Jean-Philippe Chauvin

La retraite à 65 ans, avant celle à 67 ?

Les débats sur les retraites sont relancés et les hostilités sociales et politiques à nouveau engagées sur ce terrain délicat autant pour tout gouvernement que pour les organisations syndicales et les acteurs sociaux. Et là encore, la République actuelle se retrouve prisonnière de ses propres principes et de ses contradictions institutionnelles, montrant au passage son incapacité systémique à résoudre efficacement et justement la question sociale, jamais résolue (c’est une question éternellement renouvelée, en fait, de génération en génération…) mais question qu’il convient de prendre en compte pour éviter les deux maux extrêmes de l’injustice et de l’inefficacité.

Madame Borne, Premier ministre de son état, issue de la Gauche socialiste, s’avère être en première ligne (un propos sans doute à nuancer si le Président, comme il le fait ce dimanche dans Le Parisien, s’engage à son tour sur ce terrain pourtant périlleux pour lui) et dévoile, avant de l’officialiser le 15 décembre prochain, la réforme des retraites voulue et pensée officiellement par le Président de la République, sous le contrôle peu discret de la Commission européenne qui, régulièrement, appelle la France à « faire les réformes nécessaires » : cette dernière formule toute faite désigne en réalité les exigences de cette Union européenne si peu sociale que cela en est gênant, en particulier pour ceux qui pensent en termes de justice sociale et de bien commun (l’un étant peu dissociable de l’autre).

Quelques remarques préliminaires : la date choisie est-elle l’effet du hasard, ainsi posée à dix jours de la Nativité ? J’ai du mal à le croire, évidemment, et j’y vois, sinon une forme de provocation, du moins une tentative, peu fine, de profiter du relâchement programmé des fêtes pour passer en force sur un sujet clivant et particulièrement explosif. Bien sûr, nombre de débats, de tribunes, de colloques, voire de contestations, ont déjà eu lieu, et il serait faux de parler de nouveauté ou de surprise à la lecture des intentions et projets gouvernementaux. Durant la campagne présidentielle elle-même, le Président alors candidat à sa réélection a bien annoncé la couleur : le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans et, entre les deux tours, à 64 ans (mais avec l’objectif final de … 65 ans !). Qui n’était pas au courant qu’une fois réélu, il chercherait à tenir sa promesse de campagne en arguant qu’une majorité des électeurs avaient, dans le même temps que sa personne, avalisée cette mesure annoncée ? Personne n’a été pris en traître, pourra-t-il affirmer ! Certains diront qu’il néglige le fait que nombre de ses électeurs l’ont été juste de manière occasionnelle, pour écarter l’autre candidat, mais eux semblent oublier, ou méconnaître, que l’élection est, en plagiant Clemenceau à propos de la Révolution française, « un bloc »…

L’argument classique du gouvernement et des libéraux est de souligner le risque d’une sorte de faillite et de disparition du système de la retraite par répartition si les comptes ne sont pas consolidés : il est tout à fait vrai que le coût du financement des retraites ne cesse d’augmenter, du fait de l’élévation (heureuse) de l’espérance de vie des Français, de la baisse (moins heureuse et plutôt malvenue aujourd’hui) de la natalité et, donc, de la proportion trop faible désormais de personnes en activité professionnelle abondant les caisses des retraites (1,6 cotisant environ pour 1 retraité quand c’était 4 pour 1 après la Seconde Guerre mondiale) mais aussi d’un taux de chômage qui reste encore préoccupant quand, de plus, les emplois précaires (donc rapportant beaucoup moins aux finances de l’État) sont en nette augmentation, confortant une sorte de précariat désormais constitutif de notre économie contemporaine nationale. Aussi, aborder la question des retraites sous le seul angle d’une mesure d’âge et, en l’occurrence, du report de l’âge de départ à la retraite, est une erreur flagrante pour tout État digne de ce nom : il n’y a donc pas une, mais un ensemble de réponses et de propositions qu’il faut penser, valoriser et pratiquer, sans oublier la complexité des nécessités, des activités et des vœux de la société française et de ses éléments.

Pour en revenir au report de l’âge de la retraite à 65 ans, il n’est qu’une étape avant un report à 67 ans, mesure préconisée depuis 2011 par la Commission européenne et qui a déjà été étendue (ou en voie de l’être) à nombre de pays de l’Union européenne, en particulier (au-delà de l’Allemagne promotrice de cette politique et à l’origine de la préconisation de l’UE) à ceux sur lesquels ladite Commission pouvait faire pression en raison de leurs difficultés économiques et de leur dépendance au système monétaire européen, c’est-à-dire à l’euro, « monnaie unique » aux règles parfois iniques : la Grèce, l’Italie par exemple, le Portugal étant sur la même voie avec une retraite à 66 ans et 7 mois. D’autres pays, ceux-là considérés comme « riches », ont déjà mis cette mesure en place : l’Allemagne déjà évoquée, le Danemark, quand les Pays-Bas sont à 66 ans et 7 mois, mais les raisons ne sont pas liées aux difficultés économiques mais bien plutôt aux problèmes démographiques de renouvellement de la population active et à une culture protestante plus « franklinienne ». En tout cas, la majorité des États de l’Union européenne ont déjà adopté (ou sont restés à) un départ à la retraite à 65 ans, sachant que, là encore, la Commission européenne prévoit que ce n’est qu’une mesure d’étape et non une décision définitive !

