La question sociale mérite que l’on y prête attention et que l’on y réponde, autant que possible et selon les règles d’une justice sociale que nombre de nos concitoyens semblent parfois avoir oubliée : il est vrai que la lecture des manuels scolaires ou universitaires démontrent une certaine négligence sur le sujet, comme on peut le constater dans les manuels de géographie de Première des nouveaux programmes qui n’évoquent la question du chômage en France, par exemple, que par le biais d’une photo ou d’un titre de presse, sans s’y attarder plus longuement, comme si les quelques cinq millions de Français confrontés à ce drame étaient destinés à l’invisibilité ! Comment pourrait-il en être autrement quand la mondialisation, vantée sous tous les angles et couplée avec une métropolisation conquérante, est présentée comme le progrès par excellence, ce progrès obligatoire et « évidemment accepté par tous » (ou presque), désormais un peu verdi par les projets dits de développement durable, un progrès auquel il faut s’adapter pour accroître « l’attractivité », nouveau maître-mot des programmes d’aménagement du territoire ? Du coup, chômeurs et territoires en déshérence ne sont plus vus que comme les « perdants de la mondialisation », formule dont, le plus souvent, on ne retient que le premier mot, péjorativement prononcé et compris comme symbole d’un échec à imputer, non au système économique ou politique, mais aux seuls chômeurs ou aux territoires désertés… Le plus grave est peut-être que cette opinion négative est intégrée par les victimes mêmes de cette situation, un peu de la même manière que lorsque les petits Bretons ou Basques étaient moqués pour leurs langues et coutumes particulières dans l’école de Jules Ferry, au nom d’un progrès qui, à l’époque, se déclinait dans les manuels scolaires sous la formule de « République une et indivisible », et qu’ils en développaient parfois un complexe d’infériorité.
Le mouvement des Gilets jaunes a réveillé ce « peuple des perdants » comme le nommait récemment un sociologue sans acrimonie à leur égard, et la République en a tremblé quelques semaines avant de reprendre ses mauvaises habitudes de déni social et de suffisance. Que le gouvernement nommé par M. Macron, et malgré quelques bonnes volontés en son sein qu’il ne s’agit pas de dénigrer (preuve de la complexité du régime macronien, de cet « enfer pavé de bonnes intentions » selon un de ses adversaires), apparaisse comme le « bras armé politique de la mondialisation en France », n’est pas un contresens mais bien une triste réalité qu’il s’agit, elle, de dénoncer et de vouloir changer, non par pur idéalisme, mais par souci politique de la justice sociale. Cette dernière ne naît pas naturellement du monde dirigeant et décisionnaire de l’économie, de cette oligarchie qu’il faudrait plutôt nommer ploutocratie si l’on veut être complètement honnête, mais c’est bien par le moyen du politique, de l’exercice de l’Etat qu’elle peut être respectée et honorée comme elle doit l’être. La République peut-elle être cet Etat soucieux de la justice sociale, elle qui semble parfois avoir remplacée la main de justice par la matraque de Castaner ? J’en doute, et d’autant plus depuis les débuts de cette crise sociale inédite dont notre pays n’est pas sorti depuis un an qu’elle a commencé sur les ronds-points de France.
Et puis qu’importe les grincheux où histrions de tout poil, qui hantent les ruines des architectures bitumées des constructions mondialistes sans vie ni beauté. Ils parlent de valeurs inexistantes d’un système usé comme d’une république enlaidie par trop de sang versé. Nos travaux le démontrent chaque jour par les révélations d’une histoire étouffée, que des élites dépravées cachent à notre peuple désinformé. Le « prêt à penser » sans sève fabrique, chaque jour les cornichons à l’abri des courants d’air que dénonçait Bernanos en son temps, mais prudence, car on n’endort pas un peuple qui fut la lumière du monde, durant des siècles. Le plus humble de nos paysans, fut un seigneur, comme le plus humble artisan, un noble en son métier.
