La Monarchie

La Monarchie, arbitrale et non arbitraire.

Si la Monarchie royale se veut arbitrale, elle ne se fait pas arbitraire : sous l’Ancien Régime, elle se doit de respecter les lois fondamentales du royaume, sorte de constitution coutumière qui encadre l’exercice du pouvoir, mais aussi les multiples lois particulières qui « hérissent la France de libertés ».

L’intérêt de la Nouvelle Monarchie, une fois instaurée, serait de permettre de desserrer l’étau d’acier de la centralisation toujours effective sans être, pourtant, efficace pour garantir la pérennité et la force du pays. Il n’est pas certain que cela soit facile à faire, car l’État républicain, par sa centralisation et son assistanat organisé et coûteux, a asservi les citoyens-contribuables à « tout » (ou presque) attendre de lui, des services publics au pouvoir d’achat : un assistanat qui n’est pas l’assistance mais une forme de déresponsabilisation des citoyens et de forte dépendance à l’argent versé plutôt qu’aux moyens de le gagner.

La grande faute de la République qui s’est voulue « Providence » est d’avoir enfermé les Français dans une prison dorée, confortable sans doute mais destructrice des libertés concrètes de ce que Charles Maurras, « le plus ancien fédéraliste de France », nommait le pays réel.


Macron, ce n’est pas un roi !

La Cinquième République n’est pas la Monarchie et le président n’est pas le roi, comme l’a signalé avec justesse le philosophe Marcel Gauchet il y a quelques années : « Mais [Macron] s’est trompé sur ce que l’on attendait d’un roi. Un roi, ce n’est pas un manager, pas un patron de start-up qui secoue ses employés pour qu’ils travaillent dix-huit heures par jour pour que les Français, par effet d’entraînement, deviennent tous milliardaires ! Dans la tradition française, un roi, c’est un arbitre. Quelqu’un qui est là pour contraindre les gouvernants à écouter les gouvernés. Quand les gens accusent Macron d’être le président des riches, ils lui reprochent surtout de ne pas être l’arbitre entre les riches et les pauvres. (1) » En quelques lignes, le philosophe fait litière de la confusion savamment entretenue par certains doctrinaires d’une Gauche qui se veut républicaine façon Révolution française pour éviter de se pencher sur les limites de leur modèle idéologique, souvent plus idéalement fantasmé que réellement convaincant, au regard de l’histoire comme de la promesse du lendemain…

Dans le même temps, Marcel Gauchet peut nous permettre de préciser ce qu’il ébauche de la nature et de la forme de la Monarchie royale en France, qui ne peut être confondue avec la « monocratie » (2), qui est sans doute un terme plus exact pour définir la Cinquième République fondée par le général de Gaulle. Quand la monocratie est le pouvoir d’un seul sans contre-pouvoirs effectifs et efficaces, nous sommes bien loin d’une Monarchie royale à la française où le pouvoir central ne peut s’émanciper complètement des pouvoirs locaux (provinciaux et communaux) ou sociaux (socioprofessionnels, corporatifs et syndicaux, entre autres). En Monarchie, le pouvoir royal « ordonne » l’ensemble, il n’intervient pas forcément dans le fonctionnement et les décisions des organes et des corps intermédiaires : il est, d’abord, un arbitre, et il laisse « jouer les ordres et libertés » selon le principe de subsidiarité, rappelé régulièrement par Maurras, reprenant la vieille formule héritée des légistes médiévaux, « Sous le Roi, les Républiques » : ce qu’il faut bien entendre ici, ce n’est pas un rapport de soumission des républiques locales, professionnelles ou universitaires à l’État central, mais le fait qu’elles se trouvent à l’abri de l’État royal, leurs libertés étant garanties par cet État qui les surplombe sans les plomber. Tout l’inverse de cette République qui, en se disant aujourd’hui inclusive, se fait de plus en plus intrusive, au risque d’étouffer toute initiative libre ou non-conforme aux dogmes de l’idéologie dominante.






Notes : (1) : Marcel Gauchet (Entretien à Le Soir du 25 décembre 2018).