Certains m’accuseront d’exagérer, j’en suis bien certain, et évoqueront un pessimisme social sans fondement. Alors, évoquons, en historien du « social », le cas si révélateur de la Pologne, pour illustrer mon propos précédent. En 2012, pour suivre les recommandations de la Commission, le gouvernement libéral de Donald Tusk a reculé l’âge de départ à la retraite à 67 ans (elle était fixée auparavant à 65 ans, comme le veut M. Macron aujourd’hui pour la France), en une réforme fort impopulaire dans un pays qui avait, contrairement à tant d’autres en Europe, échappé aux effets de la crise de 2008. Cela provoqua un très fort mécontentement des Polonais et entraîna bientôt le retour des conservateurs-catholiques au pouvoir qui, en 2017, ramenèrent l’âge de départ à la retraite à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes ! Donald Tusk, lui, fut recyclé dès 2014 (et jusqu’en 2019) par les instances de l’Union à la présidence du Conseil européen, sans doute en remerciement des services rendus à la « cause »… Mais quand la Pologne « revint en arrière » (selon l’expression en cours dans les couloirs de la Commission européenne), elle dût faire face à une véritable offensive de l’UE contre sa nouvelle réforme des retraites, avec deux arguments « européens » qui se voulaient alors définitifs : d’une part, cette réforme allait entraîner un effondrement de l’économie polonaise (effondrement qui, en fait, n’eut pas lieu…) ; d’autre part, elle contrevenait à l’égalité hommes-femmes en permettant à celles-ci de partir 5 ans avant les hommes, et l’UE commença d’évoquer des sanctions contre la Pologne pour cette dernière raison jugée discriminatoire, du moins jusqu’au moment où l’Autriche fit remarquer qu’elle aussi avait mise en place cette mesure « inégalitaire » ! La Commission européenne, vaincue, se contenta alors de grommeler sans insister mais en cherchant à discréditer cette mesure en l’accusant de… renvoyer les femmes à la maison !

Cet exemple, peu évoqué par les médias français et européens, montre en fait les véritables intentions de la Commission européenne et celles qui animent, sans doute, la plupart des ministres européistes français et leur président, « européiste en chef ». En s’opposant aujourd’hui en France au passage de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, on s’oppose en fait à la retraite légale à 67 ans voulue par la Commission.




Jean-Philippe Chauvin

La Monarchie royale, forcément sociale.

Et si la Monarchie royale était ré-instaurée ? Bien sûr, cette situation semble relever, à ce jour, de l’hypothétique, mais cela ne préjuge en rien de la possibilité monarchique pour les prochaines années ou décennies. Il me semble d’ailleurs que, en l’évoquant, cela permet de la rendre plus compréhensible à ceux qui, pour l’heure, n’en connaissent rien d’autre que ce que les manuels scolaires d’histoire en disent ou, trop souvent, en médisent… En tout cas, il paraît nécessaire, autant que « faire la Monarchie », de la penser et d’en tracer les grands axes d’action et de projection. L’article ci-dessous porte ainsi sur la Monarchie sociale et sur ses raisons comme sur ses capacités propres.



La Monarchie française est éminemment sociale, ou a le devoir impérieux de l’être, ne serait-ce que pour légitimer sa nécessité et son autorité : c’est un élément que je ne cesse de mettre en avant, suscitant parfois une certaine circonspection de la part de mes contradicteurs mais aussi parfois des sympathisants monarchistes eux-mêmes…
 
Sans doute faut-il expliquer ce point de vue, et l’approfondir sans cesse, au regard de l’actualité, malheureusement cruelle aujourd’hui envers ceux qui travaillent ou qui cherchent un emploi : si la Monarchie n’est pas un remède miracle, elle est le régime qui peut permettre, avant tout, de garantir la justice sociale et de ne pas abandonner ceux qui souffrent d’une crise (en fait, d’un processus de mondialisation…) dont ils ne sont guère, en tant que tels, responsables !
 
L’indépendance de l’institution royale, de par le fait que la naissance ne doit rien à la fortune, lui donne l’occasion (qui est, en fait, un devoir) de parler au-dessus des simples intérêts privés, y compris des plus riches, que ceux-ci soient des individus ou des sociétés privées. Un Louis XIV n’hésita pas, en son temps, à embastiller Nicolas Fouquet, l’homme le plus riche du royaume, sans doute plus comme un rappel que l’Argent ne faisait pas le bonheur et, en tout cas, ne commandait pas à l’État royal en France, que comme le règlement d’une simple affaire de corruption…
 
De plus, le Roi n’est pas le représentant des classes dominantes (une sorte de suzerain capitaliste, en somme) mais un souverain qui s’impose à tous et encore plus à ceux qui possèdent, et qui a le devoir de n’oublier personne dans son souci politique. S’imposer ne veut pas dire être un dictateur qui terroriserait les riches et flatterait les autres, mais simplement rappeler à tous que l’État n’est pas « une place à prendre » mais un pays à servir, au-delà des différences et des libertés particulières qu’il faut organiser, ou plutôt laisser s’organiser dans le respect des équilibres sociaux et de la justice nécessaire à toute œuvre sociale. Dans un monde où l’Argent a pris une telle importance, cela ne sera sans doute pas facile mais la Monarchie a ainsi quelques atouts et il serait dommage pour le pays de ne pas les utiliser… L’indépendance royale, certes menacée par les jeux des groupes de pression financiers dans cette mondialisation qui cherchera à fragiliser l’État politique, est un levier important dans la capacité de l’État et de son gouvernement, quelle qu’en soit la couleur électorale, à faire accepter les réformes à ceux qui, d’ordinaire, cherchent à s’en abstraire ou à en fuir les conséquences quand elles ne leur conviennent pas. Mais la Monarchie n’oublie pas de permettre à tous, y compris les groupes de pression, de s’exprimer et de proposer, voire de contester : néanmoins, c’est bien aussi la Monarchie qui arbitre et préserve l’État et l’intérêt commun, tout en laissant le gouvernement faire son travail et œuvrer au quotidien.
 
La Monarchie active « à la française », de par son rôle majeur (sans être omnipotent ni même omniprésent) d’arbitrage politique et  de protecteur social, marque son territoire d’action par sa capacité de décision dans quelques grands domaines, ceux que l’on nomme régaliens (ce qui, d’ailleurs et même en République, veut dire … « royaux » !) : la grande finance, la diplomatie et les affaires militaires, et la garantie de « la protection de tous », en particulier sociale.
 
