La république e(s)t le drame paysan :

« Jusqu’à l’aube de XXème siècle, la France était une nation paysanne. Depuis plus d’un millénaire, des générations de paysans français ont su, en pratiquant une agriculture respectueuse de la nature, diversifiée et adaptée aux multiples terroirs, créer une société harmonieuse et auto-suffisante : un monde cohérent. »
Jean-clair Davesnes – L’Agriculture assassinée

Nous allons analyser la façon dont la république, ainsi que ses valeurs issues du siècle dit des « Lumières », ont traité ce monde paysan multiséculaire.
Le 14 juillet 1789, la révolution dite « française » éclata à Paris ! A peine 4 ans plus tard, en mars 1793, éclateront les fameuses Guerres de Vendée. Les paysans, échaudés par l’exécution du roi Louis XVI et les mesures antireligieuses des révolutionnaires parisiens, assaillent les autorités municipales. Ces Guerres de Vendée ne sont ni plus ni moins, qu’une violente répression contre la France paysanne de cette époque. Pour tout dire, lorsque les Français ouvriront les archives, ils constateront que la révolution fut tout simplement une véritable révolte contre le peuple, bref qu’elle fut avant tout antisociale. La France réelle, largement incarnée par la paysannerie, s’opposa à une poignée d’agitateurs « bourgeois » sortis de l’idéologie de la secte jacobine, incarnée par les penseurs révolutionnaires parisiens.


Armés de faux et de fourches, résolus et enthousiastes, parce qu’ils défendaient leurs familles et leurs terres, les insurgés, dans un premier temps, chassent les « Bleus » (les soldats de la République étaient ainsi nommés en raison de leur uniforme) et rétablissent le culte catholique dans leurs villages. Culte renié car comme la monarchie, il empêchait le monde de la finance de détruire les protections ouvrières (corporations) et d’établir l’usure…
Prenant de l’assurance, ils constituent une « armée catholique et royale » avec environ 40 000 hommes indisciplinés et sans expérience militaire, issus de la terre, à l’exception d’une dizaine de milliers d’anciens soldats.
Cette résistance paysanne fut vaine face à un appareil d’Etat usant de tous les moyens, même les pires : l’armée vendéenne fut anéantie à Savenay le 23 décembre 1793. La république n’était donc plus en danger. Pourtant un plan d’extermination massive et systématique, fut alors mis en place par cette même République qui revendique sa légitimité au sein du peuple mais qui n’est que l’expression politique d’une large part de la bourgeoisie, d’abord soucieuse de ses propres intérêts. La manipulation de l’information ne date pas d’hier. Il suffit de rappeler la « prise de la Bastille » dans sa réalité, qui fut le massacre des invalides, avec la tête du gouverneur sur une pique, alors qu’il avait ouvert les portes ! Puis ce fut le mythe de la mort du petit « Bara », criant « vive la république », alors que l’affaire était un vol de chevaux et qu’il n’avait rien crié de politique, le tout instrumentalisé par Robespierre pour servir l’idéologie au pouvoir !


Des décrets ont été votés le 1er août et le 1er octobre 1793, bien avant la défaite paysanne, ordonnant explicitement l’extermination des Vendéens et la dévastation de la contrée rebelle. C’est le général Turreau à la tête de ses colonnes infernales qui s’occupera de la besogne. Il dira : « Il convient de faire de la Vendée un grand cimetière national, afin de purger entièrement le sol de la liberté de cette race maudite. »
Les combats vont continuer avec plus ou moins d’intensité durant trois ans, jusqu’au mois de mars 1796. Si un bilan précis est impossible à établir, on estime aujourd’hui que ces affrontements auraient fait au moins 300.000 morts, dont une large part de populations civiles.

