si l’on veut rendre aux Français le goût de la politique au sens le plus positif et actif du terme sans qu’il soit la simple expression d’un individualisme de masse, c’est par la remise en ordre d’institutions locales dans lesquelles le citoyen ne soit pas qu’un pion, mais un acteur et un animateur : en somme, de nouvelles agoras ou, mieux, de nouvelles « ecclésias » (au sens athénien du terme) appliquées aux décisions communales, provinciales ou socio-professionnelles (corporatives, en somme) par le biais de référendums locaux et, pourquoi pas, d’initiative citoyenne, comme cela avait été réclamé il y a quelques années par des Gilets jaunes alors peu écoutés par la monocratie macronienne.


La Révolution française, cauchemar social pour les travailleurs ?

Nombre des contestataires de la réforme Borne-Macron des retraites et de sa mesure emblématique du report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans nous interrogent sur la Question sociale, et c’est l’occasion de préciser les raisons de notre royalisme social. Au regard de l’histoire de notre pays, il est d’ailleurs bien dommage, tout compte fait, que la Gauche et ses extrêmes cherchent à monopoliser un terrain qui, en définitive, pourrait bien ne pas leur appartenir… Voici donc un texte « royaliste social » initialement publié au printemps 2016, et qui nous paraît répondre à quelques interrogations historiques mais aussi contemporaines de tous ceux qui s’intéressent à la Question sociale…



(…) Bien sûr, depuis quelques années, le Groupe d’Action Royaliste a publié bon nombre de textes, de brochures et de vidéos sur ce thème, mais c’est un travail de bénédictin qui attend celui qui voudra faire une synthèse complète des positions et des politiques monarchistes du XIXe au XXIe siècle qui se veulent sociales (1), et il ne faudra pas oublier, aussi, les réticences ou l’indifférence de certains de ceux-ci devant des avancées sociales qui, parfois, semblaient « socialistes »… Effectivement, s’il y aura bien un Mouvement Socialiste Monarchiste qui, entre 1944 et 1946, fera référence au « socialisme » de René de La Tour du Pin et vantera, furtivement, les expériences sociales des monarchies du Nord de l’Europe, il ne connaîtra qu’un succès éphémère et tout relatif, et sera largement incompris du public qu’il était censé attirer…

Et pourtant ! Si la question sociale ne naît pas avec la Révolution, loin s’en faut, ce sont des royalistes qui vont, dès la fin du XVIIIe siècle, dénoncer les conditions nouvelles faites au monde des artisans et ouvriers par le libéralisme triomphant à travers le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier. Car la date de naissance « légale » de la condition de « prolétaire » en France est bien cette année 1791 avec ses deux textes aujourd’hui « oubliés » des manuels scolaires et qui, tout le XIXe siècle, permettront l’oppression en toute légalité et au nom de « la liberté du travail » (qui n’est pas vraiment la liberté des travailleurs…) des populations ouvrières de notre pays.

Étrangement, le philosophe maoïste Alain Badiou paraît (mais paraît seulement…) rejoindre les monarchistes sociaux dans leur critique d’un libéralisme triomphant à la fin du XVIIIe siècle, de ce « franklinisme » qui sacralise l’Argent à travers la fameuse formule « le temps c’est de l’argent » écrite et expliquée par celui qui a été reçu comme un véritable héros (héraut, plutôt, et d’abord des idées libérales) à Versailles par les élites du moment et particulièrement par la grande bourgeoisie. Ainsi, dans son dernier essai intitulé « Notre mal vient de plus loin », Badiou écrit, en cette année 2016, ce qu’un Maurras du début du XXe siècle n’aurait pas désavoué : « Depuis trente ans, ce à quoi l’on assiste, c’est au triomphe du capitalisme mondialisé.
« Ce triomphe, c’est d’abord, de façon particulièrement visible, le retour d’une sorte d’énergie primitive du capitalisme, ce qu’on a appelé d’un nom contestable le néolibéralisme, et qui est en fait la réapparition et l’efficacité retrouvée de l’idéologie constitutive du capitalisme depuis toujours, à savoir le libéralisme. Il n’est pas sûr que « néo » soit justifié. Je ne crois pas que ce qui se passe soit si « néo » que ça, quand on y regarde de près. En tout cas, le triomphe du capitalisme mondialisé, c’est une espèce d’énergie retrouvée, la capacité revenue et incontestée d’afficher, de façon maintenant publique et sans la moindre pudeur, si je puis dire, les caractéristiques générales de ce type très particulier d’organisation de la production, des échanges, et finalement des sociétés tout entières, et aussi sa prétention à être le seul chemin raisonnable pour le destin historique de l’humanité. Tout cela, qui a été inventé et formulé vers la fin du XVIIIe siècle en Angleterre et qui a dominé ensuite sans partage pendant des décennies, a été retrouvé avec une sorte de joie féroce par nos maîtres d’aujourd’hui.
»

Maurras évoquait « le triomphe des idées anglaises et genevoises » pour qualifier la Révolution française et, comme Badiou, il ne faisait guère de distinction entre libéralisme économique et libéralisme politique, l’un permettant l’autre et réciproquement… J’aurai, quant à moi, tendance à déplacer un peu le curseur de l’autre côté de l’Atlantique, comme je le fais à travers ma critique de la philosophie « profitariste » de Benjamin Franklin.

