Reconquête et prise du pouvoir : Les occasions manquées…

A Maître Antoine Murat, Guy Steinbach, Jean Marie Keller, le Chevalier d’Orgeix, Pierre Becat, François Marie Algoud qui ont contribués aux réflexions qui vont suivre, aux Camelots morts et à tous ceux qui ont œuvrés et qui œuvrent pour le retour du Roi…

Ce dossier n’est pas écrit et diffusé en attente de polémiques ou de remontrances, ne cherchant aucunement à blesser ni rabaisser des personnes qui, pour la plupart, ne sont plus de ce monde. Il est fait pour l’histoire, avec les quelques connaissances que nous avons, sachant que celles-ci comportent aussi des lacunes. Nous gardons un profond respect pour les grands qui nous ont précédés. Ce texte permet par l’évocation de certains faits, sous un œil critique, d’analyser quelques évènements de notre histoire politique, afin d’éviter d’autres écueils dans les temps que nous vivons et dont nos enfants auront l’héritage et la charge. C’est, comme tous nos travaux, un outil et un seuil de travail pour la réflexion, que seul l’empirisme permet d’apprécier et de valider lorsqu’il s’applique à nous-même. C’est ainsi que nous pouvons, concrètement, agir et espérer pour que, enfin, nous puissions dire sans mentir : notre jour viendra !

Reconquête et prise du pouvoir – les occasions manquées :

Sachant que des sondages effectués par des organismes connus, à plusieurs reprises, auprès de la population ont montré qu’une part non négligeable de la population garde l’espérance pour un retour des lys…
Près d’un Français sur trois prêt à voter pour un candidat royaliste
VIVE LE ROI – Selon un sondage, une partie non négligeable de l’opinion serait favorable à ce que la fonction de chef de l’Etat soit assumée par un roi, comme c’est le cas dans de nombreux pays européens (30 août 00:11TF1 group). Abolie en France il y a 168 ans, la monarchie conserve encore et toujours des adeptes. Un sondage réalisé par BVA et publié ce lundi, indique en effet que de nombreux Français pensent que la présence d’un roi au sommet de l’Etat serait bénéfique pour le pays. Près d’un Français sur quatre, estime par exemple que cela aurait des conséquences positives sur l’unité nationale (39%) et la stabilité du gouvernement (37%). Ils étaient à peine 23% en 2007, année où un sondage similaire avait été réalisé. Pour 31% des Français, remplacer le président de la République par un monarque donnerait une meilleure image de la France dans le monde (24% en 2007) … « Le contexte actuel pousse les Français à s’ouvrir à cette possibilité » …A noter tout de même que près de trois électeurs sur dix (29%) se disent prêts à voter pour un candidat royaliste au premier tour de la présidentielle. « La série d’attentats qui a touché la France en 2015 et 2016 a mis au cœur du débat la question de l’unité nationale, dans un contexte de défiance à l’égard de l’exécutif, voire de la classe politique dans son ensemble. C’est probablement cette lassitude corrélée à de fortes attentes qui peut expliquer le regain d’intérêt pour un mode alternatif de régime », explique BVA… Enquête réalisée avec Alliance Royale auprès d’un échantillon de 1099 Français, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et recrutés par téléphone puis interrogés par Internet du 22 au 23 août 2016

Qui, en tant que Royaliste, ne s’est jamais posé la question de savoir pourquoi en ce début du XXIè siècle le royalisme n’est pas une force politique puissante aux portes du pouvoir, ou tout simplement, pourquoi sommes-nous encore en république ?
Pour répondre à cette question, nous allons faire une analyse empirique globale sur l’évolution du royalisme en France depuis la Troisième République. Nous ne traiterons pas des Guerres de Vendée, dont nous retiendrons Georges Cadoudal et Louis de Frotté comme ayant été les seuls complotistes sérieux contre le régime républicain et l’empire, le marquis de la Rouerie reste aussi parmi ceux des plus importants. Les autres chefs de l’Armée Catholique et Royale n’avaient pas vraiment de réelle stratégie et étaient surtout trop divisés.

