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Contre la République antisociale, de Thiers à Macron !

La République de M. Macron est celle qui a, depuis si longtemps, de Thiers à aujourd’hui, méprisé la question sociale et les territoires ruraux et provinciaux, et cela au profit des féodalités financières et des métropoles mondialisées.

Nous, en tant que royalistes sociaux, ne pouvons décemment pas soutenir cette République qui a fait tant de mal à notre pays, à nos paysans, à nos ouvriers. C’est par amour de la France que nous nous méfions de la République et que nous la combattons, non par nihilisme mais par royalisme constructif et passionné.

Quel que soit le résultat du dimanche 24 avril, nous ne ferons nullement crédit à la République. Sans haine pour M. Macron, mais par détestation de ce qu’il représente et promeut, nous travaillons à un nouveau régime, à une nouvelle Monarchie royale dans laquelle la question sociale et la question territoriale, sans oublier le souci environnemental, ne seront pas négligés.

(illustration : image trouvée sur la toile)

La Monarchie royale plutôt que la République monocratique.

L’échec de la Cinquième République, une monarchie inachevée ?


Par l’œuvre de ses fondateurs et en particulier du général de Gaulle, son véritable inspirateur et directeur, la Ve République pensait avoir résolu le problème des institutions en “monarchisant” la République (hommage du vice à la vertu, diraient certains…) mais c’était une monarchie incomplète qui, en fait, semble plutôt avoir été, du temps du général De Gaulle, une forme française de “monocratie” (le pouvoir d’un homme seul quand la Monarchie est celui d’un homme « fils et père » inscrit dans une longue suite dynastique), avec des aspects capétiens indéniables comme l’indépendance affirmée du Chef de l’Etat et la relégation du Parlement à un rôle secondaire, mais aussi la réaffirmation de l’indépendance nationale et une diplomatie de grandeur. Cette « monarchie inachevée » est aujourd’hui largement remise en cause par les diverses réformes constitutionnelles de ces dernières années, mais aussi par les diverses cohabitations qui se sont succédé depuis 1986 (trois en quinze ans, peut-être une quatrième cette année, en juin 2022 ?).

De plus, chaque élection présidentielle est l’occasion de féroces bagarres pour la conquête du « trône élyséen », et cela abîme la fonction de magistrature suprême de l’Etat ainsi que sa légitimité, toujours contestée par le camp des perdants. L’actuelle campagne, aujourd’hui néanmoins largement « évacuée » par les crises sanitaire et géopolitique, ne le prouve que trop, et le résultat en semble, en plus, connu et envisagé bien avant le vote lui-même ! En tout cas, de la posture monarchique des débuts ne subsiste que le souvenir de l’autorité légitime qui, aujourd’hui, se mue trop souvent en autoritarisme… Cette République n’est pas la Monarchie !

Aussi, quand nous évoquons la “Monarchie nécessaire” nous la définissons d’abord comme un pouvoir “héréditaire” ou, plus justement, successible, résumé par la formule traditionnelle « Le roi est mort, vive le Roi » qui marque l’accession d’un nouveau souverain sur le trône laissé, quelques minutes à peine, inoccupé mais jamais abandonné ni livré aux querelles d’ego ou de candidatures politiciennes, voire financières (au regard des financements des candidats présidentiels en France).

Comme le souligne l’historien Daniel de Montplaisir dans un ouvrage des années 2000 intitulé La Monarchie : « au regard de l’institution royale, l’hérédité constitue le mode normal d’accession au trône mais non au sens d’héritage patrimonial. Certains légistes considéraient que la Couronne n’était pas vraiment héréditaire mais plutôt statutaire. Car l’héritier la recueille selon la loi et ne peut en disposer à sa guise ». Il la recueille sans avoir à flatter les puissants ni s’abaisser à la démagogie, simplement par le statut même de la Couronne qui, bien des années avant le décès du roi en place, annonce le roi à venir… La continuité ainsi est garantie, sans le risque du vide ou du « trop-plein » que, de son temps, le général de Gaulle avait annoncé à propos des appétits pour le Pouvoir des candidats à sa succession…

La Monarchie royale plutôt que la République McKinsey.

Sur une pancarte aperçue le 20 mars lors de la manifestation de l’Union Populaire de M. Mélenchon (1), un manifestant avait inscrit : « Jean-Luc, je crois en la VIe République : ne me déçois pas ! », véritable acte de foi (laïque, bien sûr) envers une République qui, pourtant, a déjà tant déçu à travers les quatre précédentes et la cinquième actuelle. Je ne me moquerai pas de cette injonction républicaniste et de son auteur, mais je ne la partage évidemment pas, et je crois, à mon tour, qu’elle reflète, au-delà d’un espoir qui me semble vain, une illusion politique qu’il importe de dissiper. Car la République que nous promet M. Mélenchon, celui-là même qui « est fait pour cette Ve République qu’il abhorre », comme le souligne Guillaume Tabard dans Le Figaro du mercredi 30 mars (2), n’est rien d’autre que le retour à une République parlementaire qui, dans l’histoire de notre pays, n’a jamais mené qu’à la défaite parfois doublée du déshonneur. Le parlementarisme, quand il devient la doctrine de la République, a tendance à désarmer l’Etat (parfois même au sens littéral du terme) face aux groupes de pression et aux puissances extérieures tout en imposant son idéologie jacobine aux communautés et aux citoyens de la nation, au détriment des libertés concrètes des uns et des autres : c’est bien la IIIe République qui, tout en affaiblissant l’armée par une absence de stratégie sur le long terme et une diplomatie parfois maladroite (et que moquait d’ailleurs Anatole France, pourtant officiellement républicain mais lucide, au moins, sur cette particularité de la République de n’avoir point de réelle et crédible politique étrangère), interdisait aux provinces d’exister et aux peuples de s’exprimer comme tels au sein d’une nation déclarée « une et indivisible », à rebours de l’histoire de France et de ses anciennes pratiques institutionnelles.

Revenir à une République dominée par le parlementarisme serait donc une véritable régression politique et redonnerait encore plus de poids à ces groupes de pression qui, justement, ne cessent de profiter de l’affaiblissement de la magistrature suprême de l’Etat et du sens du service de celui-ci et de la nation dont il préside aux destinées, pour s’affirmer davantage, comme le démontre à l’envi le cas du cabinet dit « de conseil » McKinsey, sorte d’éminence grise du président sortant sur nombre de questions plus techniques qu’éthiques. De plus, l’instabilité qui fut celle des Troisième et Quatrième Républiques est-elle vraiment une bonne chose au moment où le pays nécessite des politiques et des stratégies de long terme pour faire face aux enjeux contemporains ? Personnellement, j’en doute et il n’est pas bon de croire que « l’alternance permanente » (en fait, l’autre nom, plus « politiquement correct », de l’instabilité) est un mode de gouvernement souhaitable, comme certains semblent y songer, preuve d’une courte vue peut-être bien représentative (ou significative) de notre société de consommation et de l’immédiateté qui « consume » plutôt qu’elle ne fonde et n’enracine… La politique de l’Etat, sans être fixiste, doit disposer d’un temps suffisamment long pour porter ses effets, et les meilleurs possibles, même si cela dépend évidemment des projets politiques des gouvernants du moment : le véritable « garde-fou » peut, pour cela, être une magistrature suprême de l’Etat qui puisse jouer un rôle d’arbitrage et de rappel permanent de ce que doivent être les principes du bien commun et de la préservation des libertés du pays en ses composantes sociales, historiques et personnelles.