Ton sang de français, fruit de plusieurs peuples, animé de la foi, sema en terre de France, églises et cathédrales aux pointes caressant les cieux sous les nuages complices. Loin des rigueurs fragiles aux courages incertains des publicains, batteurs d’estrade, vendant promesses et mensonges, tes rois touchaient humblement les malades : le roi te touche, Dieu te guérisse. Et puis, Il est toujours bon de sortir la vérité des archives afin de confronter les incohérences de la pensée dominante. C’est tout de même sous Louis XIV que les premières allocations familiales furent distribuées, à Dunkerque :
«…les heureuses conséquences sociales, par un privilège que Louis XIV avait octroyé aux habitants de Fort-Mardyck et qui s’était perpétué. Pour peupler ce nouveau port, le Roi-Soleil avait décidé que chaque foyer qui s’y fonderait recevrait en cadeau de mariage un lopin de terre d’un demi-arpent d’ordonnance (2400m2 d’aujourd’hui), prélevé sur les dunes, et où trouverait place sa chaumière et son jardin. Si bien que la Ligue du Coin de Terre aurait dû honnêtement se mettre sous le patronage du plus absolu de nos rois ! ».
Au moment où le gouvernement français s’apprête à s’engager dans une réforme délicate sur l’avenir des retraites et leurs formes, l’Allemagne rouvre ce même dossier sous des auspices peu engageants, comme le signale Le Figaro de ce mercredi 23 octobre en ses pages « économie », sous le titre « Les Allemands devraient travailler jusqu’à 69 ans ». En fait, il s’agit d’une recommandation de la Bundesbank qui se veut prospective, au regard des perspectives démographiques et économiques : l’Allemagne connaît une démographie en berne, avec un taux de fécondité bien inférieur à celui de la France, lui-même en déclin depuis quelques années, et prévoit une élévation de l’espérance de vie globale, même si l’espérance de vie sans incapacité (en bonne santé, en somme) est, elle, mal connue ou sous-valorisée dans les travaux des économistes et des banquiers. Pourtant, « les Allemands pensaient le débat clos. La réforme de 2012, qui avait relevé par étapes de 65 à 67 ans d’ici à 2031 l’âge du départ légal en retraite après un vif débat, semblait une garantie suffisante pour la stabilité du système. » Mais, c’est une vis sans fin, et ce sont toujours les mêmes arguments qui sont évoqués par les banques et les économistes pour augmenter la pression sur le travail et les travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants : ainsi, il semble que, désormais, le temps de travail payé soit condamné à s’élever toujours, quoiqu’il se passe et quoique l’on fasse.
Mais ce n’est pas la seule Bundesbank qui prône ce nouveau relèvement de l’âge légal de la retraite, comme le rappelle opportunément Nathalie Versieux dans l’article cité : « Plusieurs organisations – Commission européenne, FMI, OCDE – ont également recommandé à l’Allemagne de « continuer à augmenter l’âge de la retraite » avec la hausse de l’espérance de vie, argumente de son côté la Bundesbank », trop heureuse de trouver des alliés au sommet même de l’Union européenne et de la « gouvernance » (sic !) autoproclamée de la mondialisation… Des « recommandations » que ces mêmes instances font de manière insistante, depuis de nombreuses années, pour tous les pays d’Europe mais que, en France, la population semblait ne pas prendre au sérieux jusqu’au milieu des années 2010 ! Se souvient-on que, dans l’hiver 2011, quelques membres du Groupe d’Action Royaliste organisèrent la première dénonciation dans la rue, non loin de l’église de Saint-Germain-des-Près, de la « retraite à 67 ans » que, déjà, prônaient l’Allemagne et la Commission européenne ? A l’époque, mes collègues professeurs m’assuraient que cela n’arriverait jamais en France, que c’était impossible et ils haussaient alors les épaules quand je leur citais les articles de l’époque, rares, qui évoquaient cette perspective. Et maintenant, les mêmes préfèrent se réfugier dans une sorte de fatalisme que je ne peux partager, courbant le dos en espérant que le vent du boulet ne les défrisera pas trop…
Il n’est pas souhaitable de suivre l’exemple allemand qui, en ce domaine comme en tant d’autres, ne peut être un modèle : la France n’est pas l’Allemagne, et l’appartenance de notre pays à la même Construction européenne ne saurait être interprétée comme une confusion entre toutes les nations y trouvant place. L’Union européenne, la mal nommée, n’est pas et ne peut être une démission des nations devant une Commission peu crédible et trop « économiste » pour être vraiment sociale et politique.
