Royalisme social

La Tour du Pin… contre le traité Mercosur !

En relisant les textes du marquis René de La Tour du Pin (véritable théoricien du royalisme social et du corporatisme français) décédé il y a tout juste cent ans, le 4 décembre 1924, quelques lignes me sautent aux yeux, et me paraissent d’une grande actualité en ces temps de débats sur les traités de libre-échange dont celui avec le Mercosur n’est que le dernier exemple en date. Après avoir évoqué la nature du contrat de travail en France et ce qu’il pourrait (et devrait) être, La Tour du Pin souligne, à raison, que « les traités internationaux doivent être conclus, non pas dans l’intérêt du fisc, ni même dans celui du consommateur, mais avant tout en vue de la protection morale et matérielle que le travailleur doit rencontrer dans l’Etat chrétien » (1). Au-delà du temps, cette phrase écrite en 1882 n’a rien perdu de sa valeur, et il n’est pas inutile de la rappeler, mais aussi d’en montrer, en quelques lignes, le sens et la portée, tout en la contextualisant et, pourquoi pas, en la réactualisant.

Dans sa pensée, qui est profondément enracinée dans une foi catholique très vive, La Tour du Pin place l’homme-producteur, l’homme créateur de richesses, maître de sa production sans en être forcément le destinataire, avant celui qui doit en profiter par l’achat et l’usage, l’homme-consommateur : c’est, aujourd’hui, l’exact inverse dans notre société de consommation qui privilégie la consommation au détriment des conditions de travail et de vie du producteur lui-même, mais aussi au dépens de la nature, des ressources d’icelle, qu’elles soient souterraines et extraites du sous-sol ou de surface et récoltées, récupérées ou prélevées. Dans ce système dans lequel il s’agit de « consommer pour produire » et de « faire consommer pour produire », le producteur de base est trop souvent négligé, voire largement exploité et considéré, dans les temps de crise de consommation, comme une variable d’ajustement susceptible d’être éjecté socialement du système et de la possibilité d’être à son tour et en rétribution de sa peine, un consommateur…

Dans la logique contemporaine du libre-échange, s’applique le terrible principe de la « liberté du travail » qui, l’histoire et la philosophie économiques le rappellent à l’envi, n’est nullement la liberté des travailleurs ni la qualité du travail elle-même, mais la liberté du capital qui s’impose au travail et aux travailleurs, en salariant ces derniers selon les nécessités des propriétaires de capitaux et selon les revenus qu’ils espèrent en tirer, dans une logique de profit qui, parfois, ne tourne qu’au désir d’une profitabilité toujours plus grande, voire démesurée au regard des conditions de travail et de salaire imposées aux travailleurs, parfois très éloignés du marché final de consommation, dans le grand et terrible jeu de la mondialisation. C’est vrai dans le monde de l’industrie, ça l’est aussi dans celui de l’agriculture désormais intégrée quasi-totalement (en particulièrement dans les pays développés, du Nord comme du Sud) à la globalisation commerciale, au risque de favoriser les grandes féodalités de l’agroalimentaire et d’étouffer les petits et moyens producteurs, cultivateurs comme éleveurs.

Or, les grandes puissances économiques étatiques (2), souvent de moins en moins politiques et de plus en plus gestionnaires, s’abandonnent aux facilités de la fiscalité comme une excuse à leur propre impuissance face aux acteurs dominants de la mondialisation, et elles espèrent ainsi donner l’illusion de la maîtrise d’un système que, généralement, elles ne contrôlent plus. En fait, ce constat est surtout vrai dans les Etats les plus anciennement industrialisés et démocratiques (à des degrés divers, selon les histoires particulières des Etats et de leur entrée dans la modernité consommatoire) et la France, qui longtemps resta fidèle à cette double idée que sa politique ne se faisait pas à la Corbeille (3) et que « l’intendance suivra » (4), paraît désormais moins assurée sur cette logique pourtant nécessaire : le fait d’avoir déléguée une part de sa souveraineté à des institutions monétaires européennes et de se retrouver apparemment incapable de préserver son pré carré législatif et éco-diplomatique à cause de ses engagements « européens », contredit la citation de La Tour du Pin, sans l’invalider dans sa nécessité, bien au contraire !