La Vendée une fois domptée, il s’agissait de la pacifier, de la rassurer avant tout sur la liberté du culte catholique : ce fut l’oeuvre de Hoche, officiellement terminée le 15 juillet 1796 (proclamation du Directoire).
Outre la Vendée signalons pour l’histoire, les massacres de Lyon et Marseille, le monde ouvrier guillotiné à Paris même, l’exemple de l’ouvrier guillotiné en même temps que Louis XVI, reste un symbole. Les déportations du Pays Basque… Sans aborder la confiscation des terres par la bourgeoisie triomphante, ni l’exemption dont leurs enfants à la conscription que les paysans subissaient, c’est bien le monde paysan qui paya le plus lourd tribut humain à la Révolution et à ses suites…
Voilà qu’elles furent les premières relations entre le régime républicain et la paysannerie française. La république est née du sang des paysans français enracinés. Pour en savoir plus sur les Guerres de Vendée, nous vous invitons à découvrir les œuvres de Reynald Sécher sur le sujet.

Jean Claude Toutain, directeur de recherche au CNRS, brosse un bilan de la Révolution sur la paysannerie : « Qu’ont apporté la révolution et l’Empire à l’agriculture ? Essentiellement la suppression des droits féodaux, des droits de parcours et de vaine pâture, l’obligation de se conformer à certains types d’assolement, une répartition plus juste de l’impôt, le partage des communaux… Si les propriétaires sont plus riches depuis l’abolition des droits, rien n’a changé. Il n’y a pas une bête de plus, ni plus de prairies artificielles. On cultive plus de terres, les biens nationaux et communaux, mais on les épuise plus vite et le rendement a baissé. Les nouveaux acquéreurs restent ignorants : ils ont faim de terres, sont prêts à travailler, mais n’ont ni outils, ni engrais, et ne savent comment passer de la culture extensive à la culture intensive. Les petits paysans, qui sont la majorité, loin d’être favorisés par la suppression du droit de parcours et la vente des communaux, en sont ruinés. »
En somme, la révolution, faite au nom de l’égalité, a enrichi les riches et appauvri les pauvres. Véritable escroquerie politique et sociale, c’est un résultat qu’on retrouvera sur d’autres terrains jusqu’à aujourd’hui même…

Après les guerres révolutionnaires et de l’Empire qui saignèrent les populations paysannes obligées d’envoyer nombre de leurs fils se battre jusqu’à Moscou, bien loin de leurs champs et de leurs amours, les paysans profitèrent, sous les deux monarchies du XIXe siècle, de la paix intérieure et de la préservation des frontières : celles-ci permirent de renouer avec une certaine prospérité, et cela malgré les pressions d’un monde urbain et industriel de plus en plus gourmand d’hommes et de femmes pour faire fonctionner les usines des profiteurs des lois antisociales de 1791, lois auxquelles les classes bourgeoises enrichies par la Révolution s’accrochent, gênant les efforts de la Monarchie pour les contrecarrer…

Dans les campagnes, les notables royalistes revitalisent un monde rural soucieux d’améliorer ses revenus sans, pour autant, abimer les terres : ainsi, en Mayenne, l’agriculture se modernise sans oublier tous ceux qui travaillent et vivent de la terre.
A la fin du siècle et dès la publication de la loi de 1884 sur l’autorisation des syndicats, les paysans s’organisent. Il faut savoir qu’au XIXè siècle, loin de constituer un ensemble d’individus isolés, rétrogrades et imperméables au progrès, la paysannerie formait au contraire une « société cohérente » solidement encadrée par la noblesse rurale, des propriétaires qu’on appelait les hobereaux. Ces derniers avaient, dans leur majorité, une grande conscience de leurs devoirs sociaux. Ce sont eux qui, en s’appuyant sur la loi de 1884, organisèrent aussitôt les paysans en vue de leur progrès économiques, matériel et moral.
Mais malheureusement, c’est la Guerre de 14-18 qui ouvre le XXe siècle. La moitié des 8 410 000 mobilisés durant les quatre années de guerre étaient paysans, ouvriers agricoles et domestiques. Ajoutons-y les artisans comme les forgerons, les charrons et tous ceux qui vivaient de l’agriculture (plus de 500 000 personnes) ou dans le monde rural. Qui plus est, ils sont plus jeunes que la moyenne entre 17 et 27 ans.