Disons-le tout net : la France aurait pu éviter de tomber dans le travers d’un capitalisme que Maurras dénoncera comme « sans frein » quand il aurait pu être maîtrisé et, pourquoi pas, bénéfique s’il avait intégré les fortes notions de « mesure » et de partage en son sein, ce qui ne fût pas le cas, malheureusement.

Oui, il y aurait pu y avoir « une autre industrialisation », mais la Révolution a tout gâché et la République plus encore une fois débarrassée de la Monarchie et de ses structures fédératives et corporatives (ces deux dernières étant mises à mal et pratiquement à bas dès l’été 1789). Je m’explique : avant le grand tumulte de 1789, la France est la première puissance d’Europe (voire du monde ?) et elle maîtrise désormais les mers, au moins en partie, depuis ses victoires navales du début des années 1780 face à l’Angleterre, thalassocratie marchande en plein doute depuis sa défaite américaine. Elle est la première puissance industrielle et la première diplomatie mondiale, mais, alors que le pays est riche et apparaît tel aux yeux des étrangers, pays comme individus, l’État, lui, est pauvre et en butte aux pressions de plus en plus fortes des élites frondeuses, aristocratie parlementaire et bourgeoisie économique (même si le pluriel pourrait bien être employé pour cette dernière, plus protéiforme qu’on le croit généralement). Si l’on s’en tient aux aspirations de la noblesse libérale et financière et à celles de la bourgeoisie économique, elles sont simples : prendre le Pouvoir politique, au nom du Pouvoir économique, en arguant que ceux qui font prospérer les capitaux sont les plus aptes à l’exercice de l’État, ravalé (dans leur logique) à un simple rôle de gestionnaire et non plus d’arbitre ou de décideur politique. En somme, indexer le Pouvoir politique sur le seul Économique, au risque d’en oublier l’importance d’une politique sociale d’équilibre… Ce qui arriva dès que la Révolution prit les rênes du gouvernement au détriment de l’autorité royale elle-même, et qui provoqua l’explosion de la pauvreté en France dès le début des années 1790 et l’effondrement de l’économie française, bientôt aggravé par la guerre et la fin de la Marine française.

Ainsi, le XIXe siècle que, quelques années avant la Révolution, l’on annonçait « français », sera en définitive « anglais » et c’est le modèle capitaliste « sans frein » qui triompha, la France s’y étant « ralliée », en sa haute (et pas seulement) bourgeoisie et par les textes législatifs de 1791 (aggravés par Napoléon et son fameux « livret ouvrier » si défavorable aux travailleurs), puis par un « mimétisme nécessaire » pour ne pas être décrochée dans la compétition économique mondiale de l’après-Révolution…

J’en suis persuadé : si 1789 n’avait pas eu lieu tel qu’il a eu lieu, trahissant l’esprit même des états généraux et des cahiers de doléances voulus par le roi Louis XVI, et laissant l’Économique s’emparer du Politique, « 1791 » n’aurait pas été cette défaite du monde du travail et la France n’aurait pas perdu le combat civilisationnel face au « Time is money » anglo-saxon

Est-il définitivement trop tard ? Un disciple de La Tour du Pin, ce penseur majeur du royalisme social et corporatiste, était persuadé du contraire et, crânement, il déclarait que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille (la Bourse) » tout en rappelant aussi le « Politique d’abord » (comme moyen et non comme fin) par la formule, simple mais efficace : « l’intendance suivra ! »… Mais c’était toujours la République et l’effort d’un moment n’a pas suffi et ne suffit pas si les institutions elles-mêmes ne l’enracinent pas dans la longue durée, celle qui permet de traverser les siècles et d’aider les générations qui se succèdent. La République n’est pas la Monarchie, tout simplement, même s’il lui arrive de l’imiter, dans un hommage involontaire du vice à la vertu









Notes : (1) : Depuis la première publication de cette note (2016) sont parus deux livres qui comblent en grande partie le vide sur le XIXe et le début du XXe siècle : « Le catholicisme social, de la Restauration à la Première Guerre mondiale », de Léo Imbert, éditions Libres, 2017 ; « Actions et doctrines sociales des catholiques. 1830-1930 », de Daniel Moulinet, Cerf, 2021. D’autres ouvrages avaient précédé, comme ceux de Xavier Vallat, d’Antoine Murat et, entre autres, de Jean-Baptiste Duroselle. Mais rien n’existe vraiment sur les royalistes sociaux de la fin des années 1940 à nos jours…