Il est d’abord une simple raison démographique qui évite de confondre la France avec l’Allemagne : la première, toute République qu’elle soit et malgré qu’elle le soit, a développé un modèle démographique original depuis les années 1930, qui parvient à concilier vie familiale et activité professionnelle, sans doute de manière pas totalement satisfaisante mais suffisante néanmoins pour permettre un certain équilibre démographique, ce que prouve, a contrario, le déclin provoqué par les mesures fillonistes puis hollandistes moins favorables au bon développement de notre démographie nationale. Néanmoins, et malgré les difficultés et les maladresses (?) des gouvernements, la démographie française fait preuve d’une certaine résilience, même si le taux de fécondité des Françaises d’ancienne appartenance est moins élevé que celui des Françaises de fraîche naturalisation, et il s’agit désormais de redresser ce taux dans des délais assez courts pour éviter l’élargissement d’une « vallée » démographique préjudiciable à long terme à notre pays et à son système de retraite par répartition.
Pour maintenir un niveau des retraites le plus socialement juste, il est trois pistes majeures sur lesquelles travailler pour tout Etat digne de ce nom : la valorisation des naissances et le bon accueil des populations naissantes et à naître ; la diminution forte du chômage des nationaux en France ; la possibilité d’un âge légal (de l’accès à la retraite) modulable selon les professions, les fonctions de chacun au sein de celles-ci et le désir, qui doit être pris en compte s’il est clairement exprimé, d’aller au-delà des limites d’âge légales pour ceux qui le souhaitent et sont reconnus médicalement et professionnellement comme susceptibles de poursuivre leur activité professionnelle usuelle dans de bonnes conditions, avec les aménagements nécessaires si besoin est… Mais il est aussi d’autres pistes à étudier comme celles d’une meilleure intégration au travail en France de ceux qui y ont étudié et dont les études ont été financées par les contribuables français, et cela pour freiner une émigration des cerveaux français vers les grandes puissances étrangères, émigration qui, en définitive, accroît les déficits publics français ; la création dans toutes les branches professionnelles dans lesquelles cela est possible de caisses de retraites autonomes, qui constituent une sorte de « patrimoine corporatif » destiné à assurer des retraites honorables à leurs cotisants sans aggraver la pression sur les fonds publics ; le « redéploiement rural » pour organiser de meilleures conditions d’accueil pour les retraités de tous niveaux de ressources dans des zones moins coûteuses pour ceux-ci ; etc. Cette liste de quelques mesures n’est évidemment pas exhaustive, mais elle cherche à prouver que ce ne sont pas les propositions qui manquent mais bien plutôt la volonté politique pour les initier et les ordonner, ou, au moins, pour les essayer…
En fait, la République est aujourd’hui bloquée et, plus grave encore, bloquante : quand il faudrait une véritable stratégie qui ne soit pas qu’économique et financière, mais aussi sociale et politique, aussi bien nationale qu’ouverte aux solutions provinciales ou communales, publiques comme privées, la République se contente d’une approche comptable et trop souvent « kafkaïenne » de l’immense question des retraites professionnelles, au risque de ne pas saisir les enjeux de demain et de mécontenter tout le monde sans résoudre l’épineuse question des financements nécessaires, question importante mais qu’il faut intégrer dans la question plus large de notre société, de ses équilibres et de sa pérennité historique.
Il n’y a pas, certes, de réponse « absolue » à la question des retraites, et la Monarchie royale n’a pas un sceptre magique qui lui permettrait de tout résoudre d’un coup et définitivement, mais l’inscription de la magistrature suprême de l’Etat dans le « temps long » peut être une garantie supplémentaire de recherche et de volonté de résolution d’une question qui risque d’être, encore, évolutive : or, le devoir du politique d’Etat est de protéger les populations qui sont sous sa souveraineté, et d’assurer au mieux les conditions, parfois difficiles à cerner, de sa prospérité, y compris face aux pressions de la mondialisation et de l’idéologie dominante parfois cruelle pour les plus faibles. A défaut de pouvoir appliquer les mêmes solutions que celles pratiquées par le saint roi Louis IX en son temps, il faut du moins retrouver au cœur de l’Etat et de sa pratique contemporaine l’esprit de justice sociale cher au monarque médiéval…
Jean-Philippe Chauvin
Petite vidéo réalisée par SACR TV sur le rejet de la retraite à 67 ans… C’était en 2011 !