En 1870, Gambetta et son parti républicain profitèrent de la défaite de Napoléon III à Sedan face aux Prussiens pour prendre le pouvoir. Gambetta proclama la IIIè république le 4 septembre 1870 à l’Hôtel de ville de Paris. Sachant que la majorité à l’assemblé nationale était Royaliste, il n’y avait qu’à voir les résultats des élections législatives de 1871 : il aurait été facile de destituer cette république opportuniste en considérant à juste titre le coup de force de Gambetta comme illégitime et frauduleux. Néanmoins les Royalistes n’en firent rien ! Car ceux qui furent élus sous l’étiquette « Royalistes » étaient en réalité une bande de fieffés féodaux qui voulaient bien d’un Roi, mais si possible un Roi au service de leurs intérêts personnels, au détriment de ceux du peuple. Le Comte de Chambord, qui devait être ce Roi, refusa ce compromis et au travers de ses divers manifestes, il fit comprendre que la politique qu’il mènerait, lorsqu’il serait au pouvoir, serait celle de ses ancêtres Capétiens. Une Monarchie sociale au service de son peuple contre les féodaux ! En conséquence et sous couvert d’une fausse affaire de drapeau, orchestrée par les féodaux en question, la Monarchie ne fut pas rétablie et la république s’enracina inexorablement. Lire à ce sujet « Henri V et les féodaux » de Pierre Bécat décrivant dans les détails comment une poignée de ducs a évincé le Comte de Chambord pour des raisons fallacieuses… Ce fait est confirmé également par l’historien Henri Guillemin dans son cours d’histoire audiovisuel sur : « L’autre avant-guerre 1871-1914 »…

En 1898, c’est la création de l’Action française. Ce mouvement nationaliste, à l’origine républicain, deviendra par la suite royaliste, et marquera son époque de par ses idées et les diverses activités qu’il mena tout au long de son existence. Ce mouvement atypique, révolutionnaire même, choquait à sa création, bon nombre de vieux royalistes nostalgiques, ne concevant pas toute forme de « violence au service de la raison », jusqu’à l’entourage du Prince même. Il suffit pour cela de rappeler entre autre, la « gifle » donnée par le Camelot du roi Lucien Lacour à Aristide Briand… Conçu à l’origine pour prendre le pouvoir, l’Action française s’avérera malheureusement incapable de le faire concrètement. Il faut dire qu’une mauvaise stratégie, dite de l’« Union Sacrée », fit de ce mouvement l’allié d’un instant de la République durant la guerre de 14 ; il faut également rappeler qu’il y perdit ses meilleurs troupes, et, comme Henri Vaugeois, nombre de ses chefs révolutionnaires ; que la République en assassina quelques-uns de plus ; que le mouvement perdit ainsi ses contacts dans les milieux de gauche par ce changement de politique incompréhensible et qu’il s’embourgeoisa par la suite…

Charles Maurras qui était le doctrinaire talentueux et la tête pensante du mouvement avait la qualité de l’intelligence, mais pas celle de la stratégie de la reconquête. De 1898 à 1936, date de sa dissolution officielle, l’Action française eut une multitude d’occasions pour prendre le pouvoir, mais n’en fit malheureusement rien !
Avant le déclenchement du premier conflit mondial, Charles Maurras rédigea en 1910 un essai : « Si le coup de force est possible ». Il s’agissait d’une analyse sur les possibilités de prise du pouvoir. A cette époque le coup de force était possible et selon lui, pouvait même s’appuyer sur l’armée, la justice et la police…

Le 16 mars 1914, l’assassinat du journaliste Gaston Calmette plongea l’opinion publique dans l’indignation. Calmette était directeur du journal le figaro et sa meurtrière fut acquittée par la république. C’était une très bonne occasion pour les Camelots d’agir alors… Mais rien ne se fit !

Vint ensuite la Grande Guerre. L’historien Pierre Bécat dans son « Regards sur la décadence » avait mis en évidences les diverses occasions qu’avait eu l’Action française de prendre le pouvoir lors du premier conflit mondial.
Une première occasion se présenta, selon lui, lorsque Jean Jaurès fut assassiné. Ce dernier s’était dressé contre la guerre et la mobilisation générale :

« Maurras n’avait qu’à en faire autant et c’était la révolution. Ses troupes étaient assez nombreuses et disciplinées pour prendre la tête du mouvement. Mais, contrairement au parti républicain, il ne voulait pas la révolution devant l’ennemi. Et il se rallia à l’union sacrée. »
– Pierre Bécat – Regards sur la décadence – Ed du Trident – p102

Mais durant les premiers mois du 1er conflit mondial, Pierre Bécat mit en évidence une occasion plus sûre de prendre le pouvoir :

« Une seconde occasion de renverser la république, et cette fois bien plus sûre, se présenta lorsque le 3 septembre 1914 le gouvernement désemparé s’enfuyait à Bordeaux, laissant les pleins pouvoirs à l’autorité militaire. Situation qui dura cinq mois et à la faveur de laquelle, grâce à des complicités certaines, le coup était parfaitement réalisable. Mais Maurras avait promis à Poincaré de soutenir le gouvernement chargé de la défense nationale. Ce gouvernement étant défaillant le rendait maître de ses décisions. Là encore, son loyalisme et la crainte de favoriser l’ennemi l’emportèrent. »
– Pierre Bécat – Regards sur la décadence – Ed du Trident – p103