(2) : La monocratie, qui vient du grec monos (le seul) et kratein (l’emporter sur, dominer), c’est le pouvoir, la domination sans partage d’un seul, sans contre-pouvoirs (au contraire de la tradition monarchique française et de ses lois fondamentales) et sans légitimité autre que celle de Créon…

La belle France de Jadis

Voici le dernier livre sortie de Frédéric Poretti sur la belle France de Jadis ! Disponible dès maintenant dans la biliothèque du GAR :

Voici une étude approchant la vie de nos ancêtres durant l’Ancien Régime. Il est indispensable de comprendre son histoire pour être en mesure de bâtir un avenir solide. Ce passé est continuellement falsifié ou mal enseigné par un système ayant beaucoup promis et qui, finalement, est bien usé. Vous comprendrez comment vivaient vos ancêtres, combien ils étaient dignes. Vous verrez que loin de vivre l’enfer, malgré les fléaux naturels vécus, leur quotidien était rhythmé par le respect des traditions et des coutumes héritées des ancêtres. Ceux-ci étaient conscients des lois de la vie empêchant bon nombre de conflits interminables qui sont notre lot quotidien. Une certaine démocratie existait et les votes étaient nombreux. La femme avait son mot à dire comme participait, loin des clichés d’aujourd’hui. Même si tout est relatif et non idyllique, il reste un enseignement à extraire, une réflexion, une voie. À travers ces lignes, vous comprendrez pourquoi ceux qui prétendent nous gouverner ont intérêt à obscurcir le passé de nos ancêtres, car la comparaison pourrait être cruelle. Il faut toujours se reporter aux textes, aux faits, aux actes notariés, aux accords, édits et contrats. La quête de la vérité à travers l’analyse des faits permet d’éviter les fantasmes, les mensonges et les excès idéologiques, ouvrant ainsi la voie à une vision plus claire de notre histoire.
Notre jour viendra !

La république monocratique dessert la France.

La rentrée politique s’annonce compliquée, et la difficulté à trouver un titulaire pour le poste de Premier ministre n’augure rien de bon pour la suite qui, par principe en somme, ne satisfera pas grand-monde : la Gauche regroupée sous la marque « Nouveau Front Populaire » semble déjà hors-jeu, condamnée à jouer la carte de la rue pour peser encore ou, tout simplement, se faire entendre ; la Droite nationale, elle, pourra utiliser la menace de la censure (ou, au contraire, de sa non-censure, encore plus stressante pour ses adversaires…) pour continuer à exister parlementairement parlant ; les Républicains modérés, prisonniers de leurs contradictions et de leurs doutes, hésitent à franchir le pas de Matignon malgré les dénégations de leur chef de file Laurent Wauquiez… Les socialistes se divisent aussi, écartelés entre la radicalité robespierriste de Mélenchon, leur plus fidèle ennemi, et la modération radicale de Cazeneuve, l’éternel pince-sans-rire de la République…

Mais le désordre est aussi au sein du gouvernement en sursis dont l’actuelle ministre de l’éducation nationale remet en cause les aménagements de son prédécesseur devenu Premier ministre de plein exercice avant que d’être démissionnaire par la force des choses et la volonté présidentielle… Cela ajoute à l’impression désagréable de chaos institutionnel du moment ! Décidément, la Cinquième République ressemble de plus en plus à la Quatrième, au risque de finir comme elle, le discrédit pouvant bientôt mener à une agonie douloureuse si l’on n’y prend garde…

Ce qui est certain, c’est que la monocratie républicaine montre là toute sa différence d’avec une Monarchie royale : cette première, née en 1958, n’est que le pouvoir d’un homme élu, c’est-à-dire le résultat d’une soustraction (100 % des électeurs moins le nombre de suffrages exprimés pour ses adversaires si l’on ne compte que les suffrages exprimés…) quand le souverain royal ne compte pas ses soutiens et ses oppositions, mais incarne l’intégralité de la nation et de son corps électoral, au-delà de sa diversité et de ses querelles. Si le président Macron n’est pas suivi et si critiqué, c’est justement de par sa légitimité électorale, légalité certaine mais à laquelle il manque un enracinement dans le temps que peut représenter une dynastie dont le représentant du moment est un successeur tout comme un prédécesseur : la formule « le roi est mort… vive le roi ! » acte cet enracinement et cette continuité, mais aussi l’indépendance à l’égard des féodalités politiciennes qu’elle permet idéalement (la réalité étant néanmoins parfois plus complexe, sans remettre en cause le principe initial de cette liberté de parole et d’action autorisée au monarque), et qui autorise un choix du Premier ministre (par exemple) qui ne remet pas en cause la légitimité de la magistrature suprême de l’Etat, ni ne menace la pérennité de celle-ci.

