A nos frères Irlandais

Vidéo traduite en anglais :

« Ils n’ont rien dans leur arsenal impérial tout entier qui puisse briser l’esprit d’un Irlandais si celui-ci ne veut pas être brisé. » (They have nothing in their whole imperial arsenal that can break the spirit of one Irishman who doesn’t want to be broken)… Bobby Sands

tiocfaidh_ar_la2

Société clanique issue de migrations d’Europe du Nord. Sa particularité essentielle restera dans cette culture celtique dominante pendant plus de 1000 ans. Des druides à St Patrick, la religion chrétienne transformera bon nombre de traditions païennes dont certaines perdurent encore aujourd’hui. Les clans donneront naissance à 4 royaumes, dont L’Ulster, encore Britannique… Les dures razzias et invasions Vikings marquèrent durement l’histoire de cette île. L’indépendance, fleur fragile arrivera en 1014 avec la victoire de Brian Boru à Clontarf. Dès le XIIe siècle, l’Angleterre entreprend la conquête de l’île, ainsi commence pour les Irlandais une longue souffrance, colonisation, violences, vols et confiscations des terres deviennent le lot quotidien sous Henri VIII. Déjà, sous Élisabeth Ière, il y eut trois soulèvements irlandais, la cruauté anglaise n’eut pas d’égal dans la répression et la moitié de la population d’Irlande disparut… Selon l’historien britannique Lecky, « ces guerres sont en réalité des guerres d’extermination. On massacre les Irlandais comme des bêtes féroces. Délibérément, systématiquement, on fait boucherie non seulement des hommes, mais encore des femmes et des enfants ».

En 1649 la révolte de l’Irlande excédée de l’occupation brutale est réprimée, le débarquement des « têtes rondes » de Cromwell laissa des souvenirs atroces de ce que l’on peut nommer « les manières anglaises »…Wexford, Drogheda, 3000 habitants sont massacrés, suivent les déportations vers l’ouest du pays : « To Connacht or to Hell », disait-il, là où « il n’y a pas assez d’eau pour noyer un homme, pas assez d’arbres pour le pendre, pas assez de terre pour l’enterrer ». Les terres du nord voient s’installer des colons pro-anglais, expulsant les natifs d’Irlande, ce que les termes modernes nomment « l’épuration ethnique »

Après la défaite de la Boyne en 1690, où s’étaient battus les Écossais, les Français et les Irlandais ensemble, Guillaume d’Orange dicta, au traité de Limerick, symbole de la duplicité anglaise, les conditions de la soumission. Ecoutons l’historien anglais Green : « L’histoire de l’Irlande, pendant les cinquante années qui avaient suivi sa conquête par Guillaume III, est un sujet de honte éternelle pour les Anglais ». Les massacres de femmes et d’enfants par les soudards de Guillaume III en Irlande sous l’œil complaisant du Parlement de Londres avaient laissés des traces dans l’esprit de ce peuple d’insoumis. Pour l’Irlandais, considéré comme un sous homme, pas de liberté et pas de propriété, comme disait Paul Del Pérugia : « Ici se présente, sous le visage de la haine, un des aspects inhumain, un sinistre retour en arrière dont la vérité demeure soigneusement passée sous silence…». Les persécutions anglaises successives au pays de Cuchulainn envoyèrent sur nos rives plus de 30.000 Irlandais auxquels s’ajouteront annuellement 40.000 autres durant le XVIIe siècle.


Dillon, Clare, Bulkeley, Lally, Berwick, Rooth, Fitz-James, constituèrent sous Louis XIV, les « Brigades Irlandaises » ou « les Oies sauvages » (Wild Geese/ Na Géanna Fiaine). Ils s’illustrèrent pendant un siècle pour le roi de France sur tous les champs de bataille. Bien des noms s’intégreront aux patronymes Français : Guerarty, Carroll, Hamilton, Kennedy, dont le descendant deviendra président des Etats Unis), Oharan, Plunkett et tant d’autres… Louis XIV fut tellement satisfait de leur courage qu’il releva leur solde. Dans le civile, ils s’intégrèrent facilement, physiciens à Montpellier, vignerons dans le Bordelais, ecclésiastiques, marchands dans les ports…