La République nous promettait la liberté et elle nous agglomère en communautés de communes toujours plus vastes, impersonnelles, inefficaces et corruptibles.
Elle se vante d’être ce souffle nouveau de la liberté mais c’est la liberté qu’elle nous souffle. En entrant toujours plus dans notre intimité, elle est une mère abusive et perverse qui n’aime pas ses enfants mais exige qu’ils lui appartiennent exclusivement.
La République nous veut égaux de gré ou de force ! Pour cela elle nous prive d’exercer notre générosité en nous confisquant nos moyens par l’impôts. Elle fait la charité à notre place mais avec notre argent et bien mal !
Quant à la fraternité, n’en sont dignes que ceux qui se soumettent à elle sans mot dire. Malheur aux insolents qui prétendraient qu’avant elle il existait quelque chose. La République tue tout ce qui n’est pas elle et s’en nourrit, c’est sa seule façon d’exister…
Alors sur quoi n’a-t-elle pas menti ? Elle est née d’un parricide. La mort de Louis XVI, père de la grande Famille de France, était la condition sine qua non à l’avènement de la liberté, l’égalité et la fraternité !
La mère des enfants de France, Marie Antoinette, devait aussi mourir pour libérer le peuple du joug de la loi naturelle. Quant à notre dernier Roi, Louis XVII, à 8 ans il sera condamné à dépérir au cachot … Sur ce sujet, ce régime né de la Terreur n’a pas menti, nous n’aurons bientôt plus ni Père ni Mère !
Il est accablant d’assister à l’accomplissement de ce plan diabolique. Il est pire encore de constater que les détracteurs de ses attaques contre le Père et la Mère défilent aux couleurs de leurs bourreaux. Avec tambours et trompettes, ils scandent la grandeur de ce régime qui leur assène le coup ultime, celui de disparaitre du temps long, de l’Histoire par la rupture de la filiation.
Allons enfants il faut choisir : « Arrière Satan ! La France est ici, avec Dieu », pancarte brandie par un courageux manifestant de 82 ans avant sa destruction par le service d’ordre de la manifestation du dimanche 6 octobre 2019 à Paris.
Vous croyez au système républicain comme vous êtes persuadé qu’il peut encore offrir des possibilités d’actions pour résoudre nos problèmes, voir sortir la France du marasme dans lequel elle patauge depuis trop longtemps ? Et puis qu’importe, n’hésitez pas, continuez à mettre votre bulletin dans l’urne avec le nom d’un énième candidat inutile que la république vous impose. Ces candidats, vous ne les connaissez ni d’Adam ni d’Eve, mais ce n’est pas grave, candidats quand même ! Ils sont interchangeables, lavant tous plus blanc que le précédent aurait dit Coluche…
Maintenant si vous êtes sceptique quant à la viabilité de cette forme de pseudo-démocratie, scepticisme accentué par votre sens critique par exemple, alors analysons les choses : Ne croyez-vous pas que les problèmes des cités, de l’immigration, du chômage, de l’insécurité, de l’éducation, du droit des femmes comme du salaire maternel…etc. auraient pu être résolus depuis bien longtemps déjà ? En politique tout est possible ! Mais est-ce dans la logique des partis, pour qui, ces problèmes en sont le moteur. En conséquence, qu’attendre de plus de la part des partis politiques ? Croyez-vous réellement qu’un chef de parti au pouvoir, arborant de ce fait le titre de président de la république, est réellement indépendant dans ses actions pour la mise en œuvre de son programme politique pour lequel il fut élu ? (Sauf si sa victoire et le fruit d’une punition contre un autre candidat…) Un président en république est tout sauf indépendant. Il ne fait pas ce qu’il veut, mais doit au contraire se soumettre aux lobbies en tout genre qui dictent sa politique.