La Cinquième République pensait avoir résolu la question institutionnelle en instaurant le scrutin uninominal à deux tours pour les élections législatives pour avoir des majorités parlementaires indiscutables et l’élection du président de la République au suffrage universel pour permettre un rapport direct entre le peuple (ici, le corps électoral français) et le Chef de l’Etat, et lui assurer une crédibilité incontestable (au moins sur le plan de la légitimité démocratique) : visiblement cette formule ne fonctionne plus… « Le charme est rompu », disait un constitutionnaliste il y a quelques années, et le psychodrame de la nomination d’un nouveau Premier ministre sans majorité parlementaire (un schéma que l’on pensait impossible sous la Cinquième…) le confirme chaque jour un peu plus. Bien sûr, le Président reste, malgré tout, le maître (contesté) du jeu, mais sa pratique machiavélienne de la Constitution l’a abimée et a gravement déconsidérée la fonction suprême de l’Etat, au risque de fragiliser la puissance politique face aux féodalités financières et économiques. Que le dirigeant du MEDEF veuille fonder une sorte de « Front économique » (qui ressemble plutôt à un simple front patronal, ce qui en atténue la portée et la possible crédibilité) en dit long sur le désordre institutionnel présent et (la nature ayant horreur du vide) sur cette volonté de l’Economique de s’imposer au Politique, au détriment, le plus souvent, du Social… Il est bon de rappeler que le Politique, bien au contraire, doit s’imposer à l’Economique pour éviter des injustices sociales que l’Economique, trop souvent, engendre quand il est laissé à lui-même ! Cela n’enlève rien évidemment à la nécessité de soutenir les activités économiques de notre pays pour dégager assez de moyens financiers pour pouvoir pratiquer une politique sociale digne de ce nom. Là encore, respectons l’ordre des choses pour les rendre plus efficaces : or, il semble que cet ordre soit bien oublié par ceux qui se targuent de vouloir gouverner le pays… Décidément, la République n’est pas le bon ordre ; en fait, elle n’est pas l’ordre du tout, juste un désordre établi…


La République fragilisée…

Les résultats des élections européennes ne sont pas vraiment une surprise, au contraire de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée et annoncée au beau milieu d’une soirée électorale jusque-là aussi ennuyeuse que d’habitude : tout d’un coup, l’on basculait de l’évocation et valorisation (pour certains, peu nombreux en fait) d’un bilan à une entrée en campagne, cette fois pour les élections législatives. Par cette décision pour le moins inattendue, M. Macron espère rejouer les lendemains de Mai 68, mais n’est pas de Gaulle qui veut, et il n’est pas certain que le réflexe des électeurs de juin 68, scandalisés ou apeurés par les émeutes et l’apparent triomphe des extrémistes, puisse être le même. Certes, la crainte de l’arrivée du Rassemblement National au pouvoir peut mobiliser nombre de citoyens jusque-là discrets ou absents des dernières consultations électorales, et lui barrer la route de Matignon, et il n’est pas interdit de penser, à trois semaines du premier tour, que c’est le scénario le plus plausible sinon le plus probable. D’autant plus que certains électeurs du RN, plus occasionnels (1) que fidèles, sont eux-mêmes effrayés de cette possibilité d’un Premier ministre issu des rangs de l’ancien Front National, un peu comme ces communistes qui, à l’heure de gloire du PCF, avouaient dans les sondages ne pas souhaiter l’installation d’un régime collectiviste en France (2)…

La période qui s’ouvre n’est pas rassurante, quels que soient les résultats du 30 juin et du 7 juillet : il semble bien que la Cinquième République, minée de l’intérieur par les multiples révisions constitutionnelles et par l’exercice incertain de ses derniers présidents (particulièrement des trois derniers) ainsi que par l’épuisement ou la fin des grands partis qui structuraient l’offre politique et récupéraient les inquiétudes autant qu’ils apprivoisaient les alternances, soit durablement fragilisée et qu’elle ne s’impose plus aussi naturellement dans l’esprit de nos concitoyens, sans qu’ils sachent vraiment par quoi la remplacer ou que cette dernière option leur paraisse, en définitive, peu souhaitable. L’habitude a remplacé l’adhésion…

Nous vivons, sans doute, l’entrée dans une crise de régime sans qu’elle soit forcément l’agonie de celui-ci. C’est, paradoxalement, l’actuel locataire de Mme de Pompadour qui avait saisi en quelques mots (et bien avant de penser même devenir, un jour, le premier magistrat de l’Etat) la contradiction interne de cette République : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude car elle ne se suffit pas à elle-même. Dans la politique française, l’absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là. On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie ne remplit pas l’espace. (3) » La situation présente confirme, fortement, gravement même, le propos.