Si la Monarchie instaurée (le plus tôt sera le mieux !) veut s’enraciner sans se renier, il lui faudra assurer et assumer son rôle éminemment social : dans un monde incertain, face à une mondialisation menaçante, elle doit tracer un sillon social profond en rappelant aux puissants d’aujourd’hui, d’ici comme d’ailleurs, que toute politique crédible et efficace passe par la prise en compte des populations et par le souci de préserver la justice sociale, ciment des sociétés et facteur d’unité nationale. Il lui faudra aussi lancer le grand chantier d’une nouvelle organisation sociale, par le biais d’un syndicalisme vertical qui prenne en compte, dans ses structures, tous les échelons de la hiérarchie, et par la mise en place d’espaces de réflexion et de décision, voire de redistribution dans certains cas (intéressement, actionnariat salarial ou populaire, patrimoine « corporatif », etc.), espaces qui réunissent tous les acteurs de l’activité économique locale, communale, régionale ou nationale, y compris en y intégrant des acteurs extérieurs et étrangers (mais qui ne devront pas avoir vocation à diriger ce qui doit rester aux mains des producteurs locaux) comme les investisseurs ou les représentants des institutions internationales (ceux de l’Union européenne, par exemple) ayant une part dans l’activité économique concernée.
 
A l’heure où la République tremble devant les oukases de la Commission européenne et les injonctions d’un Marché devenu incontrôlable, il est temps d’en appeler, fortement, à l’instauration d’une Monarchie sociale pour la France, non par caprice ou utopie, mais par réalisme et nécessité !
 
C’est, d’ailleurs, sur le terrain social, que le royalisme a, aujourd’hui, le plus de chances de faire entendre sa « musique particulière », au travers de la contestation des mesures antisociales de cette « Europe-là » et de cette République (aujourd’hui macronienne après avoir été hollandaise et sarkozienne) si oublieuse de ses promesses électorales de justice sociale… Mais, au-delà de cette régence sociale que nous assumons, il faut poser, ici et maintenant, les conditions d’une vraie politique sociale inscrite dans le marbre des institutions à venir…

Jean-Philippe Chauvin
 
 

Notre écologisme intégral !

Au-delà des COPs et des agitations nihilistes ou seulement spectaculaires, il faut repenser le combat écologique, et le raisonner sans forcément le dépassionner, l’ordonner sans le formater : en ce sens, l’écologie intégrale, si chère aux royalistes (et née dans leurs milieux au début des années 1980), est sans doute la meilleure proposition écologiste possible et la plus complète, même si elle n’est pas la plus facile et si ses formes peuvent être multiples, complexes et parfois encore mal définies, malgré les réflexions initiales de Jean-Charles Masson, premier théoricien de celle-ci (1), et celles de ses successeurs monarchistes (2), jusqu’aux catholiques lecteurs de l’encyclique Laudato Si’, le texte écologiste le plus lu et diffusé sur la planète.



L’écologie intégrale est la reconnaissance du « souci environnemental » comme étant celui, éminemment politique, de la recherche du bien commun des sociétés en lien avec leur environnement et avec la nature profonde des hommes, loin des définitions idéologiques qui réduisent les personnes à des individus égaux et interchangeables quand elles n’existent, en fait, que par leurs actions et interactions avec le milieu naturel qui les nourrit et qui les fait (et voit) vivre. Elle est autant défense de la biodiversité végétale et animale que de l’espèce humaine comme partie intégrante de celle-ci, avec cette particularité que cette dernière a la capacité de domination sur le reste de la Création, pour employer la terminologie religieuse commune aux religions du Livre, mais que cela lui donne le devoir de protéger tous les autres êtres vivants et leurs milieux, dans leur variété : protection des autres espèces (et de la sienne propre) et humilité devant les mystères et richesses de la vie, devant ses cycles et sans négliger d’en corriger les effets si ceux-ci risquent d’attenter à la pérennité de l’ensemble. C’est pourquoi l’écologie intégrale ne cherche pas à créer un « homme nouveau » mais considère ceux d’aujourd’hui tels qu’ils sont, non pas par impuissance car elle cherche à changer leurs comportements quand ils sont inappropriés au bien commun ou à l’équilibre écologique, et cela sans pour autant céder aux facilités du fatalisme…



Est-ce un hasard si l’écologisme intégral conclue à la Monarchie royale, pouvoir le plus « naturel » qui soit au regard de la transmission de la magistrature suprême de l’Etat, le fils succédant au père, avec tous les liens filiaux et les différences qu’il y a du père au fils, comme dans toutes les familles humaines ?











Notes : (1) : les premières occurrences de « l’écologisme intégral » apparaissent dans le mensuel Je Suis Français, publié par les royalistes marseillais d’Action Française, dans deux articles de 1984. Dans ceux-ci écologisme équivaut, plus largement, à écologie, même si, à bien y regarder, l’écologisme est ce qui doit permettre à l’écologie d’advenir et d’être une mise en pratique de la théorie par l’Etat politique.



(2) : en particulier Frédéric Winkler, ancien rédacteur de la revue Le Paysan biologiste dans les années 1980-90, et aujourd’hui dans les colonnes de Libertés, publication du Groupe d’Action Royaliste, et les jeunes plumes toulousaines de l’Action Française, entre autres…

« La voie capétienne », par Axel Tisserand.

Dans un ouvrage fort complet et dans lequel l’auteur s’efface devant rois et princes de France, Axel Tisserand présente, par grands thèmes, la pensée capétienne au fil de l’histoire, non comme un recueil du passé mais comme des leçons pour aujourd’hui et, plus encore, pour demain.