Danielle Mitterrand en fit l’aveu dans une interview : « Après 1981, je demandais à François Mitterrand : Pourquoi maintenant que tu as le pouvoir ne fais-tu pas ce que tu avais promis ? Il me répondait qu’il n’avait pas le pouvoir d’affronter la Banque Mondiale, le capitalisme, le néolibéralisme. Qu’il avait gagné un gouvernement mais non pas le pouvoir. J’appris ainsi qu’être le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. J’ai vécu l’expérience directement durant quatorze ans. […] En France, on élit, et les élus font des lois qu’ils n’ont jamais proposées et dont nous n’avons jamais voulu. »(Entretien réalisée par Hernando Calvo Ospina. vendredi 28 octobre 2005)
On se souvient également du discours de François Hollande du 22 janvier 2012 au Bourget lorsqu’il annonçait que son principal adversaire était la finance internationale. Au final après avoir été élu, sa politique allait plus dans le sens de cette finance qu’à son encontre ! Ce qui expliqua en partie son impopularité.
Sans oublier ce cher Jacques Chirac qui fit un semblant de démonstration de force et d’indépendance, en refusant de s’associer à nos chers « amis » américains dans leur guerre en Irak. Avec Dans le secret des présidents, le journaliste Vincent Nouzille raconte la manière dont l’administration Bush a fait payer 5,5 milliards de dollars (4 milliard d’euros) à la France comme prix de sa « trahison » lors du déclenchement de la guerre en Irak en 2003. Une somme lâchée sous pression par Jacques Chirac lors de la renégociation de la dette irakienne, alors qu’il l’avait initialement refusée. Un prix tenu quasiment secret et qui n’a fait aucun débat en France. On imagine l’utilité qu’aurait pu avoir ces 4 milliards d’euros pour notre pays, mais les intérêts américains ont plus de valeurs…
La question des retraites n’a pas fini d’agiter le pays ces prochains mois, et les premières manifestations de vendredi et de lundi derniers ont montré, à qui en doutait encore, qu’elle était éminemment sensible, même s’il est évident que leur gestion nécessite une réforme, voire une « révolution » de son approche et de sa résolution. Le système général des retraites apparaît à bout de souffle et, plus sûrement encore, à court d’argent frais, au risque d’entraîner, si l’on n’y prend garde, un véritable écroulement de l’économie des retraites et un appauvrissement forcé des populations sorties du monde du travail. La réforme est nécessaire mais pas n’importe laquelle, et pas en détruisant ce qui fonctionne au nom d’un principe d’égalité qui oublierait celui de justice, en particulier sociale.
Or, le projet gouvernemental, qui s’appuie sur la promesse électorale macronienne bien hasardeuse de la mise en place d’un régime universel, signifie (s’il est voté et appliqué tel qu’il se dessine aujourd’hui) ce que les avocats qualifient de « spoliation » : en effet, le projet prévoit la fin des régimes particuliers (que l’on pourrait qualifier de « corporatifs ») et des caisses autonomes de retraites développées et gérées par nombre de professions libérales, et souvent excédentaires quand le régime général, lui, menace faillite… Un vieux royaliste m’affirmait l’autre jour, avec un brin d’ironie, que M. Macron préparait « un nouveau 1791 », en référence à la dissolution des corporations et à la fin de leurs garanties et avantages particuliers liés aux métiers et à leur organisation, ainsi qu’à leurs patrimoines respectifs (1)… A y bien y regarder et même si, dans un premier temps, la manœuvre gouvernementale pourrait s’apparenter à une forme de « nationalisation » des fonds de ces caisses aujourd’hui autonomes (« Près de 30 milliards d’euros sont en jeu », affirme le quotidien L’Opinion dans son édition du lundi 16 septembre…), elle ouvrirait néanmoins la voie à une forme de « libéralisation » (de privatisation « douce » ?) du système des retraites au profit d’organismes financiers ou de compagnies d’assurance, par le biais d’une « capitalisation » non pas imposée mais fortement valorisée ou favorisée par la réforme elle-même, pas forcément dans le texte mais dans son esprit, ce qui paraît plus habile et non moins dangereux pour les indépendants comme pour les salariés…