Celui qui portait le panneau appelant à la Sixième République serait-il vraiment déçu si, de République oligarchique et féodaliste, notre pays passait à la Nouvelle Monarchie royale, politique et éminemment sociale ? Le royaliste que je suis ne promets rien, mais il promeut un régime dans lequel ce n’est pas l’Argent qui « fait » le Pouvoir ou qui le tient ; un régime qui n’est pas incarné par « le meilleur des meilleurs » mais par un homme indépendant des luttes de faction et des sociétés de communication ou de conseil ; un régime qui préfère le bien commun pour durer plutôt que les intérêts privés pour gagner…

Dans une discussion amicale autour de quelques tasses de café et de verres de breuvages euphorisants, un vieux royaliste résumait aussi, avec des mots crus et des phrases directes, tout l’intérêt de la succession royale par rapport à l’élection présidentielle, celle-là même qui, demain, décevra plus des deux tiers des électeurs du 10 avril sans forcément contenter tous ceux du dernier tiers (et encore moins les absents du bureau de vote…) : « Une présidentielle, c’est millions et millions dépensés avec de beaux discours, de belles promesses et de grandes illusions à la clé, et, au final, un « mal-élu » qui ne plaît, un temps, qu’à ses courtisans. Une succession royale, c’est la mort du roi en exercice (« le roi est mort ! ») et c’est, tout de suite, le dauphin qui devient souverain (« vive le roi ! »). Durée de l’opération : le temps des constatations d’usage, en somme quelques minutes… Coût : zéro… La bonne affaire, non ? ».

Au-delà de la rudesse du propos, et malgré celle-ci, en somme tout (ou presque) est dit ! Et cela réduirait sans doute, sans les effacer complètement, une part des fractures françaises en « libérant » la magistrature suprême de l’Etat du poids des promesses et de celui des groupes de pression (ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, provoquent l’ire de nombre de Français qui se demandent à qui ils confient vraiment leur destin, à un homme ou à une société de conseil étrangère et mondialisée), tout en revalorisant la parole politique elle-même et celle des citoyens, désormais délivrés eux aussi de la charge de désigner un titulaire qui, en définitive, « se légitime » de leur vote en sa faveur pour imposer des mesures décidées ailleurs à ceux-là mêmes qui l’ont désigné pour présider…

S’il ne me viendrait pas à l’idée d’affirmer que la Monarchie royale est « le régime parfait » (car, s’il faut y tendre, la perfection n’est pas de ce monde, et le roi est d’abord « l’homme humain », donc imparfait par nature, et celui qui reconnaît aussi l’imperfection d’autrui, reconnaissance nécessaire pour toute politique qui n’oublie pas les hommes mais travaille pour eux), je n’hésite pas à déclarer que, au regard de l’histoire de notre pays et de l’avenir à penser et à construire au-delà même de nos vies propres, la Monarchie royale est « le régime le moins mauvais et le plus humain », celui qui peut rendre à la France son rang et sa force sans écraser ceux qui y vivent et l’aiment.





Notes : (1) : Je n’y étais absolument pas, mais c’est une photo vue dans La Croix mardi 22 mars qui m’a donné le souhait d’écrire cette note…

(2) : « Lui (M. Mélenchon) qui prône une VIe République et fustige le caractère monarchique des institutions s’épanouit dans l’exercice le plus personnalisé, le plus incarné et le plus solitaire de la vie politique. »




Jean-Philippe Chauvin

Pour la justice sociale, Monarchie royale !

La France ne peut oublier cette exigence de justice sociale que crient les peuples de notre pays, au sein de leurs villes et campagnes, au travers de leurs professions et activités économiques, mais aussi au gré des contestations contemporaines : cette exigence, d’ailleurs, n’est pas à sens unique et elle doit être l’occasion de repenser les fonctions économiques et les rapports sociaux, non dans une logique, vaine et souvent créatrice d’injustices, d’égalitarisme social, mais selon les critères de bien commun, de nécessaire solidarité et entraide, de service et non d’égoïsme ou de grivèlerie économique…

La grande question des retraites, qui commence à préoccuper nombre de nos concitoyens, doit être l’occasion de réaffirmer la nécessité d’une justice sociale qui doit inclure plutôt qu’exclure ou marginaliser, qui doit inciter au partage et à la mise en commun et non au repli sur soi de chaque classe sur ses seuls intérêts ou jalousies : elle ne pourra être résolue positivement que par la prise en compte des qualités et des fragilités de chacun, au sein de son cadre socio-professionnel et « d’enracinement », et selon le contexte local et national. En ce sens, une réponse « corporative », c’est-à-dire qui pense le travail dans un cadre professionnel et local, selon des règles établies par branche d’activités ou corps de métier (et cela sans méconnaître les mutations du travail ni les mobilités contemporaines, mais en leur fixant un cadre légal et approprié à ces particularités), apparaît possible et, même, souhaitable : au-delà de la justice sociale, cela assurerait une visibilité et une prévisibilité à des systèmes de retraites qui doivent s’inscrire dans la durée pour satisfaire aux besoins des travailleurs d’hier comme à ceux d’aujourd’hui et de demain.

Encore faudrait-il que l’État, qui doit être le garant suprême de la justice sociale entre (et pour) tous les corps et citoyens de ce pays, retrouve les moyens d’assurer et d’assumer son rôle de justicier : pour avoir la légitimité et la force d’incarner ce souci éminemment politique, il lui faut être indépendant des jeux de partis et des grandes féodalités financières et économiques, mais aussi des pressions de la « gouvernance » (sic !) de l’Union européenne et de la mondialisation. Il n’est pas certain que, désormais, l’élection du Chef de l’État au suffrage universel assure solidement l’indépendance de la magistrature suprême de l’État, car les jeux économico-politiciens l’ont prise en otage. Reconquérir l’indépendance pour l’État passe par un mode de désignation qui ne doive rien à l’élection sans, pour autant, la dénier pour les autres constituants de la sphère politique (assemblée nationale ; sénat ; municipalités ; chambres économiques, professionnelles, agricoles, etc.) : ainsi, la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’État apparaît comme la plus simple et la plus pérenne à long terme pour s’abstraire des égoïsmes politiciens ou particularistes. Que pour la Monarchie royale en France, la main de justice ne soit pas un simple hochet mais un symbole fort et nécessaire de sa vocation sociale, nous paraît comme le signe le plus évident mais aussi le plus exigeant de sa nature politique : si la Monarchie réinstaurée l’oubliait ou le négligeait, elle en paierait le prix le plus élevé, celui du discrédit et de la chute finale, comme le signalait avec véhémence le plus fidèle des royalistes, notre capitaine Georges Bernanos…

La violence sociale du capitalisme, encore.