Ils abandonnèrent les travaux des champs, les récoltes, leurs animaux, leurs familles (femmes, enfants, parents) et cela dans les premiers jours du mois d’août, en pleine moisson, pour aller défendre la République qui les appela quand ils croyaient défendre la Patrie, et les royalistes ne se défaussèrent pas sur d’autres, ils furent souvent, par devoir et par amour du pays, en première ligne. Il est à noter que phénomène nouveau depuis la révolution, le paysan est tiré de la paix de ses champs pour aller mourir aux frontières, ce que jamais la monarchie n’imposa ! Anatole France le disait en ces termes : « La honte des républiques et des empires, le crime des crimes sera toujours d’avoir tiré un paysan de la paix dorée de ses champs et de sa charrue et de l’avoir enfermé entre les murs d’une caserne pour lui apprendre à tuer un homme »
Et c’est avec beaucoup de cynisme qu’ils furent envoyés au front dans des wagons à bestiaux, destinés à l’abattoir ! Ce n’est pas rien car en fin de compte, c’est environ 700 000 d’entre eux qui seront tués ou portés disparus ; 500 000 seront blessés plus ou moins gravement.
On se demande d’ailleurs pourquoi le gouvernement républicain procédait si soudainement à cette « levée en masse » puisque par ailleurs il croyait, comme la plupart des têtes pensantes de l’époque, que le conflit ne durerait que quelques mois.
C’est ensuite la réquisition des animaux de trait : alors que les paysans utilisaient plus de trois millions de chevaux et de mulets ainsi que de nombreux bœufs et vaches de trait, on compte qu’en 1918, 2 200 000 chevaux et 170 000 mulets avaient été réquisitionnés par l’armée. Dans le même temps la mobilisation des forgerons et charrons va entraîner une grave pénurie de matériel. Comment dans ces conditions les paysannes restées à la ferme pouvaient-elles assurer le travail quotidien ?
« Partis pour Berlin la fleur au fusil » et dans le plus complet désordre, les paysans français furent rapidement victimes d’un des plus grands massacres du XXème siècle, siècle qui se révèlera particulièrement et atrocement riche en la matière. En 1918, après quatre ans de furieuses batailles et d’atroces boucheries, 3 millions de paysans sont mobilisés, soit 60% du recensement de 1910 et, quand le 11 novembre 1918, survint l’armistice, il y avait un million et demi de morts, dont presque 15 % de Bretons. Désirait-on se débarrasser des fils de chouans comme au camp de Conlie en 1871 ?

Et, à côté des tombes trop nombreuses et de ses monuments aux morts surchargés de noms, d’innombrables blessés et estropiés à vie. Comme l’écrivit Henri Servien dans sa Petite histoire de France : « On peut labourer les friches et reconstruire mais les pertes humaines sont irréparables. Toute une génération ardente et généreuse, une jeunesse d’élite était disparue. Elle ne fut pas remplacée et l’élan du pays fut brisé.»

Cette guerre engendrera une chute verticale de la production agricole dans deux domaines essentiels : les céréales et la viande. Conséquence : le gouvernement dut commencer des importations massives. Si l’on excepte les livraisons d’Afrique du Nord, le blé vient alors des Etats-Unis, du Canada et de l’Argentine. C’est la première intrusion massive des produits de l’agriculture américaine sur le continent, intrusion qui entraînera la crise de l’après-guerre.
Quand finit la guerre, le gouvernement français continua d’acheter des céréales américaines sans droits de douane. On peut s’interroger sur les raisons de cette politique aberrante et criminelle vis-à-vis des paysans français, dont les récoltes avaient à peu près retrouvé leur volume d’avant-guerre vers 1920-1921 !
Devant les problèmes dramatiques posés par la crise du blé et la dégradation du revenu des agriculteurs, la Société des Agriculteurs de France, suscita des organismes plus combatifs tels l’Union Nationale des Syndicats Agricoles (U.N.S.A.) inspirée par la doctrine sociale de l’Eglise et les idées de Le Play.
Face à la catastrophe, en 1934, se constitua le Front Paysan, formé de l’U.N.S.A., et ses sections spécialisées, le Parti Agraire de Fleurant Agricola et les Comités de Défense Paysanne, ces derniers créés et animés par un incomparable manieur de foules : Henri Dorgères, sympathisant de la cause royale sans en être un militant. Je vois encore, dans mes souvenirs Emile Honoré, de passage, en voiture chez moi en 2004, malgré son grand âge, pour visiter ses sympathisants de région, parisienne. Cet ancien proche de Dorgères, publiait sa petite gazette en Haute Savoie : « France Paysanne et Rurale » à laquelle je participais humblement, Quelle volonté il avait et quel exemple…