Or, au lieu de les supprimer en les « intégrant » (ici synonyme de « confisquant »…) au régime général, ne serait-il pas plutôt intéressant de s’en inspirer et de les étendre à nombre d’autres professions ou secteurs ? Si l’on lit la tribune du collectif SOS Retraites qui regroupe des organisations de métiers fort différents comme avocats, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, orthophonistes, etc., l’on comprend mieux l’enjeu : « Nous avons en effet en commun d’avoir été tenus « à côté » du régime général de retraite depuis sa création pour les salariés et les fonctionnaires en 1945. Nous nous sommes organisés, profession par profession, pour créer nos régimes de retraite. Pas spéciaux, autonomes. (2)» N’est-ce pas le processus qui, en d’autres temps, a formé les Métiers, appelés aussi corporations à partir du XVIIe siècle, et qui a permis de garantir au fil des temps des conditions acceptables pour tous ceux qui y travaillaient et qui, un jour, accéderaient à un repos professionnel mérité ? C’est en tout cas ce que les royalistes sociaux, qualifiés parfois de corporatistes, prônent en réclamant « la propriété du métier » et « le patrimoine corporatif », et que certaines professions ont, concrètement, mis en pratique ! Mais, là encore, la République ne sait pas créer, au sens professionnel du terme, et elle préfère spolier, confisquer, récupérer ce que la sueur des hommes a ensemencé, et cela dans une perspective purement idéologique et comptable : la logique de la République « une et indivisible » ne peut que difficilement (et provisoirement) accepter que des associations professionnelles, des corps de métiers ou des corporations, s’organisent « hors d’elle », et l’actuel projet de réforme le démontre à l’envi. On comprend mieux pourquoi, dans les discours officiels comme ceux des idéologues libéraux, le « corporatisme » est un terme toujours employé dans un sens péjoratif quand, dans la réalité concrète des professions libérales, celui-ci est la meilleure garantie des libertés et des droits professionnels, y compris après le temps du travail.
De plus, ces caisses autonomes sont généralement plus efficaces que la République ou que les syndicats officiels pour maîtriser les dépenses et valoriser les revenus de la profession. Comme le souligne le collectif SOS Retraites, « nos régimes autonomes sont tous équilibrés, alors que le régime général est gravement déficitaire. Peut-être parce que nous avons été prévoyants là où les gouvernements successifs ont procrastiné : nos régimes autonomes ont anticipé le choc démographique, y compris en prenant des mesures contraignantes ». Or, à défaut de prévoir et de gouverner, et comme je l’évoque plus haut, la République préfère taxer ou spolier « au nom de (sa) loi », ce que dans l’édition du lundi 16 septembre du Figaro (pages économie) rappelle Paule Gonzalès à travers un exemple concret : « le projet de réforme (…) va obliger la profession [des avocats] à fusionner son régime des retraites avec le régime général. (…) Il va aussi résulter de cette fusion imposée le versement dans le pot commun de 2 milliards d’euros de provisions, réalisées au fil des ans par une profession prudente, anticipant l’évolution démographique », anticipation et bonne gestion que le régime général et les gouvernements successifs de la République n’ont ni voulu ni su faire, prisonniers qu’ils étaient d’un système politique qui repose sur l’élection et la promesse plutôt que sur la raison et la prévision… En pensant en termes de clientèle plutôt que de corps de métiers et de bien commun, la République sacrifie ce qui « marche » quand cela semble échapper à son contrôle, ce que Fanny Guinochet résume dans les pages de L’Opinion à propos de cette réforme : « Surtout, s’installe cette petite musique négative que cette réforme ne fera que des perdants » (…). Non seulement des perdants… mais sanctionnera aussi les bons élèves ! »
Oui, le vieux royaliste que j’évoquais plus haut a raison : c’est bien « un nouveau 1791 » que le gouvernement de la République nous prépare… Il faut souhaiter que, connaissant la triste histoire sociale de cette année-là et ses conséquences, les principaux intéressés ne se laisseront pas faire. Mais, sans doute faut-il aller plus loin et en appeler à la constitution de nouveaux régimes (et caisses) autonomes de retraite pour toutes les professions qui le veulent et le peuvent, librement et publiquement, sans possibilité pour l’Etat de les confisquer ou d’attenter à cette « propriété corporative ». En somme, entre un modèle libéral peu soucieux des « autres » et un modèle étatiste confiscatoire du travail et de ses fruits, il est temps de penser plus globalement un autre modèle qui existe déjà à travers ces régimes autonomes de retraite pour nombre de professions : un modèle dans lequel le travail est reconnu et sa qualité garantie, un modèle qui ordonne la profession et assure les accidents ou les lendemains du travail par la constitution d’un « patrimoine corporatif »… Un modèle d’organisation corporative approprié à notre pays et à ses particularités professionnelles, pour que capacités productives, garanties de qualité et de pérennité, et justice sociale s’accordent plutôt que se combattent.