Ce loyalisme envers la république et cette crainte de favoriser l’ennemi, que met en évidence Pierre Bécat, Maurras l’exprimait en ces termes :

« Comme M. Baudry-d’Asson l’a redit aux dernières séances de la Chambre, il n’y a pas, il ne peut y avoir de complot ni même d’action, ni même de préparatifs d’aucune action contre le régime ; les royalistes ne sont pas les hommes du 4 septembre ou du 18 mars, ils ne font pas de révolution devant l’ennemi ; les royalistes ménagent avant tout le corps et l’âme de la patrie. »
Charles Maurras – AF du 22 octobre 1917


Difficile quand même de voir un réel ménagement du corps et de l’âme de la Patrie lorsqu’on envoie toute la force vive enracinée de cette dernière, aller se faire massacrer dans les tranchées !
Le pire dans tout ça c’est que cet article rédigé par Maurras date du 22 octobre 1917, et qu’une quinzaine de jours plus tard, le 7 novembre, les bolchéviques russes avec leur « Révolution d’Octobre », feront avec succès ce que Maurras s’interdisait ouvertement de faire. La Russie était en pleine guerre avec l’Allemagne, et les bolchéviques, avec pour chefs Lénine et Trotski, prirent la ville de Pétrograd et destituèrent le gouvernement provisoire dirigé par Kerenski. Maurras aurait pu considérer cette action comme un signe et s’en inspirer, mais il n’en fit rien, il restera cramponné à ses positions.
C’est également durant cette même année 1917 qu’il y eut les mutineries des poilus. Encore une fois de plus, Maurras aurait pu s’appuyer sur cette contestation légitime pour attaquer le régime. Pierre Bécat écrivait :

« Par la suite, n’ayant pas profité, pour les mêmes raisons, du désarroi créé par les mutineries de 1917, Maurras soutint Clemenceau qu’à bon droit il n’aimait pas et il ne commença à le blâmer qu’au moment où il refusa la paix séparée avec l’Autriche, qui aurait épargné un million de morts et aurait mis fin à la guerre de la façon la plus avantageuse pour la France et le monde. » – Pierre Bécat – Regards sur la décadence – Ed du Trident – p103

Mais Maurras préférera rester fidèle à son principe : « Pas de révolution devant l’ennemi ! »
Défendre Clémenceau, cette « Tête de mort sculptée dans un calcul biliaire », disait Léon Daudet, ce massacreur d’ouvriers à Draveil, l’antisocial incarné, il fallait maintenant faire alliance avec lui ??
A cette époque, l’historien Louis Dimier qui était un membre actif de l’AF, s’était inquiété de cette prise de position de Maurras à l’égard de la république en temps de guerre. Ce refus viscéral de Maurras de faire la révolution devant l’ennemi, Louis Dimier ne le partageait pas. Dans son ouvrage « Vingt ans d’Action française », il écrivait :

« Je me demande ce qui porta Maurras à en dire plus, et à déclarer en principe que l’Action Française « ne ferait pas de révolution devant l’ennemi ». Car cela fut dit et redit.
Et pourquoi ? Si cette révolution devait opérer le salut public, lequel décidait de tout selon nos propos constants. Une révolution qui eût manqué d’accord ; un essai de révolution qui eût déchaîné la guerre civile, sans doute ; mais une révolution qui eût réussi, qui, moyennant une crise rapide, en replaçant l’État sur son axe essentiel, eût mis fin à toute complaisance du gouvernement envers l’Allemagne et hâté par-là la victoire, au nom de quoi est-ce que nous repoussions cela ? Au nom duquel de nos principes ? Au nom de quelle raison prise dans le sens commun même ? » p258 et 259

Plus loin il rajoutait : « Vingt fois on s’est vanté de s’être interdit de faire ce que fit en 70 le parti de Gambetta. Mais quoi ! Ce que nous apportions était-il de même qualité ? Sa république valait-elle notre monarchie ? Tout son tort n’était-il pas là ? […] on faisait de toute cette histoire un petit bon conte moral, une image d’édification, où d’un côté se voyait le méchant républicain qui sous les yeux de Bismarck renversait Badinguet, de l’autre le bon camelot du roi disant à Marianne : « Dors en paix. Je ne fais pas, je ne fais pas de révolution devant l’ennemi. ». Cela donnait à l’Action Française un air de nigauderie qu’elle avait évité jusque-là. » p259