Les programmes scolaires d’histoire comme les manuels de Sciences Politiques sont souvent fort ingrats à l’égard de notre histoire nationale et oublieux des raisons de celle-ci, travestissant notre mémoire politique en un récit officiel de la République qui, à l’image de son école, n’est pas toujours le plus juste ni le plus honnête qui soit. Déjà, en son temps, Marcel Pagnol ironisait sur les mensonges des livres d’histoire qu’il définissait comme les livrets de propagande de la République, à l’époque troisième du nom et du nombre. Pourtant, une simple et rapide plongée dans l’histoire de France nous rappelle que notre pays, cet ensemble de territoires ordonné autour d’un Etat, doit peu de choses au hasard mais beaucoup à la volonté inscrite dans la durée des rois qui se sont succédé sur un trône qui, sans être de fer, était bien celui du « faire », du « faire France » en particulier : quand Hugues Capet, roi « fondateur » dès 987, initie le mouvement d’enracinement de la magistrature suprême au-delà des seules règles féodales par la décision de pérenniser le domaine royal en un seul ensemble dirigé par un seul de ses fils (l’ainé) pour éviter la dispersion, et que Philippe-Auguste rassemble autour de son sceptre les classes productrices du royaume en ce que l’on n’appelle pas encore une nation mais qui se manifeste déjà par un sentiment d’appartenance à une même communauté de destin couronnée (et c’est la bataille de Bouvines, le 27 juillet 1214, bien avant Valmy), c’est la France qui, ainsi, naît et grandit, Etat et nation. Et ce sont bien les monarques sacrés à Reims qui, en huit siècles d’affilée, bâtissent la France sans négliger ce que Jacques Bainville dit d’elle et de ses habitants, en la page d’entrée lumineuse de son Histoire de France : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. Unique en Europe, la conformation de la France se prêtait à tous les échanges de courants, ceux du sang, ceux des idées. (…) Le mélange s’est formé peu à peu, ne laissant qu’une heureuse diversité. De là viennent la richesse intellectuelle et morale de la France, son équilibre, son génie. »

Axel Tisserand, dans « la voie capétienne » (mais n’est-ce pas aussi la « voix » capétienne qui porte au-delà des siècles et à travers son ouvrage ?), ne dresse pas un catalogue des rois et des règnes, mais bien plutôt un manuel théorique et pratique de l’œuvre capétienne à travers les siècles passés et pour les siècles à venir, non en l’attente résignée d’une restauration hypothétique mais en l’espérance renouvelée d’une instauration nécessaire qu’il s’agit de penser aussi pour qu’elle advienne dans les meilleures conditions. L’originalité de cet ouvrage est aussi d’accorder une place importante aux écrits et paroles des princes n’ayant (malheureusement) pas régné mais ayant assumé les devoirs de leur charge politique, même dans les douleurs de l’exil : les trois Henri, du comte de Chambord à ceux de Paris, mais aussi Jean III, duc de Guise (1926-1940), et, en toute actualité, le présent comte de Paris, Jean IV de jure, qui porte, avec son fils le dauphin Gaston (auquel le livre est d’ailleurs dédié), les espérances d’une future et nouvelle aventure capétienne… Ainsi, la continuité capétienne perdure au-delà même des vicissitudes de l’histoire sans pour autant les méconnaître : d’ailleurs, comme le rappelle Axel Tisserand, les rois n’ont pas de revanche à prendre sur l’histoire, mais juste à l’assumer toute entière sans, pour autant, en accepter tous les aspects ou toutes les dérives dont la République, sous ses cinq numéros, a pu se rendre responsable et, même, coupable. Sans être historiens professionnels, les rois et princes français ont su tirer des leçons de l’histoire, en une forme d’empirisme qui, pour être utile et efficace, se devait d’être organisateur : les pages (citées et valorisées par l’auteur) consacrées à la Révolution française par le comte de Chambord, puis les comtes de Paris, montrent qu’ils ont bien saisi la source et la forme des principes qui ont défait le « faire-France » autant que la royauté qui en était le meilleur outil politique institutionnel. Le roi Louis XVI lui-même, victime du torrent révolutionnaire, avait pressenti, avant même la Révolution, les dangers de l’idéologie dominante de l’époque portée par les philosophes et leurs lecteurs plus ou moins bien intentionnés, tout comme il avait compris, sans doute mieux que quiconque, le sens et l’intérêt des fameux cahiers de doléances que les bourgeois urbains de la Révolution, ivres de leurs préjugés économiques et sociaux, s’empressèrent de remiser dans les caves de l’histoire et de leur régime « nouveau » : s’appuyant sur les écrits de l’historien Pichot-Bravard, Tisserand peut raisonnablement écrire que « La Révolution fut ainsi menée au nom du peuple, mais contre l’avis exprimé par ce même peuple. Car Louis XVI approuvait la plupart des réformes voulues par le peuple à travers les cahiers. En effet, le 23 juin, il se déclara favorable à une monarchie plus décentralisée encore, « tempérée par la consultation régulière des Etats généraux, appelés à se prononcer sur la levée des impôts ». Il approuvait également (…) une réforme générale de la fiscalité « permettant l’égalité de tous devant l’impôt », (…) la liberté de la presse, « sous réserve qu’elle respectât la religion et la morale ». « En réalité, Louis XVI semble être le seul à s’être préoccupé des attentes exprimées par les Français dans les cahiers de doléances. » ». Henri V, comte de Chambord, voulut reprendre ce grand mouvement de 1789, non pour « refaire 1793 » mais, justement, pour l’éviter et reprendre la route tracée par les rois précédents. Les années et les décennies s’écoulant, et la Révolution-fait s’éloignant sans pour autant éloigner la Révolution-principes, les princes des temps contemporains, ceux d’après 1848, n’ont eu de cesse de réfléchir sur les conditions nécessaires à l’unité et à la pérennité de la France, à cet « avenir que toute âme bien née souhaite à sa patrie ».