Jean-Philippe Chauvin
Notes : (1) : le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier de mars et juin 1791 qui abolissent les corporations et interdisent toute association professionnelle, mais aussi suppriment le droit de grève et les systèmes corporatifs d’entraide et de solidarité au sein d’un métier donné… Les lois les plus « antisociales » de toute l’histoire de France !
(2) : Dans Le Figaro (pages économie), une avocate complète la dernière formule : « Un régime autonome, et non pas spécial, qui n’a pas coûté un centime au contribuable », ce qui n’est pas négligeable, tout de même !
Quelques drones vont-ils faire vaciller l’économie mondiale ? Les frappes des rebelles yéménites Houthis contre les plus grandes installations pétrolières d’Arabie Saoudite ont fait de gros dégâts et entraînent désormais la suspension temporaire de la moitié de la production du pays, plus grand producteur pétrolier du monde, ce qui représente, à l’échelle mondiale, environ 6 % du commerce de brut. Cela entraîne aussi, naturellement, une hausse rapide des cours du pétrole qui sont loin, néanmoins, d’atteindre les sommets d’il y a quelques années, mais qui devrait se répercuter dans quelques semaines, voire dans quelques jours sur les prix de l’essence à la pompe, au risque de fragiliser une économie française (entre autres) qui n’est pas la plus florissante aujourd’hui… Au-delà de l’événement géopolitique et de ses conséquences économiques, cela doit nous interroger sur notre dépendance aux énergies fossiles et sur les moyens de s’en dégager.
En faisant le choix il y a quelques décennies de privilégier l’énergie nucléaire (ce qui n’a pas que des avantages, en particulier sur le plan de la dangerosité et sur celui de la gestion des déchets issus de sa production énergétique), le gouvernement français de l’époque pompidolienne pensait amortir les chocs pétroliers tout en répondant à la forte demande énergétique de la société de consommation alors en cours d’expansion et d’imposition. Mais l’extension du mode de déplacement automobile qui ne s’est jamais démentie depuis les années 1950 s’est faite sur la base du pétrole, sans alternative crédible jusqu’à ces dernières années, et cela malgré le fait que, dès les origines de l’automobile, l’électricité était présentée comme une possibilité intéressante : mais la pression et les manœuvres des grandes compagnies pétrolières états-uniennes ont ruiné cette alternative au pétrole (dès 1914), pour des raisons principalement de recherche de profit et d’intérêt des grandes sociétés et de leurs actionnaires… Le profit immédiat plutôt que le bien commun, en somme ! Nous le payons aujourd’hui, autant sur le plan environnemental qu’économique.
Voici quelques lignes de Bernanos, pèlerin de l’absolu :
« Il n’est aujourd’hui qu’un seul problème, rendre aux hommes une signification spirituelle, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien »A. de Saint Exupéry, lettre au général X « J’ignore pour qui j’écris, mais je sais pourquoi j’écris, j’écris pour me justifier. Aux yeux de qui ? Je vous ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l’enfant que je fus… » Georges Bernanos (Les enfants humiliés)
Qui est Bernanos ?