Après la guerre, l’Action française avait perdu de son élan. Fini la détermination qu’elle eut avant ce 1er conflit mondial. Louis Dimier le déplorait en ces termes : « Ainsi petit à petit la faiblesse, l’inconsidération, les circonstances allaient rapprochant notre figure de celle des anciens partis conservateurs. Nous en épousions la petitesse, les timidités ; nous retournions à leur routine, dont notre originalité avait été de nous affranchir. » p259

Par la suite, il y eut une vague profonde d’antimilitarisme, due en grande partie à l’incompréhension dont certains officiers firent preuve à l’égard des soldats. Cet antimilitarisme, « personne, estime Louis Dimier, n’était placé comme l’Action française pour le comprendre, le diriger et s’en servir. Elle avait combattu le service obligatoire, fait l’apologie de l’armée de métier. […] Ainsi notre rôle était tracé : prendre la tête des mécontents, faire de leur soulèvement le moteur de notre révolution, tirer enfin le succès des circonstances qu’on s’imaginait le retarder. » p308 et 309

L’occasion fut, une fois de plus, manquée. Un certain « embourgeoisement » s’installa. Cela se vit d’ailleurs dans les recrutements, comme en matière sociale. Avant-guerre les revendications syndicales étaient soutenues par les Camelots du roi, entraînant la sympathie des milieux populaires contre la République, l’après-guerre verra l’inverse comme la fin de toute hardiesse en matière sociale. Alors que dans ses premiers temps, rappelle Dimier, l’Action française savait faire comprendre aux révolutionnaires et même aux anarchistes que leur véritable ennemi était le régime démocratique, et les rallier ainsi à sa cause « Gavroche est royaliste ! » s’écriait Daudet en 1909 à une réunion de la CGT, comme il dénoncera le simulacre de « justice » républicaine envers la « Bande à Bonnot »… Les mécontents s’orientèrent plus vers les partis de gauche, qui surent mieux exploiter cet état d’esprit…
Le 22 janvier 1923, c’est l’assassinat de Marius Plateau par une pauvre fille anarchiste du nom de Germaine Berton. Marius Plateau était un ancien combattant et secrétaire de la Ligue d’Action française. Marius était de ces hommes capables de mener justement des « coups de force » : sa disparition était donc essentielle pour le régime en place. C’était une personnalité incontournable du mouvement. Des doutes sur l’implication de la police dans cette affaire commencèrent à apparaître et Germaine Berton, malgré ses aveux, fut tout simplement acquittée par la « justice » républicaine comme pour la meurtrière de Gaston Calmette. Sachant que Maurras fut malheureusement loyal envers la république durant toute la guerre, un tel affront était inacceptable ! Car 80% des Camelots du Roi tombèrent aux champs d’honneur. Sur quinze secrétaires généraux des étudiants d’avant-guerre, treize trouvèrent la mort. Mais c’est ainsi que la république remercie les indulgences faites à son égard. Les obsèques de Marius Plateau furent une belle occasion de faire le coup de force, et ce en toute légitimité ! Ce jour-là une bonne partie des sections des Camelots du Roi de province étaient présentes à Paris pour le cortège, sans oublier la présence nombreuse d’anciens combattants. Ils étaient des dizaines de milliers, peut-être même cent mille dans la capitale à assister aux obsèques de Marius Plateau, en colère et dégoûtés du régime. Il aurait juste fallu un ordre de Maurras et la république aurait payé chèrement cet assassinat. Au lieu de cela, les Camelots se contentèrent de saccager quelques vitrines des locaux des journaux adversaires comme l’Ere nouvelle, faute de mieux…

Constatant que l’assassinat de Marius Plateau n’eut pas plus d’effet sur le mouvement royaliste, la république enchaîna en conséquence les assassinats. Ça sera ensuite le tour de Philippe Daudet, fils de Léon Daudet d’être assassiné la même année. Sa mort douteuse sera maquillée en suicide, vaste affaire ténébreuse où les royalistes démêleront l’horrible manœuvre policière. Ça sera ensuite au tour d’Ernest Berger, trésorier de la ligue de l’AF, d’être assassiné le 26 mai 1925, d’une balle dans le dos par une jeune militante anarchiste du nom de Maria Bonnefoy. La république aime se cacher derrière des femmes pour faire le sale boulot… Exaspéré, Charles Maurras dut faire une lettre de menace au ministre de l’intérieur M. Abraham Schrameck afin de mettre un terme à ces assassinats anarcho-policiers. Mais le 28 octobre 1928, cela n’empêcha pas un jeune employé de la Ligue d’Action Française, Jean Guiraud d’être assassiné. Il fut tué par un garde mobile pour le simple motif d’avoir dégradé une statue d’Emile Combes qui venait d’être inauguré à Pons !