C’est avec la crise agricole provoquée par l’effondrement du prix du blé que Dorgères donna toute la mesure de sa pugnacité et c’est ainsi qu’il créa et anima le Front Paysan constitué comme nous l’avons dit des grandes composantes de la défense paysanne. Il prit pour symbole une gerbe de blé sur laquelle se croisaient une fourche et une faulx ; sa devise était : « croire, obéir, servir ».

Il écrivait dans son livre « Haut les fourches » : « la principale réalité dans la nation est le métier. Pour que le pays vive il faut que les Français aient un métier, or, de ce métier, le régime parlementaire, ne veut pas tenir compte, il est soumis aux caprices de la politique et aux ordres de la spéculation. »
25 ans après le début de la première guerre mondiale, la France s’apprêta à entrer dans une nouvelle guerre dans un état pire encore que celui qui était le sien en 1914. Car à l’impréparation matérielle, industrielle et militaire, s’ajouta un état de délabrement moral plus redoutable encore et ce sera un effondrement total, unique dans l’histoire de notre pays, conséquence des inconséquences de la IIIe République qu’avait si bien dénoncées l’historien royaliste Jacques Bainville.

Pour la cinquième fois en 150 ans un régime se réclamant de la révolution avait provoqué l’invasion de la France.
Le 16 juin 1940, le dernier gouvernement de la IIIème république fut formé avec, à sa tête, le Maréchal Pétain que la République est allée rechercher à Madrid où il était alors ambassadeur. Le 22 juin l’armistice est signé avec l’Allemagne, le 24 juin avec l’Italie, le 10 juillet l’Assemblée Nationale réunie à Vichy lui donne les pleins pouvoirs. Il lance alors une politique de redressement, qui paraissait s’appuyer sur l’agriculture et la paysannerie, reprenant la formule tracée par Emmanuel Berl, « La terre, elle, ne ment pas ». L’un des plus grands actes législatifs du gouvernement en faveur de la paysannerie, fut la création de la Corporation Paysanne par la loi du 2 décembre 1940, et cela malgré les réticences de la technocratie. Elle se veut tout simplement l’éclosion, la réalisation, d’idées plongeant leurs racines dans les vieilles traditions françaises du XIXème siècle, formulées principalement par Frédéric Le Play, vivifiées également par la doctrine sociale de l’Eglise formulée par le Pape Léon XIII qui s’est lui-même inspiré du trio : Le Play, La Tour du Pin et Albert de Mun. Cette corporation mena une existence difficile à la mesure des immenses difficultés qui accablaient la France à l’époque. Et puis, comment restaurer une économie sous un occupant, dont les exigences allaient en augmentant, dans une situation de guerre civile ? Sans oublier également l’absence d’un million et demi de prisonniers retenus en Allemagne, dont un grand nombre étaient agriculteurs, absence qui ne pouvait qu’affecter la production. la Corporation Paysanne fut plus souvent appelée à résoudre les problèmes de ravitaillement qu’à s’occuper de sa propre organisation et de son édification selon les schémas idéaux de ses promoteurs. Mais comment redonner la force à un pays dont le seul unificateur possible était absent ! On ne dira jamais assez qu’aucun représentant républicain, quel qu’il soit, de Paris à Vichy, ne pourra remplacer, en terre de France, celui dont le sang et la chaine des aïeux a forgé d’unité et pétrie de ses mains notre beau pays.