Ainsi, la campagne électorale qui débute s’annonce violente, sans doute irrationnelle, parce que l’ancien pays légal, dominant depuis des décennies, se retrouve menacé, sur son terrain et dans ses positions, par le nouveau, ou par ceux qui aspirent à l’incarner à leur tour : en fait, les uns comme les autres ne cherchent pas exactement à bouleverser l’ordre des choses, ce « désordre établi » déjà dénoncé par Emmanuel Mounier dans les années 1930, mais à le diriger ou l’orienter (ou, plutôt, le réorienter). Il n’est pas certain que cela soit vraiment satisfaisant, ou simplement suffisant…


(à suivre)



Notes :

(1) : C’est le fameux « vote protestataire » qui est plus un vote « contre » qu’un vote positif de proposition.

(2) : J’ai le souvenir d’un sondage de la fin des années 1970 dans lequel la proportion d’électeurs communistes désireux d’un Etat proprement communiste ne dépassait pas la moitié des sondés ! Le vote communiste était plus un « vote de pression » qu’un « vote de révolution » : mais cela leur paraissait suffisant pour améliorer leur situation d’ouvriers ou de fonctionnaires sans avoir besoin de prendre le risque d’un basculement dans une société qui, au-delà du Rideau de fer, montrait ses limites et n’était guère attractive pour des Français bercés par la société de consommation et des loisirs. Le royaliste Pierre Debray résumait cela en évoquant « la victoire de Ford sur Marx », et ce n’était pas faux !

(3) : Entretien avec Emmanuel Macron, publié par Le1, en juillet 2015.



Deux siècles d’histoire sociale à la lumière des monarchistes :

Deux siècles d’histoire sociale à la lumière des monarchistes.Olivier Pichon reçoit le professeur d’Histoire Jean-Philippe Chauvin (membre du Groupe d’Action Royaliste) afin d’étudier la dimension sociale de la monarchie française, antithèse de la République libérale d’aujourd’hui.Entretien à retrouver sur TVL

Le Roi, pour quoi faire ?

Le royalisme a un message original qui ne cherche pas à promettre mais à fonder, à refonder même, un pacte civique autour d’un État arbitral, fédéral et éminemment politique. Il ne s’agit pas de prendre une revanche sur une République qui, au cours de son histoire, a pu s’incarner en des personnalités fort différentes, d’un Danton corrompu à un de Gaulle détestant l’Argent, et en des idées parfois très antagonistes, de la Terreur liberticide à un conservatisme opportuniste plus prudent, de la Gauche socialiste (ou prétendue telle…) à une Droite libérale-libertaire, etc. mais de créer, d’instaurer un « autre État ».

S’il s’agit bien de remplacer la République, il n’est pas question de faire une chasse aux sorcières qui nous renverrait aux années Valls ou Castaner et à leurs limitations légales de libertés « au nom de la République » ! La Monarchie n’est pas une « contre-République » car elle ne se définit pas, d’abord, par la négation mais par la fondation et l’affirmation : elle n’aurait d’ailleurs aucun souci à utiliser les compétences de tel ou tel ministre de la République trépassée, ne lui demandant pas un passeport idéologique mais une pratique économique ou politique au service de la France.

S’il y avait un roi, pour ce qui est de la crise actuelle de confiance envers l’État, il ne se comporterait ni en magicien ni en charlatan, mais en réaliste et en « imaginatif » : pas de « sceptre magique » mais, parfois, des solutions simples et « de proximité » en exploitant les possibilités d’un véritable aménagement du territoire (vivier d’emplois encore sous-utilisé, par exemple), rendu possible par l’existence de ce fédérateur-né, statutaire, qu’est le roi. Une grande politique d’État, politique royale, impulserait cette réforme territoriale que la République, encore plus bloquante que bloquée, n’ose pas faire, de peur de déplaire aux féodalités locales qui la tiennent.
 
Là encore, le roi n’a pas toutes les solutions mais sa présence en permet plusieurs à la fois, puisqu’il symbolise l’unité du pays, assez fortement pour permettre toutes les initiatives provinciales, locales, nationales possibles : on retrouve là la notion de « levier monarchique » rendu possible par l’indépendance du roi, « né roi » donc libre des jeux électoraux et des pressions patronales ou syndicales

L’ordre, mais quel ordre ?

