Durant quelques jours, les regards vont se tourner vers Dubaï et sa COP 28, et nombre d’articles seront, une fois de plus, consacrés aux questions climatiques sans que l’on sorte vraiment, à quelques exceptions près, des lieux communs et des postures de circonstance : il n’est pas certain que la question écologique en soit plus éclairée ni le souci environnemental mieux considéré… Le bal des avions privés et des grands acteurs de ce monde précédera ce bal des hypocrites qui amuse désormais la galerie chaque automne, et le désistement de dernière minute du pape François, dont l’encyclique Laudato Si’ est aujourd’hui le texte écologiste le plus lu et diffusé au monde, paraît de mauvais augure : sa présence aurait eu l’immense mérite de rappeler à l’humanité (représentée par ses puissants du moment) la nécessaire humilité devant les forces qui lui échappent encore et toujours. Entre les discours catastrophistes des uns et le déni des autres, il serait pourtant bien temps (il n’est jamais trop tard, dit-on, mais il est quand même bien tard !) d’appliquer la saine formule capétienne de « toujours raison garder » : cette raison, cette mesure qui, par nature, s’oppose au système d’une société de consommation et de croissance qui oublie les limites de notre planète et l’épuise à trop vouloir en jouir sans entraves…
Le grand enjeu des années et décennies à venir va être de réussir à penser « la prospérité sans la croissance », cette dernière s’apparentant de plus en plus à une « croyssance », c’est-à-dire à la croyance en une croissance infinie et éternelle qui s’émanciperait (par la technique toujours triomphante de toutes les questions scientifiques) de toutes les contraintes environnementales et, même, de celles liées à la nature mortelle des êtres humains… La croyssance est une utopie, dangereuse comme toutes celles qui se veulent « seule vérité, seul espoir », et il n’est pas inutile de la dénoncer, non pour penser en homme a-scientifique, mais pour réfléchir à partir de ce qui est sans s’empêcher d’imaginer un autre destin que celui que voudraient nous imposer les technocrates ou les écolocrates des grandes institutions de la gouvernance mondiale.
L’écologisme intégral a pour ambition d’apporter quelques réponses aux questions écologiques contemporaines, et il est aussi l’occasion de rappeler que le combat à mener n’est pas seulement purement environnemental mais qu’il est, aussi et sans doute d’abord, politique et civilisationnel : négliger l’un de ces aspects serait condamner l’écologie préservatrice à l’impuissance ou à la seule « apparence ».