Après la guerre vint le triste épisode de l’épuration qui avait suivi l’heureuse et douloureuse libération du territoire. Bien évidemment la Corporation Paysanne fut supprimée, et ses responsables furent traqués et même tués pour la plupart…
Henri Dorgères, que nous avons déjà cité, fut arrêté en août 1944 et emprisonné jusqu’au 2 mars 1946 sans avoir été jugé !
La CGA (Confédération Générale de l’Agriculture) d’inspiration marxiste fut créée. Cette CGA laissera la place plus tard à la FNSEA, (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) syndicat agricole majoritaire fondé en 1946 et toujours en activité à ce jour. A l’origine, la FNSEA était un syndicat profitable pour les agriculteurs, car il semblait s’engager pour la défense d’une certaine agriculture traditionnelle sans être archaïque. D’ailleurs la grande majorité de ceux qui la composèrent étaient issues de la Corporation Paysanne. Mais plus tard, avec le président de transition Gérard de Caffarelli et ensuite Michel Debatisse devenu président en 1971, la FNSEA ne sera plus vraiment un syndicat de défense professionnelle (malgré les manifestations qu’elle organisera pour donner le change à la base) mais bien plutôt un appareil bureaucratique dictatorial au service de la politique agricole gouvernementale et de nouvelles féodalités agro-industrielles.

L’agriculture sous la IVè République :
Ayant échappé par miracle à une révolution de type bolchevik, la France, avec la IVème République, s’installe dans une médiocrité politique qui rappelle invinciblement les années de l’immédiat avant-guerre.
Le personnel dirigeant est d’ailleurs le même et l’on assiste à ce spectacle extraordinaire du retour en force des fossoyeurs de 1940 auréolés d’une « gloire » de résistants et de patriotes. Le déserteur Thorez est vice-président du conseil, ministre d’Etat, Léon Blum, dix ans après le Front Populaire, est chef du gouvernement et Vincent Auriol, le calamiteux ministre des Finances de 1936, est élu président de la république. Sans oublier le démissionnaire Paul Reynaud qui réussit à se faire élire député du nord, entre autre, dès 1946… Jamais l’imposture n’avait atteint un tel niveau de cynisme. La France continue sa lente agonie avec une ripoublique toujours aussi antisociale et largement corrompue, comme si de rien n’était !
La politique agricole de la IVè République, si elle est bien obligée de prendre en compte l’importance de l’agriculture comme source de ravitaillement d’un pays encore sous le coup de la pénurie, ne prend plus en considération la promotion de la paysannerie et, la suspectant de conservatisme et d’esprit réactionnaire, va s’employer à transformer ses structures – sous couvert de progrès techniques – et sa mentalité profonde, au nom du progrès et de la compétitivité. Ainsi s’amorce ce que le sociologue Henri Mendras appellera « la fin des paysans ».

La Vème République et l’agriculture bureaucratique
« Le problème paysan c’est comme celui des anciens combattants : tous les jours il en disparaît si bien que la question se règlera d’elle-même. » disait l’animateur radio de Londres. Avec un mépris considérable, il résumait de façon cynique mais exacte le processus qui allait détruire la société paysanne.
Elaboré à la demande de De Gaulle par le technocrate Louis Armand et le financier Jacques Rueff, le « plan Rueff-Armand » fut la « bible » à laquelle se référa constamment la Vè république. Or le but principal de ce « plan » était de chasser la majorité des paysans par la misère ou « l’envie » vers les villes et leurs usines qui recherchaient une main-d’oeuvre bon marché ! Emprisonner les autres dans le carcan du productivisme, les obligeant à courir indéfiniment après un revenu sans cesse en baisse en augmentant la production d’une façon forcenée, tel fut le programme agricole de la Vè république.
On a donc accumulé dans les banlieues des grandes villes des paysans volontairement déracinés côtoyant peu après les rapatriés, puis les immigrés qu’on faisait entrer volontairement pour maintenir les salaires à un taux bas dans une logique capitaliste libérale, au nom du productivisme forcené et des besoins artificiels d’une société de consommation de plus en plus envahissante.
Le 10 décembre 1968 M. Sicco Mansholt alors vice-président de la Commission européenne chargé de l’agriculture présenta son plan qui allait faire beaucoup de bruit à l’époque.
M. Mansholt, considérant que les progrès de l’agriculture étaient trop rapides et que l’on allait bientôt vers des excédents importants et incontrôlables, pensait qu’il fallait réduire la population agricole, restructurer les exploitations et réduire les surfaces consacrées à l’agriculture.