La violence sociale n’est pas qu’une impression, elle est, dans de nombreux pays et pas seulement en France, une réalité intimement liée au système capitaliste libéral (ou dit tel). Elle est, par principe, créatrice d’injustices sociales dont elle est, dans le même temps, aussi la conséquence, dans une sorte de cercle infernal. Il suffit d’ouvrir un journal économique pour en trouver, chaque jour sinon à chaque page, quelques preuves et quelques illustrations parfois sordides. Ainsi, l’autre jour (vendredi 18 mars 2022), en page 15 du quotidien Les Echos, cet article titré « P&O licencie sans ménagement 800 marins britanniques », et qui évoque, en quelques lignes, toute la brutalité du capitalisme quand il est délié de toute obligation (et surtout de toute conscience) sociale : « Tempête sociale sur le trafic transmanche. P&O Ferries, l’un des deux opérateurs entre Douvres et Calais, a annoncé le licenciement avec effet immédiat de 800 marins britanniques sur un total de 3.000 employés, selon l’entreprise. Ils seront remplacés par des Colombiens et des intérimaires, déjà recrutés par la compagnie, afin de réduire de 50% la masse salariale, selon les sources syndicales, furieuses de ce procédé. » Ainsi, une entreprise peut jeter comme des chiffons sales 800 salariés sans préavis, ceux-ci n’étant, en somme, que des variables d’ajustements pour les investisseurs et en particulier pour la « maison mère DP World, un opérateur portuaire basé à Dubaï », l’argument étant la survie de l’entreprise, comme souvent sans qu’il soit demandé des efforts aux actionnaires ou aux dirigeants sur leur rémunération, par exemple. « Selon que vous serez puissant ou misérable », disait déjà, fataliste, Jean de La Fontaine…

Ce qui m’a marqué dans l’article des Echos, c’est l’absence complète d’empathie de la société licencieuse envers les 800 personnes mises à la porte : les hommes sont effacés par une décision fondée sur des chiffres, ceux-ci recouvrant apparemment plus de valeur(s) que les vivants. Je me souviens encore de cet entrepreneur français, l’ancien résistant Pierre Jallatte, qui s’était donné la mort en 2007 lorsqu’il avait appris que la majorité des ouvriers de son ancienne entreprise de chaussures seraient licenciés pour cause de délocalisation (spéculative, en fait) en Tunisie. Ce patron, grand Français qui mériterait d’avoir des rues à son nom, est la preuve qu’une entreprise (au sens noble du terme) n’est pas qu’un lieu de travail, mais qu’elle peut aussi être un espace de vie et de convivialité, une « famille de travail » dans laquelle chacun est un membre qui mérite, selon ses qualités et défauts, d’être considéré et non d’être seulement exploité. Mais le système capitaliste mondialisé le permet-il encore ? A la marge, peut-être, mais ce n’est pas sa « logique » ni son idéologie.

Est-ce nouveau ? En fait, pas vraiment, comme peut l’illustrer les extraits de ce discours du parlementaire royaliste Albert de Mun en 1884, à la tribune de la Chambre des Députés : « Depuis un siècle, des doctrines nouvelles se sont levées sur le monde, des théories économiques l’ont envahi, qui ont proposé l’accroissement indéfini de la richesse comme le but suprême de l’ambition des hommes, et qui, ne tenant compte que de la valeur échangeable des choses, ont méconnu la nature du travail, en l’avilissant au rang d’une marchandise qui se vend et s’achète au plus bas prix.
« L’homme, l’être vivant, avec son âme et son corps, a disparu devant le calcul du produit matériel. Les liens sociaux, les devoirs réciproques ont été rompus ; l’intérêt national lui-même a été subordonné à la chimère des intérêts cosmopolites (1), et c’est ainsi que la concurrence féconde, légitime, qui stimule, qui développe, qui est la nécessaire condition du succès, a été remplacée par une concurrence impitoyable, presque sauvage, qui jette fatalement tous ceux qu’elle entraîne dans cette extrémité, qu’on appelle la lutte pour la vie. » En somme, la dévalorisation du travail par un capitalisme marchand et actionnarial est aussi la dévalorisation, voire la déshumanisation des travailleurs, juste considérés selon ce qu’ils peuvent rapporter à l’entreprise en quantité financière et non selon ce qu’ils sont, leurs qualités et leurs défauts, leurs compétences et leurs appétences. Ils ont alors moins de valeur, même, que les machines qu’ils servent désormais plus qu’elles ne les servent, eux. Cet aspect-là n’est-il pas inscrit dès les débuts du développement du capitalisme industriel quand, en mars 1812, un « Bill » (loi) voté par les parlementaires anglais proclama des peines très lourdes (jusqu’à la mort par pendaison) contre des ouvriers tisserands qui, concurrencés et ruinés par les métiers à tisser mécaniques, s’en prenaient à ces derniers ? (2)

Face à l’attitude ignoble de P&O, que pourrait faire la France, qui accueille les bateaux de cette entreprise à Calais ? Nous avons pu constater, avec la crise géopolitique en Ukraine, que les Etats européens disposaient encore de quelques leviers pour sanctionner des entreprises qui appartenaient à des sociétés étrangères ou à des proches d’une puissance considérée comme adverse : ne pourrait-on pas, après tout, user des mêmes modes de pression puisque nous savons désormais qu’il est possible de les utiliser, même en passant par-dessus les lois commerciales en cours reconnues internationalement ? Après tout, P&O utilise les facilités d’un port français, et a de nombreux clients dans l’hexagone… La France s’honorerait à, au moins, signifier son mécontentement devant les méthodes de voyou de la direction de l’entreprise et à proposer à quelques uns de ces salariés anglais licenciés brutalement, des activités à Calais ou dans d’autres ports français participant au trafic transmanche.