Nous avons cité le cas des bolchéviques en 1917, l’assassinat de Marius Plateau en 1923 aurait pu faire l’objet d’une prise du pouvoir de la part des Royalistes en France, sachant que trois mois auparavant ce fut Mussolini qui, le 28 octobre 1922, fit sa marche sur Rome, appuyé entre autre par les anciens combattants. Cette marche lui ouvrit par la suite les portes du pouvoir…
Inspiré par cette marche, un an plus tard, le 8 novembre 1923 c’est au tour d’Hitler de faire le coup de force. Mais Hitler n’eut pas la même chance que son futur allié italien, son fameux putsch de Munich fut un échec qui le condamna à cinq années de détention. Il n’en effectua que neuf mois, et en profita pour rédiger son livre majeur : Mein Kampf. Malgré son échec, ça ne l’empêcha pas malheureusement d’accéder au pouvoir dix ans plus tard… Comme quoi, même si ça tourne mal, rien n’est perdu. Le tout est d’avoir le cran, l’audace et la volonté !

Et en France ?? … Rien ! Sachant qu’en 1926 la condamnation de l’AF par le Vatican ne fera qu’affaiblir encore un peu plus le mouvement royaliste pour les années à venir… Comme si les assassinats n’avaient pas suffi…

En 1934, suite au scandale de l’affaire Stavisky, les différentes ligues patriotiques et monarchistes, mais aussi un groupe d’anciens combattants communistes, manifestèrent le 6 février de cette année sur la place de la Concorde à Paris. Bien que cette manifestation ne fût nullement une tentative de putsch contrairement à une idée reçue, la république réprima violemment les manifestants à coup de feu ! Il y aura eu au final plusieurs dizaines de morts. Dans « Histoire de l’Action française » de Lazare de Gérin Ricard et Louis Truc nous pouvons y lire cette anecdote p183 à 185 : Un souvenir relaté note qu’une fausse nouvelle de mort, alors qu’il n’était que blessé, de Maxime Réal Del Sarte, chef des Camelots, était parvenue à l’imprimerie du journal l’Action française. Daudet s’était exclamé qu’il était temps d’emporter la journée, il cria : « combien y-a-t-il de Camelots ici ? », on lui répondit : « une centaine ! », mais Maurras réussi à le dissuader. Car sa priorité face à ces événements était celle-ci : « Je crois que le mieux est d’aller à l’imprimerie. Là, nous avons nos machines, notre papier : tous les moyens d’éclairer l’opinion. » Cela montre la volonté de l’heure et les désillusions qui en sont les conséquences !


L’historien américain Eugen Weber précisait également dans son livre « l’Action française » que si le 6 février ne fut pas favorable pour un coup de force, il n’en demeure pas moins que le lendemain, le 7, la chose fut parfaitement possible ! La police n’avait plus la volonté de défendre cette république des voleurs après ce qui s’était passé la veille. Hélas Maurras n’y croyait pas, et cette occasion fut encore manquée…

Cette émeute du 6 février va inquiéter les républicains et la gauche. Cette dernière, à l’appel du Parti Communiste dit « Français », organisa une manifestation de défense de la république le 9 février place de la république à Paris. Elle rassembla plus de 50 000 personnes ! Deux ans plus tard, le 10 janvier 1936, le gouvernement promulgua une loi offrant la possibilité de dissoudre « les groupes de combat et milices privées ». La république avait mal digéré l’expérience du 6 février 1934 qui aurait pu mal tourner pour elle. Elle n’eut pas à attendre bien longtemps pour mettre en pratique cette loi. Un mois plus tard, le 9 février 1936 c’est le décès de l’historien Jacques Bainville. Ce dernier formait le trio intellectuel de l’Action française avec Maurras et Léon Daudet. Lors de ses funérailles, le 13 février 1936, Léon Blum fut blessé dans sa voiture alors qu’il quittait la chambre des députés. Sa route croisa celle du cortège funèbre de Bainville et des agitateurs l’ayant reconnu le molestèrent. L’incident Blum, grossi pour les besoins de la cause, fut évoqué à la Chambre et Albert Sarraut promit de venger Léon Blum « sans hésitation, sans faiblesse, sans retard » (si seulement ils avaient su adopter la même devise face au danger Allemand…)… Un conseil des ministres fut réuni d’urgence à l’Elysée et le président Lebrun signa, séance tenante, le décret de dissolution « des associations et groupement de fait, dénommés ci-après : la Ligue d’Action Française, la Fédération Nationale des Camelots du Roi et la Fédération Nationale des Étudiants d’Action Française ». Ce fut le prix à payer de n’avoir su profiter des occasions diverses pour renverser la république !