Patrick Sarsfield dont la vaillance n’avait pas d’égal, mourut à la bataille de Neerwinden, le 29 juillet 1693. Les catholiques irlandais seront dépossédés de leur terre par les confiscations britanniques, d’ailleurs jamais dans l’histoire, les anglais ne respecteront leur parole, demandez aux Amérindiens. Le code pénal en Irlande s’appelait le code du sang. L’intolérance, les persécutions et les massacres que durent subir les populations irlandaises, avaient exacerbé la haine de l’anglais. Il suffit de rappeler que le 22 juin 1728, un soldat catholique, pour avoir refusé d’assister à l’office protestant britannique, fut durant 2 jours fouetté à mort en suppliant qu’on l’achève…
Les « Stuart », héritiers légitimes, étaient remplacés par une couronne allemande venant du Hanovre, dont la sécurité était assurée par des régiments allemands, payés en livre sterling, avec la complicité du Parlement de Londres. Les familles des volontaires partis en France, subissaient des persécutions terribles faisant de cette Angleterre libérale, une terre de gibets et de terreur. Spoliation des terres, tortures, destructions, vols, viols, incendies, emplois publics sont interdits pour les Irlandais. Sans parler de la misère ouvrière née du mercantilisme, pendant que des soi-disant philosophes présentaient en France les institutions anglaises libérales, comme un exemple. Cette Révolution industrielle du capitalisme naissant, essaimera tel un virus, l’usure dans l’exploitation de l’homme. Ce dont nous souffrons encore aujourd’hui, contaminera la France de ses théories révolutionnaires que des philosophes dits « éclairés » se chargeront d’insuffler. C’est aussi l’époque où le peuple Anglais attendait de Louis XV, une salutaire libération par un débarquement.

A Fontenoy, Mai 1745, Louis XV, accompagné du Dauphin vit, après l’enfoncement des Gardes Françaises et malgré le mur inébranlable des régiments Suisses, la bataille prendre une mauvaise tournure …Les 16000 hommes de Cumberland menaçaient sérieusement la ligne française. Lally-Tollendal (Tulac-na-Dalla) avec ses 3800 irlandais donna l’ordre : « Allez à l’encontre des ennemis de France sans ouvrir le feu jusqu’à ce que vos baïonnettes touchent leur ventre ! ». Pour les Irlandais, plutôt que de tirer, l’arme blanche était préférée. Pendant que, sur ordre royal, La Maison du Roi chargeait, les Irlandais fondirent sur les britanniques aux sons des cornemuses, fifres et tambours en jouant l’hymne de Stuart « La cocarde blanche » et en hurlant « Cuimhnigi ar Luimneach agus ar feall na Sasanach » (Souvenez-vous de Limerick et de la perfidie des saxons). La situation se renversa et la victoire fut complète. Pour les récompenser, le roi remit l’étendard royal au régiment Dillon. Le sergent Wheelock du régiment de Bulkeley prit le drapeau du 2ème rég. des Gardes anglaises. Durant le siècle, 500 000 irlandais tomberont au service du Roi et l’expression « Remember Fontenoy » sera longtemps le cri de ralliement.
Rappelons que Louis XV se signala en Europe comme un prince humaniste, s’écriant « que le sang versé était avant tout le sang des hommes ». Il fit soigner tous les blessés sans distinction de camp. De nombreux volontaires britanniques, fuyant l’Angleterre hanovrienne furent aussi présents dans nos rangs, jusqu’à 11,7% dans le régiment irlandais de Clare. Une immense croix celtique fut apportée par les Irlandais en 1907, pour commémorer cette victoire Franco-Irlandaise. Elle porte comme inscription : «Limérick le 13 octobre 1691-Fontenoy le 11 mai 1745.A la mémoire des soldats de la Brigade Irlandaise qui, sur le champ de bataille de Fontenoy, se vengèrent de la violation du Traité de Limérick».

La Brigade irlandaise est aussi présente, sous Montcalm, en Amérique où, en septembre 1755, 3000 irlandais attaquent les 9000 anglais de W. Johnson. Elle participe en 1756 à la prise du fort d’Oswego, puis contribue à la terrible défaite anglaise du fort William Henry. Le 8 juillet 1758, c’est Ticonderoga (fort Carillon), autre cuisante défaite anglaise…Des déserteurs irlandais, enrôlés de force dans l’armée anglaise, rejoignirent nos troupes qui, à l’époque, n’étaient composées que de volontaires. Les Irlandais, aussi en uniforme rouge et particulièrement craints, seront repérés à la bataille de Québec, mais leur intervention tardive ne permit pas d’inverser l’issue de cette malheureuse défaite. Après la victoire de Lévis à Ste Foy, certains irlandais resteront en francisant leurs noms, afin d’éviter toute persécution et partageront les déboires des français sur le continent américain. Sous Louis XVI, la guerre d’indépendance américaine, verra partir en premier contre l’oppresseur anglais, les officiers du régiment de Dillon et de Walsh. Puis vint la Révolution, de nombreux irlandais rejoindront l’armée des Princes, par fidélité au Roi et pour fuir les persécutions. Le colonel Lord Rice, tenta même de sauver la reine. Le comte Arthur de Dillon, héros de la guerre d’indépendance américaine, mourra sur l’échafaud en avril 1794. C’est à un irlandais, l’abbé Edgeworth de Firmont, que revient l’honneur d’accompagner le roi Louis XVI à la mort en prononçant ces mots : « Fils de Saint Louis, montez au Ciel ! »