Soyons clair : l’Etat n’a pas vocation à intervenir à n’importe quelle occasion dans les activités économiques et commerciales, et l’étatisme comme l’assistanat sont néfastes autant pour l’économique que pour le politique. Mais, en l’absence de corporations ou de Métiers organisés et susceptibles de peser vraiment sur les décisions des Firmes capitalistiques Transnationales, l’Etat doit jouer son rôle d’arbitre et de protecteur, symbole et acteur de la justice sociale, et rappeler aux féodalités (même étrangères quand elles sont présentes en France d’une manière ou d’une autre) leurs devoirs sociaux. Il est vrai que, pour cela, il faut un Etat fort et capable d’une parole libre et d’une action efficace : est-ce le cas avec cette République actuelle ? Est-ce même possible en République ? Si ces questions sont à poser, cela n’empêche en rien que, déjà, il soit important de faire pression pour que l’Etat, tout républicain qu’il soit, prenne ses responsabilités face à P&O et à son « injustesse » sociale…






Notes : (1) : On traduirait aujourd’hui ce terme de « cosmopolites » par « mondialisés ».

(2) : Lire à ce propos le livre « La révolte luddite », de Kirkpatrick Sale, éditions L’échappée, 2006, en particulier les pages 123 à 130, et le discours de Lord Byron devant la Chambre des Lords contre cette loi.





Quel doit être le rôle de l’Etat ?

Que sera, que pourra être la Monarchie royale à venir ? C’est une question maintes fois entendue et à laquelle il n’est pas toujours facile de répondre, ne serait-ce que parce que les royalistes en sont réduits, malheureusement, à évoquer la théorie sans savoir si l’histoire confirmera, au moins, l’espérance d’une nouvelle instauration royale. De plus, s’ils se moquent des promesses électorales (et surtout électoralistes), ce n’est pas pour en rajouter ! Néanmoins, ces précautions étant évoquées, il serait tout aussi néfaste d’attendre « le moment bienheureux venu » pour, alors, découvrir un programme ou improviser : une « prise de pouvoir », quelles qu’en soient les formes, s’envisage et se prépare, en-deçà et au-delà du moment même.

La Monarchie royale sera-t-elle un « Etat minimal », comme le vantait une affiche ancienne de la Nouvelle Action Française longtemps aperçue sur les murs de la Fac de Droit de Rennes ? (1) En fait, depuis déjà bien longtemps, je me réfère à ce qu’en disait Maurras avec lequel, pour ce coup-là, je suis en plein accord (2) : « Que les neuf dixièmes de l’espace stérilisé par l’Etat dit moderne soient nettoyés d’occupants sans qualité ni utilité. Que cet Etat administrateur et gérant universel vide les vastes lieux qui ne lui appartiennent pas. Et qu’il rentre vite dans sa légitime fonction de haut arbitre et de président lointain, de simple contrôleur et de suprême conducteur. Notre essentiel vital, qui est de ne pas être envahis, nous a contraints à concentrer les pouvoirs confédéraux et fédéraux, disons mieux nationaux, dans l’enceinte de l’unique Etat royal. Alors, décentrons tout le reste. Que tout ce qui n’est pas nécessaire à cette autorité protectrice de la sûreté nationale revienne donc à chacun de ses maîtres normaux : provinces, villes, pays, villages, métiers, associations, corps, compagnies, communautés, Eglises, écoles, foyers, sans oublier la personne d’aucun de nous, citoyens et hommes privés. Tout domaine que l’Etat s’est approprié indûment doit être redistribué entre tous, dans la hiérarchie de la puissance et des compétences de chacun. » En quelques mots, voici le programme de la décentralisation qui nous rappelle la fameuse citation du même Maurras, « La France intégrale, c’est la France fédérale », que l’Action Française du début des années 1990 avait renouvelée avec sa campagne « Monarchie fédérative ». Mais, au-delà de ce message décentralisateur (3), il importe de saisir ce que dit Maurras et qui me semble correspondre à l’impérieuse nécessité de « laisser vivre » la pluralité française (condition sine qua non de la pérennité du sentiment d’appartenance à la France), et à celle, non moins impérieuse, de « désétatiser l’Etat » sans le défaire.

L’Etat républicain contemporain est devenu ce « Pouvoir » anthropophage que Bertrand de Jouvenel craignait et dénonçait, d’autant plus qu’il avait pu, en les années 1930, paraître céder aux sirènes totalitaires. L’Etat est partout sans être, parfois, ni efficace ni convaincant : la récente crise sanitaire a montré les insuffisances de la politique de Santé publique, minée par des stratégies publiques de court terme et par une administration parfois kafkaïenne et de plus en plus intrusive grâce aux moyens de contrôle numérique (et au numérique tout court…), qui nous transforment en numéros puis en grilles labyrinthiques de codes. L’Etat, qui devrait être « service et serviteur », est devenu, un peu plus encore, « maître et tyran » : s’il est de bons maîtres, il n’est que des tyrans mauvais, de ces Créon parfois de « bonne foi » (ce sont souvent les plus terribles, au regard de l’histoire…) qui parlent de « bonheur » et veulent le rendre « obligatoire », à l’instar d’un Saint-Just, idéologue et praticien de la Terreur des années 1793-94 (4).

L’Etat-tout (ou « total », tel que les républicains des années terribles de la Révolution le concevaient, au nom d’une notion abusive de la « volonté nationale sans limite ») est néfaste quand le Tout-Etat ne l’est pas moins ! Ce dernier peut bien s’appeler « Etat-providence » (hommage du vice à la vertu, diraient quelques catholiques taquins…), cela ne change rien à l’affaire. Néanmoins, il n’est pas interdit de penser, qu’en un temps donné, l’intervention massive de l’Etat dans l’économie et pour des raisons éminemment circonstancielles (la reconstruction nécessaire après la Seconde Guerre mondiale, particulièrement), n’a pas forcément été inutile ni inappropriée : au-delà des excès de l’époque et des parements idéologiques de la politique menée à partir des projets du Conseil National de la Résistance, les mesures prises en ce temps particulier, si elle a aussi abouti à l’imposition du modèle de la Société de consommation dont il n’est pas certain qu’il faille forcément se féliciter (5), ont permis à la nation française de « refaire de la force » et d’assumer son rôle devant l’histoire et dans le monde durant quelques décennies tandis que ses populations y trouvaient tout de même quelques avantages et une prospérité qui faisait oublier les rigueurs des temps passés et lui donnait une espérance bienheureuse !
Mais ce temps de l’Etat-providence est aussi celui de notre endettement massif, particulièrement depuis les années Giscard d’Estaing (celles du renoncement à la politique d’indépendance nationale ?), endettement qui, aujourd’hui, condamne (si l’on ne fait rien) les générations nouvelles à être toujours débitrices et donc esclaves des féodalités économiques créancières de la France ! Si une certaine Seisachtheia (6) est possible (voire souhaitable autant que nécessaire, y compris moralement), elle ne suffira pas, seule, à assurer un avenir prospère aux citoyens et à la nation. C’est là tout l’enjeu et l’intérêt de « désétatiser l’Etat » et de sortir du Tout-Etat sans renoncer à l’Etat lui-même, essentiel serviteur et directeur de la nation.