On ne peut que constater à ce jour les dégâts de la mise en pratique de ce plan : désertification des campagnes, mort de la vie rurale, destruction de l’environnement par la destruction des paysages et les pollutions terrestres comme fluviales, réduction drastique de la biodiversité végétale comme animale par la sélection et la conservation des espèces les plus « rentables », hypertrophie des villes et artificialisation des terres par la construction de lotissements sans âme ni racines. Concernant la population agricole, celle-ci a fondu comme neige au soleil conformément aux vœux de ce cher M. Mansholt.
Les dirigeants de la Vè république ont choisi l’élimination de la paysannerie française pour obéir au mot d’ordre mondialiste visant à déraciner et à détruire les nations et leurs particularités .

Et voilà où nous en sommes en ce début du XXIème siècle et l’abandon de l’agriculture traditionnelle, celle qui savait obéir à la nature pour mieux lui commander, ainsi que le démantèlement de la société paysanne, ont été la première étape, comme le premier maillon d’un tissu qui se défait irrésistiblement. Car les peuples qui ont duré sont ceux dont les paysans ont entretenu un sage équilibre du tapis végétal, enrichi l’humus et fortifié le sol nourricier avec le concours des animaux d’élevage. Ceux qui ont pratiqué une agriculture à taille humaine et adaptée aux milieux d’origine. Tous les autres ont disparu comme le montre l’exemple de la fin de l’empire romain, où la décadence morale coïncide avec l’abandon de l’agriculture…
Nous ne sommes pas rentrés dans les détails, expliquant de façon précise comment la République a réussi en un siècle, à détruire ce qui fut le terreau de notre civilisation durant des siècles. Ça serait bien trop long à énumérer et des livres détaillés sur ce sujet sont facilement disponibles. Nous pourrions parler de l’agriculture industrielle, des OGM, de la mainmise des trusts chimiques, du saccage des espèces animales comme végétales, la bureaucratisation, de ces agriculteurs poussés au désespoir et, parfois, au suicide, et bien d’autres choses encore…

De façon globale, ce qu’il faut retenir, c’est qu’en se transformant en exploitants agricoles dépendant des banques et de l’industrie, les paysans français se sont suicidés ou, plutôt, ont été suicidés par une République qui s’en est toujours méfié !
De tous les siècles qui se sont succédé depuis Clovis, le XXème siècle reste celui qui demeure le plus funeste pour la civilisation paysanne en France. Et c’est aussi le seul siècle qui, dans l’histoire de la France, n’aura connu que la république comme régime politique. Hasard nous diriez-vous ? Non ! L’un étant la conséquence de l’autre !
Les campagnes françaises sont aujourd’hui trop souvent délaissées, dévitalisées, comme asséchées par une République qui, fondamentalement, n’a jamais aimé le monde paysan, qualifiant, à l’instar de la bourgeoisie urbaine soutenant Jules Ferry, la campagne de « cambrousse ». Ce terme méprisant est issu du langage colonial, mais faisait, au moins le temps des élections, les yeux doux aux électeurs ruraux qu’il fallait arracher jadis au pouvoir du clergé et des notables monarchistes du XIXe siècle…
Mais ce qu’un gouvernement de décadence a détruit, un gouvernement de salut public de la patrie peut le refaire. On peut revenir sur les lois sociétales mortifères, on peut arrêter la décadence des mœurs et en appeler à l’esprit d’amour et de partage, on peut interrompre l’immigration massive et le déracinement ,etc. Pour cela il faudra, certes, un sursaut d’énergie nationale qui, avant tout, remettra en honneur la société paysanne. Cette terre qui ne ment pas quand on la respecte et, sur le plan agronomique s’inspirera des principes de l’agriculture biologique, c’est-à-dire renouera avec les traditions paysannes de toujours et les nécessités naturelles.