On le voit bien, les possibilités de prise du pouvoir s’étaient largement amoindris dans les années 30. La gauche sut mieux s’organiser et déclenchait de vives manifestations, alors que la république se dotait d’une législation adéquate pour réprimer et dissoudre efficacement toute organisation de l’opposition.

Cette incapacité de Charles Maurras à profiter des occasions pour prendre le pouvoir commençait à se faire de plus en plus ressentir depuis les événements du 6 février 1934. L’écrivain, journaliste fascisant Lucien Rebatet, qui était un ancien de l’AF, avait qualifié cette dernière « d’Inaction française » dans son œuvre collaborationniste « Les Décombres » sortie en 1942. Mais avant lui, c’est la 17e section des Camelots du roi de Paris qui s’exaspéra de l’inaction de Charles Maurras. A leur tête un certain Eugène Deloncle fonda en 1936, avec son bras droit Jean Filliol, le Comité Secret d’Action Révolutionnaire (CSAR), qui succéda au Parti national révolutionnaire (PNR) et fut surnommé par mépris la Cagoule par Maurice Pujo. Leurs actions alterneront entre attentats et assassinats. Ils garderont des liens étroits avec les fascistes italiens, mais ce mouvement activiste ne survivra pas à la seconde guerre mondiale et Deloncle sera assassiné par la Gestapo en 1944. Néanmoins l’expérience de la Cagoule traduisait un sentiment profond d’un vide à combler !

La seconde Guerre Mondiale mettra aussi un terme à l’Action française. Même si elle fut dissoute officiellement en 1936, son journal s’arrêta en 1944. Charles Maurras fut condamné à tort à la réclusion criminelle à perpétuité pour « intelligence avec l’ennemi » à cause de son soutien au Maréchal Pétain, ainsi qu’à la dégradation nationale, le 28 janvier 1945. La république eut beaucoup moins d’états d’âme que lui… Alors que l’on pouvait accuser Maurras de toutes les intelligences, sauf de celle avec l’ennemi. Ce faux procès ne fut qu’une occasion d’épuration des forces antirépublicaine, et certainement pas l’œuvre d’une justice digne de ce nom ! Il suffit de lire « Le Procès Charles Maurras » de Géo London pour s’en convaincre…
Au final, on peut dire sans se tromper que Maurras a certes renforcé le royalisme dans sa doctrine, mais il l’a aussi cruellement handicapé en le rendant non seulement inapte à la reconquête, mais également en cantonnant ses troupes à n’être que de simples agitateurs où vendeurs de journaux…

A l’instar du pape Léon XIII, le vieux maître de Martigues commit la même erreur stratégique d’un ralliement impossible qu’il qualifia en son temps de compromis nationaliste. Même si ce compromis ne fut qu’épisodique, cela a suffi à la république pour se renforcer et affaiblir un peu plus chaque jour, les forces contre-révolutionnaires.
Jamais la religion ainsi que les forces contre-révolutionnaires ne sont sorties grandies d’un ralliement à la république. L’histoire nous l’enseigne, et nous vivons, à l’heure actuelle, les conséquences…

Au final, Charles Maurras aura déçu plus d’une génération qui croyait en lui. L’un de ses plus célèbres disciples, Georges Bernanos, exprimait son reproche en ces termes : « J’ai cru, à seize ans, qu’il était l’homme du coup de force, qu’il descendrait dans la rue. Je l’ai cru parce qu’il me l’affirmait, qu’il ne cessait pas de l’affirmer. Je ne le tiens pas pour un lâche. Je dis qu’aucun politicien n’a exploité avec moins de vergogne l’image d’un risque qu’il était décidé à ne pas courir. » Georges Bernanos – Scandale de la vérité. Gallimard, 1939, p 37

Plus loin il rajoutait même : « Nous avons parfaitement le droit de dire que la place de M. Ch. Maurras était à quelque chaire du Collège de France, et non pas à la tête d’un journal ou d’un parti. » Georges Bernanos – Scandale de la vérité. Gallimard, 1939, p 50

Ce que Louis Dimier confirmait allègrement lui-même en ces termes : « Maurras, en possédant les aptitudes du maître, aura manqué de celles du chef. » Vingt ans d’Action française – p 335

Et bien avant Bernanos et Louis Dimier, il y eu également le jeune fougueux Henri Lagrange. Ce dernier était né pour l’action, et comme le précisait Louis Dimier : « il perdit confiance dans ces chefs, et rêva de conduire lui-même ce dont ils n’étaient pas capables. » Vingt ans d’Action française – p227.