Dans son « Mr de Charette », de Villiers voit autour de ce général des Chouans et Vendéens royalistes, une présence Irlandaise : « Quelle est donc cette écuyère, à la longue tresse blonde, coiffée d’un feutre gris, qui porte à la ceinture, sous la cornemuse, un couteau de chasse, un pistolet et une flûte ? Elle tourne sur elle-même, au milieu de la ronde, et fait danser sa monture blanche qui frappe du sabot le plancher…
– C’est l’Irlandaise. La femme de l’officier… Portant un habit rouge à parements verts, il a de l’éducation …Il s’arrête de jouer pour me saluer :
– Mes respects, mon général. L ’Irlande vient à vous…
– Vous êtes irlandais ?
– Oui, je suis sous-lieutenant au régiment de Walsh. Je m’appelle William Bulkeley, j’appartiens à une vieille famille irlandaise passée au service de la France. »

De multiples tentatives de soulèvements égrainèrent l’histoire tumultueuse de ce peuple épris de libertés, comme en 1798, mais la répression anglaise est toujours terrible et impitoyable. L’acte d’union en sort, attachant totalement l’Irlande à l’Angleterre. La famine s’installe et l’émigration s’amplifie, cette fois vers l’Amérique. La fidélité à la France est gravé dans le temps. J’aime rappeler le passage, où de nombreux irlandais avec le leader indépendantiste Daniel O’Connell, député puis lord-maire à Dublin en 1841, proposèrent au Comte de Chambord : « Une brigade irlandaise au service d’Henri V pour reconquérir le trône de ses aïeux ». Tá an dílseacht eitseáilte i am agus is maith liom cuimhneamh ar an sliocht de na Líon na Chambord, i gcás go leor Gaeilge le neamhspleáchas ceannaire Daniel O’Connell (MP agus Ard-Mhéara, Baile Átha Cliath 1841) beartaithe chun an Prionsa: « An briogáide na hÉireann Henry V seirbhíse agus faigh ar ais an ríchathaoir a sinsear « . I mbeagán focal ár dtiomantas d’Éirinn, mar atá in Albain, is é cairdiúil agus stairiúla. Ar amhrán maith leis an comhbhrón na ár deartháireacha Gaeilge, cad eile a rá go beidh orainn a bheith ar ais … Bref notre attachement à l’Irlande, comme à l’Écosse, est sympathique et historique. D’une bonne chanson à la sympathie de nos frères Irlandais, que dire d’autre que nous reviendrons…

En 1905 le Sinn Féin est créé et la résistance Irlandaise résonne aux noms de James Connolly et De Valera. En 1916 c’est l’insurrection de Pâques à Dublin, proclamant la République au nom de Dieu et des générations disparues. Défaite et répression mais les Irlandais ont l’habitude. Ils remportent les élections de 1918 et proclament l’indépendance. Les Anglais réagissent et une guerre d’usure démarre durant 3 ans. Le 6 décembre 1921, ce sera le Traité de Londres où l’Eire obtiendra un début d’indépendance, amputé d’un bout de l’Ulster occupé par les colons britanniques implantés depuis le XVIIe siècle. Une guerre civile suivit qui dura jusqu’en 1923 opposant les indépendantistes aux partisans du traité. De 1968 à 1998, le conflit reprit au nord de l’Irlande sur le principe de l’égalité des droits car au sein de l’Europe, l’Irlande du nord subissait en 1968, une situation d’apartheid. Les catholiques, citoyens de seconde zone pour le travail, pour le logement, comme les noirs aux Etats-Unis de l’époque ne pouvant pas voter car ce droit était réservé aux détenteurs des moyens de production,.
Il faut noter aussi les multiples provocations protestantes britanniques qui chaque année, traversent les quartiers catholiques, afin de fêter la victoire de la Boyne sur les armées Franco-Irlando-Ecossaises coalisés, chaque début juillet…