Le traité Mercosur, qui risque bien d’être imposé par l’Union européenne à la France d’ici peu, et cela malgré le refus affiché du président de la République et des parlementaires français il y a quelques jours encore, en est la triste démonstration : ce traité de libre-échange, qui n’est ni écologique ni social (5), est souvent vanté par ses promoteurs comme le meilleur moyen de faire des affaires pour les consommateurs européens mais aussi sud-américains, quand la question du sort des producteurs de base (¬6) est trop souvent éludée, voire évacuée. L’on sait pourtant que ce traité se traduira aussi par des désespérances paysannes et par des dévastations écologiques, au nom d’un Développement qui ne peut être durable, et cela par essence même…

Face à cela, il ne nous est pas possible d’être indifférents ou neutres, et nos prédécesseurs nous donnent quelques clés d’explication et nous fixent quelques devoirs militants. La Tour du Pin, dont il paraît tout à fait utile de relire les principaux textes regroupés dans quelques ouvrages dont le fameux « Vers un ordre social chrétien », souvent évoqué par son sous-titre « Jalons de route », s’inscrit dans cette logique que l’Eglise rappellera à sa suite dans l’encyclique Rerum Novarum de 1891 et qui veut que le travail assure au travailleur le pain quotidien (et un peu plus même) pour toute la famille, et qu’il ne doit pas être source de malheur et d’exploitation mais d’accomplissement… Est-ce choquant de vouloir ce qui semble de bon aloi et de bonne justice, éminemment sociale ? Dans un monde capitaliste qui, comme le souligne aussi La Tour du Pin, semble être, avant tout, « la souveraineté de l’argent », le combat pour une bonne pratique de la justice sociale n’est pas un « divertissement d’activiste », il est la condition même d’une vie sociale équilibrée. La Tour du Pin, en catholique conséquent, évoque l’Etat chrétien protecteur du travailleur : au regard de l’histoire de la France, cet Etat ne peut être que royal. Et il n’est obligatoire d’être soi-même chrétien pour le reconnaître et l’approuver : le souci politique de la justice sociale suffit à conclure de la même manière pour une Monarchie royale éminemment sociale, non par conjoncture mais par nature

Jean-Philippe Chauvin






Notes : (1) : Extraits de « Vers un Ordre social chrétien ; Jalons de route, 1882-1907 », Marquis de La-Tour-du-Pin La Charce, édité à la Nouvelle Librairie Nationale, 1907.

(2) : Je précise étatiques, car désormais les grandes puissances économiques sont, surtout, des FCT (Firmes Capitalistiques Transnationales), peu enclines à se soumettre (sauf honorables exceptions) aux Etats eux-mêmes et à leurs règles sociales : nous voici revenus au temps des grands féodaux qui s’émancipent des nécessaires devoirs sociaux qui, normalement, incombent aux puissants envers les moins aisés ou les plus fragiles, et, au-delà, envers le bien commun…

(3) : Le surnom de la Bourse, dans des temps pas si anciens que cela…

(4) : Selon la fameuse formule attribuée au général de Gaulle qui, en lecteur ancien de Maurras et en conformité avec la tradition capétienne – au moins sur ce plan… – considérait que le bon usage du « politique d’abord » était le meilleur moyen d’assumer et d’assurer les charges et devoirs de l’Etat et la protection de la nation et de ses citoyens, et de faire « de bonnes finances »…

(5) : Ce n’est d’ailleurs pas la motivation ni le but d’un tel accord…

(6) : Je ne parle donc pas des grandes sociétés soucieuses de s’ouvrir de nouveaux marchés à moindres frais, au bénéfice de leurs propriétaires comme de leurs actionnaires, mais bien plutôt des petits et moyens agriculteurs, qu’ils soient français, européens ou, de l’autre côté de l’Atlantique, brésiliens ou uruguayens, qui risquent de faire les frais de ces échanges inégaux et, finalement, économiquement comme socialement injustes.



René de la Tour du Pin, théoricien royaliste.

Il y a un siècle, le 4 décembre 1924, s’éteignait le marquis René de La Tour du Pin. Catholique fervent et royaliste non moins fidèle, La Tour du Pin a lutté à la fois contre le capitalisme libéral et contre le socialisme marxiste : il a souhaité la concorde sociale et milité pour le respect des travailleurs et la dignité du travail sans céder aux facilités de la démagogie ou de la posture activiste. Il a dénoncé le système économique capitaliste dont il disait qu’il était « la souveraineté de l’argent ». Son espérance s’incarnait dans la Monarchie fédérative et sociale par essence.
Cent ans après sa disparition, un colloque lui sera consacré samedi 7 décembre, à Paris.

Le traité Mercosur, nous n’en voulons pas !