Dans le cadre d’un procès « cruel et ridicule », Maurras préféra se débarrasser de ce jeune qui lui faisait ouvertement de l’ombre, car ayant compris dès le début l’incapacité des chefs de l’AF à faire le coup de force. Dimier conclut ainsi : « Maurras aimait à dire que dans l’action royaliste menée au temps de l’Empire et de la Révolution, il n’y avait eu de sérieux que Cadoudal. Le Cadoudal que le ciel lui donnait, il l’exécuta ce jour-là. » Vingt ans d’Action française – p229.

Henri Lagrange mourut en 1915 dans cette épuration des forces vives que fut la 1ère Guerre Mondiale, pour la plus grande joie des forces républicaines…

Après la mort de Maurras en 1952, le royalisme ne fera que stagner et par la suite, il périclitera inexorablement. Ce qui prouve qu’il y avait dans le maurassisme une somme de défaillances qui n’eurent de cesse d’handicaper pour longtemps le royalisme en France. Pour comprendre où se situaient ces défaillances encore eut-il fallu prendre du recul et pratiquer la fameuse méthode que Maurras enseigna lui-même de son vivant : l’empirisme organisateur. Et pourtant, même si l’influence déclinait, même si les forces du mouvement royaliste n’étaient plus celles d’avant-guerre, l’Action française continuait d’attirer des écrivains et possédait des forces non-négligeables dans la rue. Mais ses successeurs, dépourvus du sens stratégique de la reconquête, ne surent que muséifier le mouvement et firent, à travers lui, de Maurras l’objet d’une douteuse idolâtrie encore observable à ce jour…


En 1955, le journaliste et philosophe Pierre Boutang créa son propre hebdomadaire La Nation française (1955-1967) en réaction au journal « Aspect de la France » associé au mouvement Restauration nationale qui succéda à l’Action française interdite à la libération. L’objectif de Pierre Boutang était justement de faire évoluer les idées maurassiennes et non de les considérer comme une sorte de catéchisme rigide et immuable comme ce fut le cas pour l’équipe d’Aspect de la France. Il rejetait entre autre l’antisémitisme maurassien mais également le « politique d’abord ». Mais manifestement, la branche de Pierre Boutang ne durera que jusqu’en 1967 et c’est l’équipe de Pierre Pujo d’Aspect de la France qui s’imposera jusqu’à aujourd’hui.
Dans son ouvrage Histoire des Royalistes de la Libération à nos jours, Patrick Louis écrivait :

« A vouloir être à tout prix et absolument les héritiers de l’Action Française, n’en vient-on pas à confondre fidélité et fossilisation ? […] Pour les créateurs de « La Nation Française », il ne fait pas de doute qu’ « Aspect de la France » n’a pas su ou voulu éviter cet écueil. »
– Patrick Louis – Histoire des Royalistes de la Libération à nos jours Ed. Jacques Grancher. 1994 – p76

Pourtant Maurras ne disait-il pas lui-même que : « Dans toute tradition comme dans tout héritage, un être raisonnable fait et doit faire la défalcation du passif »
– Charles Maurras – Mes idées politiques – Paris 1937. p67

Mais malheureusement c’est bel et bien d’une fossilisation dont le royalisme va être victime avec ces « héritiers » encombrant du maurassisme. Certains sursauts de la jeunesse engendreront par la suite quelques scissions, comme la NAF (Nouvelle Action Française) en 1971, qui deviendra la NAR (Nouvelle Action Royaliste) et qui périclitera à son tour sans pour autant palier les handicapes du royalisme. Cette scission engendrera en 1972 une autre scission de la Restauration Nationale : la Fédération des Unions Royalistes de France (FURF). Cette dernière parcellisera encore un peu plus l’unité du royalisme plutôt qu’autre chose. La FURF fusionnera par la suite avec un groupe dissident de la Nouvelle Action Française, le COPCOR (Comité pour la Coordination des Opérations Royalistes). Cette fusion donnera naissance, le 21 octobre 1979, au Mouvement Royaliste Français (MRF) qui disparaîtra 5 ans plus tard en 1984. En 1998 Pierre Pujo créa le Centre Royaliste d’Action Française (CRAF) suite à une rupture intervenue avec Hilaire de Crémiers alors responsable de la Restauration nationale. Bref ! De scissions en ruptures, le royalisme depuis la mort de Maurras n’a fait que se parcelliser détruisant au passage cette unité tant indispensable à la reconquête ! Afin de mieux vous en rendre compte par vous-mêmes, nous vous invitons à lire : «Histoire des Royalistes de la Libération à nos jours » de Patrick Louis