Et, justement, l’ouvrage d’Axel Tisserand dresse un véritable inventaire des qualités et de la valeur ajoutée de la monarchie royale « à la française », dans la lignée de cette « tradition critique » qui, avant même d’être théorisée par Maurras, inspirait et animait les politiques royales au fil de l’histoire. Dans le même mouvement, l’auteur a la judicieuse idée d’en finir avec quelques idées reçues qui, trop souvent, gênent la bonne perception de ce qu’a été et de ce que serait la monarchie : ainsi, sur la définition, par exemple, de la monarchie absolue, trop souvent confondue, plus par facilité ou par malhonnêteté que par raison, avec un régime autoritaire ou une dictature. En s’appuyant sur la mise au point contemporaine de l’actuel comte de Paris, de ses prédécesseurs, et du constitutionnaliste Maurice Jallut, Axel Tisserand souligne les fondamentaux de la monarchie : « C’est le prince Jean qui rappelle : « On parle de monarchie absolue, mais gare au contresens ! « Absolue » ne veut pas dire que le Prince se mêle de tout. Cela signifie simplement qu’il exerce un pouvoir indépendant des pressions et des passions. » En son ordre, en effet, mais uniquement en son ordre, la souveraineté est absolue, tout en étant, donc, limitée. (…) Comme le précise encore Maurice Jallut : « C’est au fond la structure même du corps politique et social de la France qui fait de la monarchie un gouvernement modéré. On peut dire qu’absolue dans son principe, elle est tempérée dans son application par les corps intermédiaires et limitée dans son extension par les libertés provinciales, municipales et corporatives. » » Nous voilà bien loin de cette République contemporaine capable de confiner sans contrôle toute une population sans que les régions, les communes ou les entreprises, et encore moins les citoyens, puissent avoir leur mot à dire et leurs raisons à avancer face à un Pouvoir discrétionnaire et parfois abusif ! La République semble avoir gravé la Liberté dans la pierre comme pour mieux la figer, quand la monarchie, plus respectueuse sans être faible, s’adresse aux libertés plurielles et vivantes… « Le roi n’est pas un monocrate », peut affirmer sans erreur l’auteur, et l’histoire de la monarchie ancienne comme de la République majusculaire contemporaine ne cesse de le démontrer à l’envi !

Les rois anciens n’ont pas seulement fondé, agrandi et pérennisé le royaume de France, ils ont façonné, non pas un « homme nouveau », rêve de tous les régimes « parfaits » (c’est-à-dire totalitaires, en fait), mais un ordre enraciné dans lequel la justice, la concorde civile, la paix ne sont pas de vains concepts mais de concrètes réalités, garanties par le pouvoir royal lui-même. Bien sûr, il y eut des difficultés, parfois des erreurs et des drames, mais le bilan n’est rien d’autre que la France, quasiment dans ses frontières métropolitaines présentes et dans sa civilisation qui doit plus à Reims et à Versailles qu’aux urnes et à leur sortie… Mais la monarchie n’est pas que politique dans le sens où elle peut être aussi la condition d’une justice sociale efficace et soucieuse de tous quand, aujourd’hui, la République prend de plus en plus les apparences d’une oligarchie méprisante et trop mondialisée pour savoir entendre les plaintes légitimes du pays réel, cette oligarchie qui s’appuie sur un pays légal né, en définitive, à la veille de la Révolution sous le « patronage » d’un Turgot et, plus tard, d’un Sieyès, comme le rappelle Axel Tisserand avec raison. L’œuvre des rois et les projets des princes depuis le comte de Chambord jusqu’au comte de Paris actuel vise à établir, en la magistrature suprême de l’Etat, l’arbitre-né, celui que nous regrettons, non comme une nostalgie, mais comme un ensemble d’occasions manquées, celles que la République incarne désormais, de notre diplomatie à notre politique énergétique, et qu’il nous faut surmonter…

L’ouvrage d’Axel Tisserand ne peut, en fait, être résumé et il mérite d’être lu de la première à la dernière ligne, non pour pouvoir nous vanter d’avoir raison, mais pour faire connaître les fortes raisons historiques, politiques mais aussi économiques et sociales, voire écologiques, qui font de la monarchie royale la meilleure réponse, venue du fond de notre mémoire nationale, aux enjeux et défis contemporains. Il nous rappelle aussi, d’une certaine manière, qu’il ne s’agit pas pour nous de mourir royaliste, mais de tout faire pour vivre en monarchie : non pour le simple plaisir de parader triomphalement un drapeau tricolore fleurdelysé en main, mais par devoir envers ceux qui ont fait de nous des héritiers et, peut-être plus encore, envers ceux à qui il s’agit de transmettre un héritage vivant, riche, prometteur…




Hommage à la reine Marie-Antoinette.

Le 16 octobre 1793, la reine Marie-Antoinette était à son tour victime de la furie républicaine. Nous ne l’oublions pas.

« La reine Marie-Antoinette fut condamnée à mort et guillotinée parce qu’elle était, ou avait été, reine de France, mais aussi parce qu’elle était d’origine étrangère, de naissance autrichienne quand les républicains, eux, étaient profondément xénophobes au nom de leur « Nation » idéologique et exclusive, « une et indivisible ». C’est aussi la femme qui fut visée, ce sexe étant craint par les adeptes de la République comme celui du charme et de la tentation. Elle fut une jeune femme de son temps, une mère de famille, et une reine, parfois maladroite mais fidèle jusqu’au bout aux devoirs de sa charge. Son martyre, qui commença en août 1792, racheta très largement tout les fautes, écarts et maladresses dont elle avait pu faire preuve auparavant : joyeuse et frivole en sa jeunesse versaillaise, sérieuse et parfois imprudente en sa maturité parisienne aux Tuileries, elle fut grande et digne en sa longue descente aux enfers. « J’en appelle à toutes les mères », fut son testament, celui de la dignité et de l’humanité… »

Qu’elle repose en paix.

Non à la retraite à 67 ans !