Agriculteurs ! Ne renoncez pas ! N’attendez rien des dirigeants de la Vè république ! Vous pourrez toujours faire des manifestations à Paris avec vos tracteurs, vous suicider, ou exprimer votre colère de diverses manières, vous n’aurez jamais que du mépris de la part d’un régime qui vit du déracinement et du néo-nomadisme contemporain baptisé « mondialisation » ! Depuis les Guerres de Vendée jusqu’à aujourd’hui, la logique républicaine a été, est et sera toujours de rejeter l’homme enraciné et libre et de se soumettre aux lobbies financiers, qui préférera toujours l’argent à la terre, qui vantera toujours la tricherie et la cupidité plutôt que le noble travail et la solidarité. Ce sont des technocrates, des énarques, des bureaucrates qui, de Bruxelles ou de Paris, réglementent votre vie professionnelle et vous assassinent de règlements absurdes . Autrement dit des incompétents notoires qui ne voient en vous que des esclaves au service de leurs intérêts et de ceux des multinationales de l’agroalimentaire ! Regardez donc leur réaction lorsqu’un député parle de « bon sens paysan » à l’Assemblée Nationale :

« Ne laissez pas tomber les campagnes », a lancé l’aîné des héritiers du milliardaire Serge Dassault. « Monsieur le Premier ministre, comptez-vous enfin écouter le bons sens paysan ? », a conclu  le président de Dassault communication, sous les rires d’une partie de l’Assemblée, y compris au sein du gouvernement et de la droite. « …vraiment je ne m’attendais pas à une telle chute. Je pense que votre conclusion restera, venant de vous, comme l’une de ces belles perles qui marquera à tout prix l’assemblée », lui a répondu amusé Manuel Vals alors Premier ministre, sous les rires et les applaudissements…

Sans commentaires…

Une monarchie au pouvoir décentralisé et aux multiples contre-pouvoirs locaux et socio-professionnels qui laisserait une grande part d’indépendance aux agriculteurs tout en leur donnant les moyens de leurs activités, serait un bon début de solution pour le redressement du monde agricole. Car qui d’autre que les agriculteurs eux-mêmes peuvent fixer les réglementations et énoncer les besoins nécessaires au bon développement du monde agricole, dans le respect de l’environnement qui reste leur meilleur allié et outil ? Il faut rendre à César ce qui appartient à César, il faut rendre aux paysans leur fierté et leurs moyens d’être et d’agir.
Une monarchie qui romprait avec les féodalités financières et l’esprit d’abandon, qui retrouverait le souffle et la pratique d’un Sully et valoriserait l’agriculture « à taille humaine » sans négliger les enjeux de l’économie, serait plus efficace que cette République aux abois qui ne sait que faire des agriculteurs si ce n’est de roucouler devant eux chaque année au salon de l’agriculture avant que de les trahir à Bruxelles !
Comme le disait l’ancien président des maires ruraux de France M. Yves de Hautecloque : « Ce ne sont pas 400 esclaves peinant comme des dingues pour produire à des prix de misère des millions d’œufs drogués et des centaines de milliers de poulets cartilagineux qui devraient se trouver là ! Mais quatre mille petit propriétaires exerçant en famille la polyculture traditionnelle, produisant au rythme de la nature grains, œufs, volailles, lait, etc. payés à leur vrai coût de revient, heureux, plaçant leurs économies et ne devant rien à personne. »

Et puis, l’avenir est dans l’extension de la vie communautaire, ce chemin perdu de nos relations sociales, ce dialogue direct entre celui qui produit et celui qui se nourrit. L’avenir est là, non dans ce monde vieilli des nourritures toxiques où l’agriculteur est un « cosmonaute » qui asperge ses champs de produits secrétant maladies et dégénérescences multiples. La « Libération » serait donc vers un retour à l’enseignement des pères, à une expérience multiséculaire des lois naturelles de l’agronomie, à l’association des producteurs d’un même métier, librement organisés, bref un nouveau pacte social dont le peuple à tellement besoin, renouant le respect et la confiance. En somme, le bon sens paysan, celui qui a fait, sous la bienveillante protection des rois, la France et ses paysages !

Notre jour viendra !

Extrait de « L’agriculture assassinée » de Jean-Clair Davesnes, commenté par Frédéric Winkler, P-P Blancher et Jean-Philippe Chauvin