Nous précisons également que le Groupe d’Action Royaliste (GAR) créé en 2008 est tout sauf une scission. Les futurs membres fondateurs du GAR furent évincés par l’équipe désastreuse du CRAF qui succéda à Pierre Pujo après le décès de ce dernier en 2007. Le GAR joua à cette époque un rôle de bouée de sauvetage du royalisme, palliant ainsi aux défaillances d’un mouvement séculaire en fin de course…

Bref, en ce début du XXIe siècle malgré le coup de pouce d’internet, le royalisme n’est pas encore une force politique et militante assez redoutable pour inquiéter le régime républicain. Néanmoins, rien n’est perdu. Mais pour que le combat royaliste redevienne une force politique conséquente, il va falloir s’atteler à analyser empiriquement tous les problèmes qui l’immobilisent et redévelopper une stratégie de la reconquête. Car on pourra toujours écrire des milliers d’articles ou faire des centaines de vidéos pour dénoncer les problèmes de notre pays, ça n’y changera rien ! Les solutions à nos maux nous les connaissons, ce qu’il nous faut maintenant c’est les manettes du pouvoir ! Facile à dire dirons certains. Certes ! Mais comme le disait si bien Louis XIV : «Pour venir à bout des choses le premier pas est de les croire possibles. »

Les Royalistes doivent réapprendre à être stratège et préparer les futures occasions à la reconquête du pouvoir. Nous devons redevenir des Cadoudal en puissance ! Au-delà des querelles stériles qu’il peut y avoir au sujet des Princes par exemple, l’objectif des Royalistes en France doit redevenir ce qu’il a été pendant longtemps, à savoir la reconquête du Royaume de France. Et non plus se contenter de maintenir une tradition en idolâtrant son mouvement politique à cause de son passé, ou idolâtrer un Prince à la façon d’une jouvencelle, pour ce qu’il représente de légitime… Une stratégie de la reconquête doit donc être élaborée à cet effet avec pour objectif de faire en sorte que le XXIè siècle soit celui du renouveau monarchique en France !
Si nous n’étions convaincus du bien-fondé de notre cause, il nous suffirait de passer notre chemin, mais voilà, nos travaux sur divers sujets d’actualité démontrent à chaque instant la nécessité du roi. Il vous suffit de consulter nos dossiers et voir nos vidéos. Il n’y a pas un domaine, de l’écologie à la santé, de l’urbanisme aux libertés régionales et de la vie dans la cité à l’organisation du travail qui ne soit un appel à la tempérance, l’unité, le sens de la justice, que seul un roi peut incarner. C’est peut-être la dernière chance de la liberté, disait Maulnier, alors qu’attendons-nous !?
Nous avons conscience des obstacles qui se dressent devant nous. Le journaliste Patrick Louis concluait son livre que nous avons déjà cité en ces termes :

« Les faiblesses actuelles du royalisme relèvent donc plus d’une double absence, que de sa division. D’abord l’absence d’un Prince prêt à devenir Roi, en se donnant les moyens de sa réussite. Ensuite l’absence de penseurs capables d’influencer, en tant que royalistes, les élites intellectuelles actives. Tant que cette double absence, ou l’une au moins, n’aura pas été comblée, le royalisme français restera dans l’état où il se trouve aujourd’hui : une nébuleuse de groupuscules. »
– Patrick Louis – « Histoire des Royalistes de la Libération à nos jours », Ed. Jacques Grancher. 1994 – p206

Nous le rejoignons dans sa conclusion. A tous ceux qui ont encore un tant soit peu la force et la volonté de vaincre ainsi que d’œuvrer pour la reconquête de notre civilisation française. A vous tous qui êtes prêts à faire du combat royaliste, non pas un délire passager, mais une véritable mission à vie, sachez que le Royaume des Lys nous attend. Nous le savons tous que notre jour viendra, et notre détermination à l’image de celle que Jeanne d’Arc enseigna à ses combattants, nous guidera vers la victoire !

Pour Dieu, la France et le Roi !

Notre jour viendra !

« Rétablir la monarchie est aujourd’hui un mot vide de sens. Je crois qu’il faut la refaire, contenant et contenu. Personne, au fond, ne doute plus qu’elle sache conserver, administrer, durer. Il s’agit de prouver qu’elle peut créer, créer une nouvelle France ? Pourquoi pas ? Pourquoi notre histoire devrait-elle tourner autour du XVIIe siècle comme la lune ? Pour un jeune Français, le grand siècle devrait être devant, non derrière. » (Bernanos, Combat pour la liberté)

P-P Blancher et Frédéric Winkler