Les affrontements violents se multiplient à Derry. Les habitants fuient Belfast dont les maisons sont incendiées par les policiers (Ardoyne, 1969). Un dimanche 30 janvier 1972, ce sera les commandos parachutistes qui tireront sur la foule pacifique et non armée. Cet événement restera dans l’histoire comme le « Bloody Sunday ». Pour les catholiques, ce n’était plus qu’une question de survie face aux protestants et anglais, policiers et militaires confondus. Ils s’arment et l’IRA, Oglaigh na Heireann en gaëlique, organise l’armée populaire en guérilla dans une volonté d’indépendance dans la réunification de l’Irlande. L’IRA est le symbole de cette lutte, contre les paramilitaires unionistes protestants, les forces de police ou RUC. L’armée Britannique est présente pour défendre les intérêts de ces alliés, les funestes « Black and Tans » sortes d’anciens militaires « barbouzes » agissant sans foi ni loi sur la population civile pour l’intimider.

Le 5 mai 1981 mourait Robert Gerard Sands dit Bobby SANDS âgé de 27 ans. Il fut très vite, comme les jeunes de sa communauté, en confrontation avec la communauté protestante britannique. La pression et l’injustice de l’occupant est telle que les Irlandais n’ont pas d’autre choix que de résister pour survivre…
Il est en prison d’octobre 1972 à 1976, pour possession d’armes à feu et soupçonné de servir de « planques » pour les militants catholiques. En 1977 il retourne en prison pour la même inculpation, après l’attentat du « Belmoral Furniture Company » et échanges de coups de feu avec la Police. Faute de preuves, il ne sera pas accusé de l’attentat mais écope de 14 ans de prisons pour possession d’une arme à feu. Il retourne à « Long Kesh », fameuse prison dont les bâtiments forment des H vue du ciel.

Margaret Thatcher modifie les conditions des prisonniers de l’IRA, le 1er mars 1976, qui, de condition de prisonniers politiques passent à celle de criminels de droit commun. C’est le début de protestations sans fins de la part des détenus. De leurs vêtements personnels, ils passent à l’uniforme qu’ils refusent. Ils sont 300 à rester nus dans leur couverture, on nommera l’attitude « Blanket protest » et cela jusqu’en 1978. Les conditions de détentions sont effroyables, coups, passages à tabac, tortures, vexations et provocations, mauvais traitements…Les prisonniers étalent leurs excréments sur les murs et les autorités durcissent la répression…Les Irlandais sont tenaces et tiennent 5 ans malgré la cruauté des gardiens, les sévices répétés, tabassages en règle et nourriture avariée. Les prisonniers vivent dans le froid, à même le sol glacé. Bobby Sands devient le commandant des prisonniers de l’IRA et entame le 1er mars 1981, une autre grève de la faim. Les Irlandais profitent du décès d’un député, en avril, pour faire élire Bobby Sands, ceci avec de fortes retombées médiatiques.

Margaret Thatcher déclara : « Nous ne sommes pas prêts à accorder un statut spécial catégoriel pour certains groupes de gens accomplissant des peines à raison de leurs crimes. Un crime est un crime et seulement un crime, ce n’est pas politique. ». Il serait bon de demander à tous les enfants victimes des balles perdues anglaises, ce qu’ils en pensent…Les lois sont changés pour empêcher ce type d’élection. Après 66 jours, de souffrance christique, seule arme possible contre la « Dame de fer », Bobby Sands s’éteint et avec lui le musicien, le poète, l’écrivain, dans sa prison, entre ses mains, le petit crucifix envoyé par le pape. Il écrivait : « Je ne suis qu’un gars de la classe ouvrière, du ghetto nationaliste, mais c’est la répression qui crée l’esprit révolutionnaire de liberté. Je ne cesserai mon combat que lorsque j’aurai achevé la libération de mon pays… ». Cent mille personnes accompagneront son cercueil et 9 autres Irlandais suivront la même destinée. « Notre revanche sera le rire de nos enfants », disait-il. (Beidh ár díoltas an gháire ar ár bpáistí… our revenge will be the laughter of our children).

Plusieurs négociations et discussions verront le jour pour arriver aujourd’hui au calme que nous connaissons.. Vive l’Irlande libre, vive l’alliance franco-irlandaise…

Tiocfaidh àr là – Notre Jour viendra

F. Winkler

Laisser un commentaire