Jusqu’où iront-ils ? L’ancien premier ministre Edouard Philippe, dans un entretien paru dans Le Parisien, dimanche 9 octobre, évoque la possibilité d’un recul de l’âge d’accès à la retraite, comme le souhaite d’ailleurs la Commission européenne depuis 2011, à 67 ans, en attendant, pourquoi pas, 68, 69 ou plus, qui le sait ? Ce même triste sire, déjà en campagne pour la présidentielle de 2027, est bien celui qui durant trois ans a gouverné la France avec le succès que l’on sait, et les conséquences que l’on subit. Certes, il n’a rien fait d’autre que suivre une pente déjà empruntée par ses peu glorieux prédécesseurs, et que l’actuelle locataire de l’Hôtel Matignon s’empresse elle aussi de suivre : cette constance dans l’erreur mérite d’être saluée autant que dénoncée et condamnée… Mais il est parfois désespérant de constater que ceux qui nous gouvernent au nom du pays légal, semblent ne rien avoir appris de l’histoire, qu’elle soit politique, économique ou sociale, et que les préjugés des précédents sont aussi ceux des successeurs, dans une spirale infernale d’une forme de fatalisme qui montre le peu d’imagination et d’audace véritable de nos élites devenues routinières pour éviter les remises en cause douloureuses et, qui sait, « renversantes ».

Le dossier des retraites n’est pas un insoluble problème même s’il est éminemment complexe et délicat, et il ne peut être question de renvoyer le débat sur cet épineux sujet aux calendes grecques, c’est-à-dire aux générations suivantes. Et, là encore, il n’y a pas une seule solution mais bien plutôt un ensemble de possibilités et de propositions utiles pour envisager la pérennité d’un système de distribution de retraites aux travailleurs de notre pays, le terme de « travailleurs » étant employé ici à dessein pour signifier que ce sont bien eux en priorité qui doivent être concernés par une stratégie sociale privilégiant le travail et non la rente ou l’assistanat. Une véritable politique familiale digne de ce nom et une lutte plus efficace contre le chômage, entre autres, sont des moyens de sortir de la nasse : pourquoi la première proposition est-elle si absente des discours du pays légal contemporain, comme s’il y avait un abandon de toute ambition démographique qui consisterait, non à surcharger la planète, mais à remplir un peu plus nos berceaux, nos crèches, nos écoles, nos campagnes ? N’oublions pas que quelques dizaines de milliers d’enfants supplémentaires chaque année entraîneraient le maintien ou la création de plusieurs milliers d’emplois en crèche, dans nos écoles, collèges et lycées à moyen terme, et, donc, de nouveaux cotisants pour abonder les caisses de retraites. Or, les services de l’Education nationale, aujourd’hui, nous annoncent, sans s’en inquiéter outre-mesure, une diminution d’effectifs dans les cinq prochaines années d’un demi-million d’élèves ! Cela explique peut-être que le Ministère se préoccupe si peu du non-renouvellement des générations (aujourd’hui fortement vieillissantes…) d’enseignants qui, pourtant, devrait entraîner une véritable stratégie active (plus encore que réactive) de remplacement et d’enracinement de nouvelles équipes de professeurs dans nos établissements publics et privés : s’il y avait encore un Etat digne de ce nom à la tête des institutions de la République, il oserait une politique familiale et scolaire qui pourrait permettre de dépasser certains blocages actuels. Mais, apparemment, la République n’a plus besoin de professeurs ni d’enfants, juste de consommateurs et de contribuables assagis et raisonnables, sans autre ambition que de suivre les modes et les ordres du moment : vers la servitude volontaire ?

Cette piste démographique n’est qu’une piste parmi d’autres pour résoudre la question des retraites et de leur financement : il y en a tant d’autres encore possibles, et le basculement progressif vers un système de « patrimoines corporatifs » pris en charge par les différents acteurs du monde économique et social plus encore que par l’Etat, peut en être une autre, complémentaire, et qui mériterait d’être discutée, tout en prenant en compte la modification des formes et des structures du Travail en France. Va-t-on attendre la prochaine République ou la Septième, ou la Dixième, pour ouvrir enfin la boîte à idées et la chambre à débats ? Il y a urgence et, visiblement là encore, mieux vaut la Monarchie royale et sociale, et le plus tôt possible : pour penser cet avenir que la République, elle, limite toujours à la prochaine présidentielle quand la Monarchie l’imagine et le prépare sur le long terme, non des élections, mais des générations…

En attendant, il n’est pas inutile de redire à M. Philippe qui se rêve déjà en calife à la place du calife : non, nous ne voulons pas de vos solutions sans imagination, injustes et antisociales ! Sans doute faudra-t-il le crier encore plus fort dans quelques jours ou dans quelques semaines.

Jean-Philippe Chauvin



Face à la République antisociale.

En cette rentrée 2022, la République imprévoyante et cynique, celle qui a planté toute stratégie énergétique de long terme (qu’elle soit nucléaire ou « marine renouvelable », par exemple), veut encore imposer ses réformes antisociales sur les retraites, sans même envisager des solutions autres que comptables…

Nous, royalistes sociaux, mènerons le combat contre des mesures qui ne peuvent qu’aggraver les injustices sociales sans résoudre la question du financement de « l’après-travail ».
Mais ce combat social « contre » s’accompagnera aussi d’un combat « pour » une véritable politique sociale, fondée sur les réalités du monde du travail, des exigences économiques et du souci environnemental, entre autres.

Nous n’oublierons pas de rappeler que, pour une politique sociale inscrite dans la durée et soucieuse des travailleurs (qu’ils soient ouvriers, agriculteurs, fonctionnaires, ou entrepreneurs), il faut aussi un État digne de ce nom, enraciné dans la longue durée que permet la succession dynastique et qui incarne la justice sociale, formule créée par le roi Louis XVI en 1784…

La République imprévoyante.