Alors, quelle place légitime et utile pour l’Etat dans la société contemporaine ? Si l’Etat joue un rôle d’incitateur et assume un certain soutien des forces d’initiatives économiques sans se mêler des affaires elles-mêmes ; si l’Etat facilite la vie des entreprises et permet, par une législation adaptée, l’essor de certains secteurs ou industries stratégiquement importants pour le pays tout entier ou pour quelques parts de celui-ci, selon les « traditions » économiques et socio-professionnelles des provinces ou des localités ; si l’Etat joue un rôle de protection des activités françaises (entre autres sur le plan national et face à la concurrence mondiale parfois indélicate et immorale) et favorise, sans y intervenir directement, l’organisation des secteurs et des acteurs économiques et sociaux ; s’il mobilise les énergies et les compétences (et, éventuellement, favorise leur formation et leur information) dans le cadre d’une véritable « mise en ordre » de l’économie nationale pour affronter les défis de la mondialisation ; s’il intervient, au niveau national comme international, pour rappeler les devoirs sociaux des dirigeants d’entreprise et des actionnaires… Il est possible alors de considérer qu’il est dans son rôle politique de préservation et « d’incitation à la prospérité » de l’armature économique et sociale du pays, et qu’il tient sa place de « Chef protecteur » de la nation et de ses citoyens. S’il veut tout contrôler et réglementer sans fin ; s’il se veut autant maître d’école que grand « aspirateur » fiscal, au risque de décourager l’esprit de liberté et d’initiative (en particulier chez les jeunes créateurs ou inventeurs) ; s’il se comporte en Etat-nounou, déresponsabilisant les uns et les autres, et distribuant sans compter un argent qu’il finit par ne plus avoir, juste propriétaire des dettes qu’il ne cesse d’aggraver… Il n’est plus alors qu’un « Grand Frère » sourcilleux et inquiétant qui organise la vie de tout un chacun sans égard pour les libertés sociales comme pour les équilibres économiques : n’est-ce pas ce qui, aujourd’hui, domine (même si accuser le président et son gouvernement de tous les maux qui les précédent largement serait injuste, au double sens de ce qualificatif) dans la pratique de la République libérale et social-démocrate contemporaine (macronienne, depuis 2017), tout en accélérant la dépossession industrielle et la déresponsabilisation sociale des plus aisés (dirigeants et actionnaires) ?

D’où la nécessité d’une Monarchie royale pour concilier « le minimum d’Etat pour le maximum des libertés » : l’un ne peut aller sans l’autre, mais, dans cette formule politique, c’est l’Etat qui est la condition politique des libertés, sans en être le « surveillant » intrusif et sévère…



(à suivre)




Notes : (1) : Le texte exact de l’affiche en question était (je cite de mémoire) : « Etat-minimum, liberté maximum », et elle était collée par les jeunes militants rennais de la NAF, à la fin des années 1970.

(2) : Je ne suis pas maurrassien, mais je ne suis pas de ceux qui se bouchent le nez à son évocation : je sais ce que je dois à Maurras et, sur de nombreux sujets, je le cite sans hésitation, ce qui ne m’empêche pas d’être violemment opposé à certains de ses propos qui, à bien y regarder, ne font honneur ni à son intelligence ni à l’école de pensée dont il a été l’incomparable animateur et « excitateur d’idées ».

(3) : Un message fort actuel au moment où le président de la Région Grand-Est, création artificielle de la République hollandiste en 2015, conteste la volonté affirmée par nombre d’Alsaciens de reconstituer une véritable région d’Alsace, donc séparée de la structure Grand-Est, et où les manifestations se multiplient en Bretagne pour obtenir le retour de Nantes, ancienne capitale des Ducs de Bretagne, dans le giron de la province armoricaine, au grand dam des jacobins désormais ralliés aux concepts de « mondialisation » et de « métropolisation » et peu soucieux des racines et des terreaux historiques locaux…

(4) : Que l’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : je ne considère pas que la République actuelle soit une « tyrannie » au sens terrible et sanguinaire que l’on accole souvent à ce mot, mais au sens symbolique (et premier, en fait) d’un Pouvoir qui s’impose sans respect pour ceux qui en sont ses adversaires ou qui paraissent présenter une alternative à celui-ci. Si les oppositions existent et peuvent s’exprimer dans notre pays (et c’est heureux !), leur champ d’application et de « faisabilité » se restreint de plus en plus, et la possibilité d’un changement ne s’envisage que comme une alternance (qui ne remet pas en cause les fondements du Pouvoir contemporain) et non plus comme une véritable alternative ou « renouvellement » (retournement ?) du paysage idéologico-politique…

(5) : La Société de consommation, que le philosophe traditionaliste Marcel de Corte repérera comme menant, en définitive, à la « dissociété », est véritablement née et s’affirme dans les années qualifiées par Jean Fourastié de « Trente Glorieuses » et qu’il n’est pas déplacé de rebaptiser « Trente Ravageuses » (référence au livre de Barjavel) au regard de ses dégâts environnementaux dont nous payons, aujourd’hui mais encore moins que demain, la note particulièrement salée… Sans oublier ces nouvelles dépendances qu’elle créée et entretient, autant sur le plan technique que purement ludique : le vieil adage impérial romain « Panem et Circenses » (traduit par « Du pain et des jeux ») pourrait figurer sur les frontons des lieux de Pouvoir aujourd’hui sans choquer outre mesure la réalité…

(6) : La Seisachtheia est la politique pratiquée par Solon il y a 2.500 ans : elle signifie « la remise du fardeau » et a consisté en l’abolition des dettes des paysans pauvres d’Athènes, une mesure qui a été l’une – mais pas la seule – des principales causes de la prospérité de la cité grecque au Ve siècle avant Jésus-Christ…

Etre royaliste en temps de présidentielle.

Il n’y a pas, il n’y aura pas de candidat royaliste à l’élection présidentielle cette année… Le dernier (le seul, en fait, dans l’histoire de la Cinquième République) a été, en 1974, Bertrand Renouvin, et il n’a pu se représenter sept ans plus tard, faute des fameux 500 parrainages de maires nécessaires depuis M. Giscard d’Estaing pour pouvoir concourir au siège élyséen. Bien sûr, il y eut d’autres tentatives de candidature, comme celle d’Yves-Marie Adeline qui mit une belle énergie à essayer de mobiliser d’autres forces nouvelles pour la cause royale au début des années 2000. Il y eut aussi des tentations de candidature, y compris de feu le comte de Paris, mais rien qui n’ait, malheureusement, abouti. Et pourtant ! N’est-il pas dommage que les royalistes, si prompts à crier « vive le roi ! » tous les 21 janvier ou à afficher des slogans tout le long de l’année universitaire, voire au-delà, soient aussi cruellement absents et apparemment silencieux au moment où les citoyens s’intéressent, un peu plus que d’ordinaire, à la politique ? Sont-ils condamnés à n’être que les mercenaires ou les électeurs de telle ou telle candidature « nationale », qu’elle soit nationaliste, libérale, macroniste ou, même, socialiste, voire communiste ? Cette situation comme ses perspectives ne sont guère réjouissantes : mais, limiter l’engagement royaliste en temps de présidentielle à ces « dégagements républicains » selon la formule d’un observateur critique du royalisme contemporain, serait une erreur, et nous essayons de ne pas y céder, par conviction comme par logique politique.