« Le scandale n’est pas de dire la vérité, c’est de ne pas la dire tout entière, d’y introduire un mensonge par omission qui la laisse intacte au dehors, mais lui ronge, ainsi qu’un cancer, le cœur et les entrailles »(Scandale de la vérité). Il fut durant toute sa vie, tourmenté par la mort, la peur de l’Enfer, conscient comme tout chrétien, que la mort spirituelle est pire que la mort physique. C’est aussi cette peur de vieillir présente dans la majorité d’entre nous avec particulièrement chez lui comme propre à de nombreux êtres aussi cet idéal de l’enfance restant à nos côtés chaque jour. Cyrano ne l’aurait pas renié dans un monde dominé par le mensonge, la veulerie, l’hypocrisie, la haine et l’ennui… « Depuis longtemps – à cause de ma jeunesse maladive et des précautions qu’on me faisait prendre- je crains la mort… »(à l’abbé Lagrange, mars 1905). On pourrait prêter d’ailleurs à Cyrano ces quelques mots : « juré de nous émouvoir, d’amitié ou de colère, qu’importe ». Bernanos est un croyant comme l’étaient ceux des temps médiévaux qui servaient l’Eglise tout en expliquant bien les limites du temporel et du spirituel, dans la continuité d’un Saint Louis par exemple. A la question de Frédéric Lefèvre en 1931 disant qu’il défendait l’Eglise tout en la critiquant il répondait qu’il était pour le règne de Dieu : « La civilisation parie pour la partie basse de l’homme. Nous parions pour l’autre. Etre héroïque ou n’être plus », « Car la sainteté est une aventure. C’est même la seule aventure » …
Bernanos est un être atypique, de ces chevaliers perdus dans une époque loin de ces idéaux : « Je crois toujours qu’on ne saurait réellement « servir », au sens traditionnel de ce mot magnifique, qu’en gardant vis-à-vis de ce qu’on sert une indépendance de jugement absolue. C’est la règle des fidélités sans conformisme, c’est-à-dire des fidélités vivantes ». Nous connaissons ces angoisses, comme ces doutes mais tout bien réfléchi, qui est dans le vrai ?
Bernanos est touché par le romantisme, somme toute comme beaucoup d’homme amoureux d’une éthique chevaleresque tournée vers le service à autrui. Son adhésion au maurrassisme lui permet de canaliser cette tendance, écoutons Serge Albouy : « Deux tendances antagonistes coexistent en effet chez lui : une tendance « virile », énergique, intransigeante, et une tendance romantique, émotive et hypersensible. Très tôt il confie à son ami, dans des lettres empreintes d’une très grande sentimentalité, ses tendances au « vague à l’âme » et à la mélancolie, sa prédilection pour les « rêveries romantiques », sa sensibilité débordante, son instabilité, sa hantise précoce et permanente de la mort. C’est d’ailleurs probablement cette hantise de la décomposition, transposée au plan des sociétés, qui devait contribuer à donner à la peinture de notre époque, une si sombre coloration. »(Bernanos et la politique).
Ce n’est pas pour rien qu’il rejoint un jeune mouvement politique comme l’Action française naissante, mouvement sans concession contre « le monde moderne », qui choque les vieux milieux royalistes, vivants dans la nostalgie comme dans l’acceptation résigné de la défaite…
Les nouveaux manuels scolaires, désormais entre les mains des professeurs avant d’être entre celles des élèves de lycée dans quelques jours, sont toujours révélateurs des tendances idéologiques du moment comme de la plus ou moins grande implication du Pouvoir en place dans la formation des esprits et des intelligences, mais aussi des « tabous » de celui-ci. Evidemment, la période de la Révolution française, « matrice » de notre contemporanéité, attire l’œil des royalistes tout autant que celles des républicains et de la République elle-même, en tant que système idéologico-politique dominant et forme actuelle du Pouvoir en France. Or, alors que les programmes de Première (l’année d’étude de la Révolution dans les nouveaux programmes) y consacrent les premières heures d’étude de l’histoire, et qu’ils accordent une place un peu plus importante que les années précédentes aux question sociales (ouvrières comme paysannes) à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, il est frappant de constater que ce même thème est absent des cours sur la période des années 1789-99, et cela est, tout compte fait, dans la logique de l’Education nationale héritée des « Jules », Ferry et Michelet. Car la Révolution française, c’est aussi la « naissance du prolétariat », en tant que « situation sociale » et, en conséquence, de « classes », souvent considérées comme « dangereuses » au XIXe siècle par les pouvoirs politiques comme par les possédants qui vivaient largement de leur asservissement et exploitation.