La rentrée scolaire est faite, et déjà les premiers cours font oublier les vacances quand, dans le même temps, l’actualité fait entendre sa petite musique lancinante et que les inquiétudes, pour certains jamais complètement écartées, remontent à la surface : « Aurons-nous des professeurs devant tous les élèves cette année ? » ; « Pourrons-nous nous chauffer convenablement ? » ; « Que restera-t-il de l’économie française au printemps ? » ; etc. Il est vrai que la guerre en Ukraine, la menace d’une nouvelle vague de Covid et la crainte d’une dégradation climatique accélérée, sont autant de motifs de souci et, parfois, de désespérance. Et, plus encore que la colère, c’est une sorte de fatalisme qui paraît imprégner les populations, un sentiment d’abandon qui est d’autant plus dangereux qu’il est difficile d’en saisir tous les ressorts et tous les contours, et qu’il pourrait bien, en quelque occasion, se muer en ouragan, au moment où l’on s’y attend le moins : le gouvernement de la République et son chef de l’Etat en sont-ils conscients ? J’ai du mal à en douter, ne méconnaissant pas l’intelligence mâtinée de suffisance de ceux qui monopolisent les institutions de la République…

En fait, nos gouvernants espèrent que la peur de l’inconnu et du désordre freinera toute contestation d’ampleur, et parient que les oppositions présentes à l’Assemblée nationale, soucieuses d’éviter une dissolution (même si cette option semble s’éloigner, le recours au 49-3 permettant de contourner, au moins temporairement, l’obstacle parlementaire) et cherchant à crédibiliser leur « alternative », sauront contenir les troubles qui, s’ils en semblaient les organisateurs ou les promoteurs, pourraient bien se retourner contre elles. Ce calcul, présidentiel avant que d’être proprement gouvernemental, est risqué, mais est-il juste ? L’avenir nous le dira, et il me semble prudent de n’écarter aucune possibilité de celui-ci, ne serait-ce que parce que « l’inédit » est aussi une des marques et des leçons de l’histoire qu’il s’agit de ne pas méconnaître. Autant j’évite de faire de la divination politique, autant je ne veux négliger, a priori, aucune des possibilités de l’avenir : « prévoir l’imprévisible, attendre l’inattendu » est aussi une nécessité politique pour qui ne veut pas subir l’histoire et cherche à en saisir les ressorts pour ne pas être désarçonné le jour venu, lorsque se lève le vent des « événements » …

Ce qui est certain, c’est que la République, prisonnière de ses propres principes et de sa dérive électoraliste qui l’empêche d’inscrire une politique d’Etat sur le long terme et qui soumet celle-ci aux rapports de force et aux démagogies de tout (dés)ordre, n’a pas su prévoir ni préparer ce qui, hier avenir, est notre « aujourd’hui ». L’exemple terrible de la politique énergétique, celui-là même dont M. Macron refuse de porter la responsabilité alors qu’il a bien été (après, il est vrai, le premier ministre Lionel Jospin en 1997, initiateur du « désastre énergétique » et le président Hollande, tous deux soucieux de donner quelques os à ronger aux « Verts » antinucléaires…) le fossoyeur d’une stratégie nucléaire raisonnable en mettant fin au projet Astrid en 2019 (1) et en fermant la centrale de Fessenheim, est là pour nous prouver, si besoin en était, l’inconséquence de la République dont, aujourd’hui, notre pays comme ses habitants sont les principales victimes. Et il n’est pas inutile de rappeler que la République n’a même pas su, faute de volonté politique et de vision à long terme (le seul horizon de la République est… la prochaine élection présidentielle !), développer une stratégie des énergies marines renouvelables dont la France, avec ses 11,5 millions de kilomètres carrés de territoire maritime (la deuxième Zone Economique Exclusive – ZEE – du monde, ce n’est pas rien, tout de même !), pourrait être la première productrice mondiale si elle s’en donnait la peine ! Quel gâchis, quel scandale !

« Gouverner c’est prévoir », dit-on ! Visiblement, la République a « oublié » cette formule de bon sens




Jean-Philippe Chauvin



Notes : (1) : Selon le site électronique du quotidien Le Figaro du 20 avril 2022, le projet Astrid « était un projet de réacteur expérimental, à neutrons rapides, lancé en 2010 par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Controversé en raison de son coût, il a été abandonné en 2019. Il devait ouvrir la voie vers les réacteurs nucléaires dits de quatrième génération, capables d’utiliser des extraits de combustibles usés pour fonctionner. » C’est bien le président Macron qui a pris la décision de mettre un terme à ce projet, tout comme le premier ministre Lionel Jospin, bien avant lui (en juin 1997), avait enterré, sans aucune concertation, le réacteur nucléaire Superphénix, pourtant prometteur…








Nos forêts brûlent…

Un texte publié par l’Action Royaliste Rennaise sur les incendies actuels en Bretagne (Monts d’Arrée, Brocéliande, etc.) :

Nos forêts de Bretagne brûlent, y compris tout près de Rennes. C’est une catastrophe environnementale, que cela soit sur le plan de la végétation ou de la faune (oiseaux, petits mammifères, papillons, etc.), des paysages eux-mêmes, et des terres ainsi abimées elles aussi.


Merci à tous ceux qui luttent contre les feux : sapeurs-pompiers, agriculteurs, voisins, personnels de Saint-Cyr Coëtquidan, etc…


Mais n’oublions pas que les feux ne partent pas tout seul et que, le plus souvent, ils sont d’origine humaine et criminelle ! La sécheresse actuelle aggrave les conséquences du crime incendiaire, un crime qui doit être puni de la manière la plus sévère : car brûler nos forêts, c’est dévaster notre patrimoine breton et français. C’est impardonnable !


De plus, il est temps de penser une véritable stratégie régionale et communale des forêts, d’une part pour réparer, d’autre part pour préserver et, dans le cas d’incendies, sauver le plus possible nos forêts.

Post-scriptum : au-delà de la Région et des Communes, l’Etat aussi devra jouer son rôle de « Grand Jardinier » de France.

La République ? Non merci…

La revue royaliste de l’Action Française a publié un fort dossier sur la Monarchie royale dans son numéro de l’été. Nous en publions ici quelques extraits sous forme de feuilleton.