D’abord, l’absence d’une candidature spécifiquement royaliste est-elle si grave ? Bien sûr, je regrette que, dans les débats actuels, la question institutionnelle ne soit pas vraiment abordée, si ce n’est, très à gauche, pour évoquer une hypothétique renaissance de la Quatrième sous la formule de « Sixième République » (sic !). Mais surtout, je regrette que le « projet royaliste », sous ses formes politiques et sociales, n’ait pas d’incarnation reconnue et visible pour les citoyens, si ce n’est sous les traits de Stéphane Bern qui, pourtant, ne fait plus de politique en tant que telle : ne serait-il pas sympathique de pouvoir entendre, à une heure de grande écoute, sur les médias nationaux sans doute trompeurs mais néanmoins regardés par le grand nombre, une personne qui pourrait porter une parole éminemment royaliste et reconnue comme telle par les auditeurs et téléspectateurs ? L’idée, déjà ancienne dans les milieux issus de la Nouvelle Action Française (devenue Royaliste) depuis les années 1970, était de former quelques « politiques » susceptibles, justement, de crédibiliser et de rendre visible dans l’espace médiatico-politique l’engagement royaliste. Il faut bien reconnaître que, pour l’heure, nous n’en sommes pas encore là, même si certaines idées valorisées par l’Action Française (par exemple) semblent « resurgir » sur quelques plateaux télévisuels, malheureusement sans cette coloration spécifiquement royaliste qui leur donnerait tout leur sens et toute leur portée positive.

Alors, que faire ? D’abord, rester soi-même sans être sourd aux débats présidentiels. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de se perdre dans les querelles entre tel ou tel candidat et de soutenir l’un ou l’autre, ou l’un contre l’autre, mais de présenter et de développer quelques thèmes qui nous sont chers sans rien cacher de la coloration royaliste que nous donnons aux réponses que nous pouvons apporter. Ainsi sur la question sociale : le combat contre le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, engagé depuis 2011 au sein du Groupe d’Action Royaliste, mérite d’être mis en avant durant cette campagne présidentielle, et cela doit aussi s’accompagner d’une « explication de texte », non seulement pour préciser les raisons profondes de notre opposition et les propositions que nous faisons, en tant que royalistes, pour tenter de résoudre l’immense question du financement des retraites, condition sine qua non de leur pérennité pour nos compatriotes et pour les décennies à venir. Idem pour la question industrielle, à la fois contre les délocalisations spéculatives et pour une réindustrialisation intelligente et ordonnée nécessaire à la souveraineté française, autant sur le plan économique que sur le plan énergétique, mais surtout sur le plan politique et géopolitique. Sur ces questions-là, qu’il s’agit de rendre audibles malgré la cacophonie politicienne de la campagne présidentielle, nos réponses, argumentées, doivent être fleurdelysées… N’est-ce pas, après tout, la meilleure pratique du « Politique d’abord » théorisé par Charles Maurras au début du XXe siècle ?

De plus, en cette période encore marquée par la lourdeur des mesures de contrôle liées à la crise sanitaire, nos concitoyens paraissent bien peu motivés par les candidats eux-mêmes, ce que traduisent, parfois vertement, les enquêtes d’opinion. Pourtant, il y aura bien un élu à la fin du mois d’avril, et il semble déjà que cela sera « par défaut » plus que par enthousiasme, ce qui laisse entendre que le fossé entre la légalité issue des urnes et la légitimité reconnue par les citoyens n’en sera que plus grand, réactivant le vieux clivage « pays légal-pays réel » plus violemment encore que lors de la crise sociale de l’automne-hiver 2018-2019. Il y a là une occasion de rappeler que la Monarchie royale, sans posséder un sceptre magique, peut apporter une réponse institutionnelle à l’insatisfaction post-électorale, sorte de dépression démocratique et politique qui frappe de plus en plus notre société et qui empêche, sans doute, de motiver nombre de ses jeunes énergies, désormais de plus en plus tentées, soit par l’émigration vers des pays apparemment plus « ouverts » (sic !) ou « dynamiques, ou, en tout cas, plus accueillants au « risque de la jeunesse », soit vers une forme d’émigration intérieure qui peut se signaler par un repli individualiste ou communautariste, par une résignation sourde ou par une colère souvent trop froide pour trouver un débouché politique…

L’autre jour, sur une affiche électorale apposée et déjà déchirée le jour même, quelques mots simples avaient été tracés : « Présidentielle ? Bof… Vive le Roi ! », accompagnés d’une fleur de lys un peu maladroite (ou très stylisée…). Un peu plus loin, la même main avait écrit : « Mieux vaut le roi que le pire ! »… Tout cela ne pèse sans doute pas bien lourd dans une campagne présidentielle qui, de plus, passe largement par les réseaux sociaux et les moyens numériques. Mais, malgré son aspect dérisoire, cette double et maladroite évocation de la proposition royale aura peut-être l’effet de rappeler à quelques uns que l’élection présidentielle ne fait pas forcément rêver tout le monde, et que « l’imagination au pouvoir », cette forte demande des étudiants de Mai 68 (y compris royalistes…), pourrait bien prendre la forme d’une Monarchie royale ou, en attendant mieux, de celle de l’espérance royale…


Les accidents du travail sont une calamité, pas une fatalité.