Postface : Une nouvelle écriture de cette note me conduira sans doute à présenter aussi les idées des physiocrates (en prenant appui sur le dernier livre de Jean-Marc Daniel, « Redécouvrir les physiocrates », livre qui s’inscrit dans une perspective libérale et dont il me faudra préciser les limites, voire les erreurs de sens et de portée…) et les réformes de Turgot sous Louis XVI ainsi que celles de Choiseul qui les précédent dès 1763, et qui inaugurent un « cycle libéral » (encore contrarié sous la Monarchie d’Ancien Régime) dont l’apogée légale et pratique sera, en somme, les lois de 1791 et leur application au XIXe siècle.




Jean-Philippe Chauvin

La leçon politique de Jeanne d’Arc.

Les royalistes, en particulier ceux du Groupe d’Action Royaliste et, bien avant lui (chronologiquement parlant) ceux de l’Action Française, ont toujours accordé une grande importance à Jeanne d’Arc et à son culte, plus politique que religieux, et cela dès les origines du mouvement maurrassien. Aussi, chaque année, le second dimanche du mois de mai, a lieu le « cortège traditionnel » d’hommage à Jeanne d’Arc dans un Paris désert et largement indifférent et oublieux, malheureusement. Un défilé qui, invariablement et logiquement, se termine devant la statue de la « Sainte de la Patrie », place des Pyramides.

Cette année, la préfecture de police a cru bon d’interdire ce cortège qui existe pourtant depuis plus d’un siècle ! Bien mal lui en prit, puisque la justice a annulé cette scandaleuse interdiction et que plusieurs centaines de royalistes ont ainsi défilé sous l’objectif des caméras de BFM-TV, pourtant peu soupçonnable de sympathies monarchistes… Nombre d’articles de presse ont relaté le déroulement de cette « manifestation » royaliste traditionnelle.

Du fait de ses mésaventures préfectorales et judiciaires, le cortège n’a pas, cette fois, été parasité par les différents groupes d’extrême droite qui, à défaut d’exister les autres jours, profitent de celui-là pour bomber le torse et jouer la provoc’. Ainsi, les royalistes, et peu importe le nombre quand il y a la ferveur et l’ardeur, ont-ils rendu à Jeanne d’Arc son sens éminemment politique et national, au-delà des caricatures et des récupérations en tout genre malheureusement habituelles.

En effet, Jeanne d’Arc était « politique d’abord » comme Charles Maurras l’a démontré maintes fois : alors que la stratégie militaire aurait nécessité la poursuite des Anglais après ses premières victoires, Jeanne ouvre d’abord la « voie du sacre » à Charles VII. Instinctivement, ou rationnellement, elle comprend qu’il faut d’abord « fonder le Pouvoir et forger l’Autorité » par cette reconnaissance de la condition politique de l’incarnation et de l’action libre de l’État par le Souverain. D’abord le Roi pour que vive, en sa personne et par sa liberté, la France.

Bien sûr, les temps ont changé mais les conditions d’un État libre et durable restent les mêmes et il faudra bien s’en convaincre pour poser, à nouveau, la question institutionnelle, au-delà des blocages inhérents au régime des partis et de l’impuissance d’un État qui s’est laissé lier les mains par une Union européenne oublieuse des libertés des nations et des peuples qui les constituent : c’est le meilleur hommage que nous pourrons rendre à Jeanne, celui de suivre sa leçon éminemment politique !




Liberté d’expression pour les royalistes !

Le Groupe d’Action Royaliste est une structure royaliste indépendante de toutes les organisations royalistes, et il est très attaché à cette indépendance. Il revendique une part de l’héritage des Camelots du Roi, et soutient toutes les initiatives royalistes utiles au bien du pays, des peuples de France et de leur patrimoine historique.


Or, La préfecture de police de Paris vient d’interdire deux manifestations royalistes de l’Action française prévues en cette fin de semaine, un colloque annoncé samedi et le traditionnel cortège de Jeanne d’Arc que l’AF organise depuis plus d’un siècle. Les motifs invoqués pour cette double interdiction sont absolument délirants et extrêmement inquiétants pour qui est attaché à la liberté d’expression et de réflexion : ainsi, certains thèmes abordés par le colloque pourraient menacer l’ordre public… En somme, la préfecture de police vient de rétablir le délit d’opinion, en toute tranquillité !


En ces circonstances particulières, le Groupe d’Action Royaliste apporte tout son soutien à l’Action française-Restauration Nationale, et continuera à rappeler à la république que « la liberté, ça ne se renifle pas. La liberté, ça se respire ! ». Et, puisque c’est un cri séditieux pour la préfecture de police de Paris, les militants, compagnons et sympathisants du GAR vont tout de même le répéter, que cela plaise ou non au préfet de police : vive le roi ! ⚜️