L’actualité politique française de l’année écoulée a démontré, s’il en était encore besoin, les profondes fractures de notre pays et, au-delà même de la séparation entre un « bloc élitaire » et un « bloc populaire » (séparation théorisée par Jérôme Sainte-Marie), le fractionnement entre « trois France » électorales qui semblent se détester sans que cela n’empêche les alliances de circonstance, temporaires et le plus souvent par défaut. De plus et selon un mouvement plus lointain et profond lié à l’affirmation de la société de consommation et à son aggravation par le déracinement contemporain (aux formes multiples mais toujours malheureuses), la pluralité ancienne de la France issue de l’histoire cède la place à une logique diversitaire (qualifiée de « communautarisme », voire de séparatisme) qui, si l’on y prend garde, pourrait bien entraîner la France vers un éclatement fort peu souhaitable, ni pour les temps contemporains, ni pour les générations présentes et à venir. Sans négliger que, dans le même temps, près d’un Français sur deux prétend n’avoir aucun repère social ou identitaire, comme le signale une enquête du Cevipof de cette année, ce qui, selon le chercheur Luc Rouban, « révèle bien plus un isolement social qu’une capacité d’autonomie » : « La France, fragile et désunie, est-elle devenue une « République anomique », comme l’affirme Rouban ? « Si la République est menacée, elle l’est sans doute plus par cette anomie que par l’intégration de minorités dans des groupes séparatistes », avertit le politologue. D’où ces révoltes protéiformes, ces contestations violentes qui ponctuent l’actualité française depuis des années. » (1). Cette « déconstruction en marche » de la société française n’est pas un accident ni un hasard : elle est la conséquence de l’échec politique de la République contemporaine qui, désormais et malgré son centralisme toujours agressif (comme les Français ont pu le constater lors de la gestion de la crise sanitaire de 2020-2022), n’est plus le « liant » de la société française qu’elle prétendait être


La réélection à la présidence de la République de M. Macron, quant à elle, n’a rien résolu des problèmes qu’il n’a pas été en mesure de surmonter en son quinquennat précédent, si heurté et conflictuel malgré les espérances de sa nouveauté et de son irruption disruptive en 2017 dans le paysage si bien rangé jusqu’alors du pays légal (2). La campagne présidentielle elle-même a déçu ceux qui pensaient y trouver le moyen de « sortir le sortant » et qui y croyaient dur comme fer et qui, pour certains, ont du « aller à Canossa » en votant lors du second tour pour celui qu’ils disaient détester et combattre, en un vote de rejet et non de projet, dans un réflexe pavlovien de « défense républicaine » qui n’a jamais cessé d’être depuis Jules Simon et ses comparses des années 1870-1880… Nombre de déçus du macronisme, de contestataires du système libéral, de partisans nationalistes, socialistes, populistes ou écologistes, etc. l’ont été ensuite du résultat de l’élection présidentielle, voire du système de cette élection en attendant que cela soit de la République elle-même, pourrait rajouter le royaliste farceur et conséquent… « Les électeurs sont décevants », murmurent certains en ajoutant à leur acte d’accusation la Cinquième République mais en en proposant une Sixième, dans une logique qui, au regard de l’histoire, pourrait être considérée comme une forme de masochisme !


Non, la Sixième République n’est pas une solution ! A lire les programmes qui la revendiquent, elle ne serait en fait que le retour d’une sorte de synthèse de la Troisième et de la Quatrième, et guère plus nouvelle ni efficace que ces deux modèles anciens qui, dans l’un et l’autre cas, ont mené à l’échec le pays qui, pour se sauver, ne trouva d’autres maîtres, d’autres « dictateurs » au sens romain du terme, que des militaires, dans une geste qui reprenait, en somme, celle de la République initiale des années 1790 se livrant au sabre protecteur du général Bonaparte… Cette Sixième promise par M. Mélenchon et ses amis aurait tous les défauts de la République sans en avoir les avantages ou les atouts de la Cinquième, ces derniers étant liés à une lecture monarchique de l’État à défaut d’en être une pratique : c’est d’ailleurs cette semble-Monarchie (pour paraphraser Pierre Boutang) qui est attaquée avec le plus de virulence par les adeptes de la « République des républicains » qui caricature M. Macron sous les traits d’un Louis XVI sévère et insensible (ce que n’était pas l’original, comme l’ont largement démontré les événements et les historiens).






(à suivre)

Jean-Philippe Chauvin




Notes : (1) : Le Figaro, lundi 17 janvier 2022, page 29.


(2) : Le pays légal peut se comprendre comme l’ensemble des groupes sociaux et politiques qui apparaissent dominants et structurants du régime en place, tout en profitant de l’existence de celui-ci et participant à celui-ci, parfois dans un cadre légal de conflictualité organisée (la sphère médiatique et les systèmes électoraux), mais préservé des atteintes du « dehors » (c’est-à-dire des groupes dissidents de l’ordre établi (2bis), marginalisés, voire ostracisés) : le pays légal de la République fait d’autant plus référence aux « valeurs de la République » que c’est lui qui les fixe et en garde jalousement la définition et le vocabulaire…

En 2017, le pays légal a procédé à une sorte de « purge » ou, plutôt, de réévaluation de lui-même, donnant l’apparence du changement quand il n’était que le transfert de pouvoir de « groupes déclinants » (les partis traditionnels de la Cinquième République) au bénéfice de « groupes ascendants » (la jeune génération européo-mondialisée issue principalement des études de Finance et de Commerce, entre autres…) : « Il faut que tout change pour que rien ne change », n’est-ce pas là la méthode du pays légal pour passer à travers les époques et les contestations sans se remettre vraiment en cause ?


(2bis) : L’ordre établi, ou plutôt, selon le personnaliste Emmanuel Mounier et le royaliste Bertrand Renouvin, le « désordre établi », l’ordre républicain n’étant souvent que la caricature grinçante de l’ordre au sens noble du terme…