Le thème de l’insécurité sociale est trop largement sous-estimé dans le débat présidentiel actuel, et il faut le regretter : non que l’on n’en parle pas, mais il n’est abordé, principalement, que sous l’angle de la poussée inflationniste et de la perte de pouvoir d’achat des consommateurs et, de façon trop discrète, sous celui, moins prégnant dans la campagne, de la désindustrialisation dévastatrice et de la nécessaire réindustrialisation, souvent promise et jamais vraiment engagée… Or, l’insécurité sociale, c’est aussi le risque au travail et ses formes les plus dramatiques, les accidents du travail. Un livre récent vient nous le redire, intitulé : « Accidents du travail. Des morts et des blessés invisibles », souligné d’un sous-titre terrible : « 14 morts, 12.500 blessés par semaine en France » (livre signé de Véronique Daubas-Letourneux, 310 pages, édité chez Bayard) ! Chiffres terribles, jamais évoqués dans les grands médias audiovisuels à ma connaissance, et qui peuvent (et doivent) inciter à la réflexion, sans négliger le recueillement possible pour les victimes de ces drames ! Un petit calcul montrera aussi l’ampleur de cette question, celui qui consiste à rapporter ces chiffres hebdomadaires à l’année entière : plus de 700 morts et environ 650.000 blessés sur le lieu du travail chaque année… Bien sûr, tous les métiers ne sont pas concernés de la même manière : peu de cadres et de professeurs, mais nombre d’ouvriers (principalement du bâtiment avec 14 % des accidents et 19 % des décès, des transports et de l’agroalimentaire), ainsi que de la main-d’œuvre féminine des services de soins.

Dans un article publié par La Croix L’Hebdo dans son numéro du samedi 22-dimanche 23 janvier 2021 et qui évoque ce livre, Antoine d’Abbundo résume les données chiffrées du sujet : « En Europe, une enquête de 2007 relève que plus de 3 % des travailleurs de l’Union – soit 7 millions de personnes – ont eu un accident dans l’année précédente. En ce domaine, la place qu’occupe la France n’est guère enviable. En 2012, elle se classait à l’avant-dernière place des Etats membres avec un taux d’incidence de plus de 3 000 accidents graves pour 100 000 travailleurs. En 2019, le secteur privé enregistrait encore 733 morts sur l’année, hors accidents sur le trajet (…). » Cela a d’ailleurs des conséquences sur les chantiers du bâtiment eux-mêmes, comme le souligne à La Croix (vendredi 14 janvier 2022) l’assurance-maladie : « Pour les entreprises du secteur, les arrêts de travail pour cause d’accidents représentent l’équivalent de 36 000 emplois à temps plein » et de « 5 % du coût total des bâtiments », des chiffres qui, de surcroît en cette période de tension de sortie de crise sanitaire, ne sont pas négligeables !

Quelles causes à ces accidents du travail beaucoup trop fréquents aujourd’hui ? Selon l’enseignante Véronique Daubas-Letourneux citée par La Croix L’Hebdo, « la montée, depuis quelques décennies, d’un management « à l’objectif » – et les cadences qui vont avec – comme la précarisation des statuts, en particulier chez les jeunes, accroissent la pression sur les travailleurs et les rendent plus vulnérables. Ce qui explique sans doute pourquoi, après une baisse continue du nombre d’accidents de 1950 à 2000, l’indice de fréquence et le taux de gravité ont tendance à repartir à la hausse. »

Que faire, dès maintenant, pour éviter au maximum que la mortalité au travail n’augmente ? Multiplier les interventions de l’inspection du travail qui, en 2019, « ont ainsi mis fin à 4 632 chantiers jugés dangereux », est une nécessité mais qui ne peut se faire efficacement que s’il existe une véritable stratégie de recrutement et de formation de nouveaux inspecteurs du travail, ainsi qu’une mise sous pression des entreprises qui utilisent des sous-traitants, en améliorant la « traçabilité » de ces derniers et leur encadrement pour leur éviter une trop grande exposition aux dangers ; retracer les contours d’une véritable politique de santé et de prévention des risques liés aux activités professionnelles ; responsabiliser les entreprises, leur direction et leur encadrement, pour mieux sécuriser les espaces de travail et préserver les travailleurs eux-mêmes ; etc. (liste de propositions non exhaustive, évidemment).

Bien sûr, toute activité professionnelle comporte des risques et le « zéro accident » est impossible, ne serait-ce que parce qu’il y aura toujours cette part d’impondérable et du « triste hasard », qui s’avère parfois mortel. Mais, il est tout à fait possible de faire baisser le nombre d’accidents professionnels et de limiter les risques (ou de les prévenir). Il ne s’agit pas d’entraver la vie des chantiers ou des usines par des lois supplémentaires mais juste de faire appliquer celles qui existent déjà, sans tomber dans un formalisme inutile et contre-productif. Mais, au-delà, il est une philosophie qu’il faut appliquer au monde du Travail, dans un esprit à la fois corporatif et « personnaliste » : considérer que l’économie doit être au service des hommes, et non l’inverse (ce qu’a rappelé le pape Jean-Paul II, dans l’encyclique Laborem Exercens sur le travail, en 1981), et qu’elle ne doit pas négliger ce qui fait, aussi, l’équilibre d’une société, c’est-à-dire l’intégrité physique et mentale des travailleurs.


Avant que de faire la Monarchie…

« Avant que de faire la Monarchie, encore faut-il la penser et la vouloir, et démontrer en quoi elle peut être plus efficace, plus crédible et plus humaine que l’actuelle République dont, néanmoins, je ne méconnais pas les quelques aspects monarchiques qu’il s’agit de rendre à leur cadre institutionnel naturel et logique. Détruire, même intellectuellement, ce qui existe sans vouloir penser la suite et la fondation d’un nouveau régime serait contre-productif et faire preuve d’un nihilisme qui n’est pas et ne sera jamais mien. La Monarchie n’est pas une « revanche » sur la République, et ce passé républicain (aussi condamnable que puisse être la République) qui appartient désormais au patrimoine national ne peut être rayé d’un coup de stylo ou en arrachant quelques pages aux manuels d’histoire : au contraire, il s’agit d’en tirer les leçons et d’assumer (sans en accepter les formes et les fautes) cette part, non négligeable, de l’Histoire de France. Assumer ne veut pas dire encenser ni même excuser, mais dépasser « le moment républicain » pour enraciner la nouvelle Monarchie dans un temps long qui ne peut faire l’impasse sur plus de deux siècles d’expériences et, parfois, d’espérances institutionnelles. »


Jean-Philippe Chauvin

La lutte contre la pauvreté, grande oubliée de la présidence Macron.