Dans son intervention télévisée de lundi dernier, le président Macron a évoqué les soucis actuels, comme le rappelle Rémi Godeau dans les colonnes du quotidien L’Opinion, mardi 25 juillet : « Interrogé lundi sur les leçons qu’il tirait des émeutes urbaines, Emmanuel Macron ne s’est pas perdu en explications sociologiques et a répondu d’un seul mot, répété trois fois : l’ordre. Pour atténuer les accents autoritaires de l’injonction, il a précisé : « Notre pays a besoin d’un retour de l’autorité. » ». En somme, il n’a fait que reprendre le sentiment profond et le vocabulaire de ce que l’on peut nommer, sans emphase et sans risque de malentendu le pays réel, ce pays qui n’est pas celui des officines politiques ni des grandes entreprises mondialisées, des groupes idéologiques ni des replis communautaristes ; ce pays réel qui est celui des Français enracinés ou intégrés, travaillant, vivant et aimant en France, dans une pluralité qui se reconnaît une unité supérieure, ce « plus vaste des cercles communautaires qui soient (au temporel) solides et complets) » qu’est la nation, « famille des familles » et cité historique…

« L’ordre, mais quel ordre ? », interrogeait Gérard Leclerc dans l’un des premiers numéros de la Nouvelle Action Française, au printemps 1971 : la question reste toujours actuelle et, surtout, fondamentale. Ce que confirme le criminologue Alain Bauer dans Marianne (20-26 juillet 2023) en rappelant que tout ordre n’est pas forcément bon, et qu’il y a peu, parfois, de l’ordre à sa caricature, déformation profonde de son sens exact : « Le principe de réalité gagne toujours (…). L’ordre aussi. Mais pas n’importe lequel. Ordre criminel, ordre autoritaire, ordre républicain. Il y aura une puissante réaction citoyenne contre la dégradation des conditions de sécurité. Mais nul ne sait encore quel ordre s’imposera. » Déjà, dans nombre de lieux dits de « non-droit », ce sont les clans de trafiquants de drogue qui semblent fixer les nouveaux cadres de « leur » ordre, allant jusqu’à organiser des activités ludiques pour les populations de « leur » territoire quand, dans le même temps, ils structurent véritablement l’écosystème économique et social du lieu concerné, à leur indigne profit. Quant à la tentation de l’autoritarisme, elle répond surtout à un sentiment d’abandon des populations par les élites protégées dans leurs centres-villes. Reste ce que M. Bauer nomme « l’ordre républicain » qu’il conviendrait de renommer l’ordre civique, ce qui serait plus juste et moins ambigu, d’autant plus que, à bien y regarder, c’est bien la République elle-même qui est la principale cause du désordre et de l’insécurité actuelles, par sa démagogie et son inconstance. Un Etat dont la magistrature suprême est régulièrement l’objet de disputes d’ambitieux pour en prendre le contrôle quinquennal peut-il incarner durablement, civiquement et humainement l’ordre nécessaire et juste ?

« L’ordre est la marque de la civilisation, la preuve manifeste que les individus ont soumis leurs passions aux mesures de la raison et qu’entre eux règne la concorde qui seule fonde le bonheur des cités. Il est donc un bien suprême. A sa qualité se juge le degré d’humanité d’une époque ou d’un peuple. » (1) Or, pour que cet ordre soit, encore faut-il un Pouvoir politique qui le permette, le garantisse et le pérennise, même si l’ordre ne peut évidemment pas se réduire à la seule dimension politique : puisque la République n’y parvient plus, ou pas autrement que par le déni (le meilleur moyen de ne rien résoudre du tout, en fait, tout en en donnant l’impression ou, plus exactement, l’illusion) ou par une violence d’Etat maladroite et, surtout, démesurée (comme au moment du soulèvement automnal des Gilets Jaunes en 2018, entre autres), sans doute est-il temps, à nouveau, de reposer la question institutionnelle. Arnaud Dandieu, jeune non-conformiste des années 1930, avait inauguré une formule que nombre de ses contemporains et successeurs allaient aussi faire leur : « Quand l’ordre n’est plus dans l’ordre, il est dans la révolution ». Encore faut-il que cette révolution, elle aussi, ne soit pas la caricature sanglante du retournement, de ce basculement nécessaire vers « autre chose que ce qui domine présentement », et qu’elle soit cette instauration d’un ordre qui, pour notre pays, ne peut être que politique d’abord et évidemment éminemment français. Plus encore qu’une révolution royaliste (qui peut être un passage sans être une obligation), c’est d’une révolution royale dont la France a besoin… Car c’est aussi par le « haut » que peut se faire la révolution politique qui vise à concilier, par la claire définition de l’Etat central et de ses attributions comme de ses limites, l’ordre et les libertés : l’ordre sans lequel les libertés sont impuissantes ; les libertés sans lesquelles l’ordre est indigne.

Jean-Philippe Chauvin





Notes : (1) : Gérard Leclerc, dans la Nouvelle Action Française, numéro 3, avril 1971.