L’élection présidentielle est l’occasion de tirer un bilan du quinquennat de M. Macron, au-delà des effets d’annonce et des fumées de la communication, et la Fédération protestante de France n’a pas manqué à cet exercice qui n’est pas que comptable. Cela est d’autant plus intéressant que cette Fédération se veut une « vigie de la République » et qu’elle donne, pourtant, de nombreux arguments qui paraissent parfois moins républicains que leur affirmation précédente pourrait le laisser croire… Bien sûr (si je puis dire, au regard de ses engagements précédents dans le temps), elle prône un accueil des migrants qui, à bien les lire, confine à une forme de fatalisme : celui-ci, à se croire généreux, n’en est pas moins démagogique, voire dangereux si l’accueil n’est pas accompagné d’une véritable politique de francisation des nouveaux arrivants et non d’une simple « insertion » dans la société de consommation, si vide de sens qu’elle nourrit d’abord, aujourd’hui, les appétits, et les rancœurs quand ces derniers ne sont pas assouvis… « L’acceptation de l’altérité », vantée par la Fédération, ne doit pas être l’excuse du renoncement à faire valoir quelques valeurs du pays d’accueil, et je crains qu’elle ne s’accompagne, en fait, d’un déni de réalité et d’une incapacité à réenraciner les déracinés accueillis, comme si « l’ouverture aux autres » empêchait de penser les cadres solides d’un accueil circonstancié et les limites, nécessaires, à l’altérité venue d’ailleurs. Cette position « ouverte » de la Fédération protestante paraît aussi un peu étrange, au regard du jacobinisme ancien de la République dont elle se réclame, jacobinisme dont les provinces de France eurent tant à souffrir : doit-on rappeler, une fois de plus, comment la République, en sa logique centralisatrice et unitariste (uniformisatrice, en somme), a nié, longtemps, la pluralité des peuples de France au nom d’une formule d’« unité et indivisibilité » guère respectueuse de « l’altérité » des provinciaux, pourtant Français, selon les endroits considérés, depuis bien des siècles ? Il est fort regrettable que la Fédération protestante semble ne rien dire de ce qui fait la nation française, non pas en « grands principes » mais en histoire et en civilisation, et qu’elle « oublie », dans le même mouvement, cette attitude déplorable de la République face aux identités provinciales, ces marques immémoriales de la pluralité française (une formule d’ailleurs préférable à une « altérité » aux contours trop incertains pour être vraiment honnêtes)…

Il est un autre thème abordé par la Fédération qui mérite l’attention et un certain accord de ma part : celui sur la pauvreté, un sujet fort peu abordé dans cette campagne présidentielle et qui, pourtant, n’est pas mineur, loin de là ! En 2014, lors de ma campagne européenne sous la bannière de l’Alliance Royale, j’en avais fait un point fort et incontournable de mon message royaliste, sans grand succès d’ailleurs : la pauvreté n’intéresse pas, sans doute parce qu’elle inquiète, et les électeurs ne se déterminent pas sur ce thème, faute de croire que les politiques puissent résoudre cette grande question autrement que par quelques pansements ou le recours aux associations charitables telles que le Secours catholique ou les Restos du cœur. Et pourtant ! Je crois qu’il y a un devoir de l’Etat de prendre soin des pauvres, non par l’assistanat, un piège coûteux et peu efficace, mais par la lutte contre les causes de la pauvreté contrainte et par le soutien aux initiatives sociales, locales ou (et, parfois) professionnelles, qui peuvent assurer un meilleur partage des produits du travail et de la richesse et une meilleure intégration sociale de tous, quelles que soient leur fonction productive dans la Cité. Or, en ce domaine, le quinquennat de M. Macron n’a guère été convaincant, comme le souligne avec raison la Fédération protestante, citée dans un article du Figaro de ce lundi 31 janvier : « En cinq ans, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté », touchant 15 % de la population, soit près de 10 millions de personnes, « alors qu’Emmanuel Macron s’était engagé à ce que plus personne ne dorme dans la rue ». » Bien sûr, la crise sanitaire n’a pas forcément arrangé les choses, mais il faut reconnaître aussi que le libéralisme premier du président et de la République qui, depuis plus de quarante ans, a renoncé à développer une stratégie politique digne de ce nom contre les nouvelles précarités, peut expliquer ce désintérêt pour une cause qui ne mobilise pas les foules, de plus en plus inscrites dans une logique d’individualisme « de masse ».

Mais ce scandale social de la paupérisation contemporaine est-il si étonnant, au regard de l’histoire de la République qui, en définitive, n’a été « sociale » qu’en de courts moments (février 1848 ; 1936 ; 1944-45 ; etc.), et cela malgré la volonté de quelques uns qui, en fait, n’étaient pas tous républicains : Louis Blanc, socialiste, ou Albert de Mun, royaliste et catholique fervent, Jean Jaurès, Léon Blum, mais aussi le général de Gaulle, lecteur du théoricien royaliste du corporatisme La Tour du Pin, et catholique exigeant pour qui les devoirs sociaux des plus aisés prévalaient sur leurs droits économiques… La République n’a jamais été spontanément sociale, et elle ne l’est jamais restée longtemps… En revanche, elle a fondé un « Etat-providence » qui pensait régler par l’assistanat légalisé ce qu’elle n’avait pas le courage d’affronter par la volonté politique. La Fédération protestante le reconnaît implicitement quand elle déclare que « la fraternité désigne la promesse la plus délaissée de notre devise républicaine »… Délaissée aussi par les candidats de 2022, semble-t-il…

Doit-on attendre l’instauration d’une nouvelle Monarchie en France pour agir contre le paupérisme et le précariat ? Non, évidemment non ! Mais il est absolument désespérant tout autant que révélateur que les 10 millions de Français (dont nombre sont aussi de « nouveaux venus ») touchés par la pauvreté contrainte et le précariat n’aient aucun « porte-parole » en ces temps de présidentielle. Et pourtant ! Ne négligeons pas la phrase célèbre de Georges Bernanos, ce royaliste intraitable et en colère permanente contre les injustices de son temps : « Le pas des mendiants fera trembler le monde ! » Cette citation, que feu François-Régis Hutin répétait régulièrement dans ses éditoriaux du quotidien Ouest-France jadis, devrait alerter ceux qui prétendent aujourd’hui au fauteuil élyséen : oublier les pauvres (au sens de ceux qui se trouvent en dessous du seuil de pauvreté), dont nombre sont des travailleurs mal payés ou de petits artisans rejetés des métropoles mondialisées aux loyers trop élevés pour leur entreprise, c’est maintenir une insécurité et une injustice sociales qui peuvent, si l’on n’y apporte que des réponses méprisantes ou incomplètes, susciter de nouvelles colères et de nouvelles révoltes telles celles des Gilets jaunes en 2018, ou celles des banlieues déshéritées et trop souvent communautarisées (le communautarisme étant une mauvaise et dangereuse réponse au dilettantisme social de la République et à l’absence d’âme de la société de consommation) en 2005.



Jean-Philippe Chauvin



Post-scriptum : la critique est facile, mais l’art est difficile, dit-on avec une certaine raison. Un prochain article évoquera donc quelques propositions, que je fais suivant une logique royaliste sociale, sur les moyens d’atténuer les précarités contemporaines. Ce ne sont pas des solutions miraculeuses, mais quelques idées qui peuvent aider à la résolution de certaines situations de pauvreté contrainte. Ce combat, difficile, n’est pas vain et il est une pierre nécessaire dans la construction de la non moins nécessaire justice sociale sans laquelle il n’y a pas de société apaisée à long terme.