La reprise de la contestation agricole ces derniers jours n’est pas vraiment une surprise : les promesses faites aux agriculteurs l’hiver dernier sont largement restées lettre morte, d’autant plus depuis la dissolution hâtive et désordonnée de l’assemblée nationale en juin dernier par le président de la République ! La résistance de la France face à la perspective de la signature du traité dit du Mercosur par l’Union européenne est-elle suffisante pour amoindrir la colère paysanne ? Il semble bien que cela ne puisse plus suffire car la Commission européenne et l’Allemagne (entre autres) sont bien décidées à ne pas tenir compte de la position française sur ce plan-là comme sur beaucoup d’autres ces dernières années : que fera la République française si, d’aventure, le traité est signé ces heures prochaines ? S’inclinera-t-elle (ou, plutôt, s’humiliera-t-elle…) pour respecter les règles d’une Union européenne qu’elle entend ne pas remettre en cause quoiqu’il advienne ? Sacrifiera-t-elle ainsi une grande partie de nos éleveurs (entre autres) auxquels cette même Union impose des règles et des normes qui, pour ne pas être toutes inutiles, sont le plus souvent comminatoires et fort peu appropriées aux enjeux du moment, particulièrement sociaux et, ici, ruraux et agricoles ?

Ce projet d’accord avec les pays d’Amérique du Sud révèle à l’envi toute l’hypocrisie d’une Union qui se veut écologiquement irréprochable chez elle (ce qui peut prêter à sourire, en fait) mais accepte toutes les dérives loin du continent européen, comme si l’éloignement garantissait l’impunité aux destructeurs de la forêt amazonienne et de la savane du Cerrado : en somme, l’Union européenne délocalise les productions agricoles de son propre continent après avoir laissé les grandes entreprises délocaliser notre industrie depuis plus de quarante ans, avec les conséquences économiquement et socialement désastreuses que l’on connaît… L’environnement des pays sud-américains et les emplois des agricultures européennes seront les principales victimes de cet accord « bœuf brésilien contre voitures allemandes », mais qu’importe aux idéologues de la mondialisation libérale qui ne jurent que par le libre-échange et en oublient les producteurs de base !

Il est pourtant bien possible que nous arrivions à la fin d’un cycle, et que le temps du libre-échange incontesté soit en passe d’être révolu : le durcissement probable de la politique d’extrême protectionnisme des Etats-Unis dans les mois prochains et la prise de conscience de nombre d’Etats qu’un protectionnisme raisonnable est d’abord préservateur de leurs propres intérêts et qu’il tend aussi à diminuer les effets d’une circulation trop intensive (et fortement carbonée…) des produits autour de la planète, sont autant de signes annonciateurs de cette dévaluation dans les esprits de la logique (et de la pratique ?) de la mondialisation sans entrave. L’empressement allemand à signer le traité avec le Mercosur se conjugue désormais avec la peur de la désindustrialisation Outre-Rhin, ce processus qui a commencé tranquillement en 2016 sans, alors, alerter la chancelière Merkel ni les acteurs publics allemands persuadés de l’éternité de l’industrie triomphante allemande.

Les agriculteurs français ne doivent pas faire les frais de l’aveuglement des élites mondialisées qui siègent à Bruxelles ou à Francfort, ni de la faiblesse et de la bêtise d’une République française qui a, depuis plus de quarante ans, si systématiquement désarmé industriellement et productivement le pays, au risque d’une dévitalisation économique et d’une explosion de l’endettement (public comme privé) français. « Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances », affirmait crânement le baron Louis au pouvoir royal en 1830 : sa formule devrait inspirer tous ceux qui se targuent aujourd’hui de se mêler de politique et des affaires de l’Etat : cela leur éviterait quelques errements…






Les ouvriers, ces « invisibles » de la mondialisation…

Pendant les élections législatives et après celles-ci, la question ouvrière est passée presque inaperçue, alors même que nombre d’entreprises annonçaient fermetures d’usines en France et délocalisations, y compris de marques emblématiques…


Poulain et Saupiquet, deux noms de marques qui résonnent encore dans les mémoires françaises des générations des Trente Glorieuses, et qui sont éminemment symboliques d’une France traditionnelle alors en voie de modernisation : et pourtant ! Aujourd’hui, ces deux marques emblématiques sont en voie de disparition, condamnées à la fermeture par des directions de groupe qui pensent « international » avant « social », et espèrent dégager plus de profit immédiat pour leurs actionnaires, au détriment, donc, des salariés considérés, en définitive, comme une simple variable d’ajustement : la profitabilité (1) prévaut sur toute autre considération et, il faut le répéter, ce n’est ni bon ni juste. Les arguments déployés par la direction du groupe propriétaire de la marque Poulain, née en 1848 à Blois, sont d’une simplicité et d’un cynisme absolus : « Le groupe Carambar & Co entend conserver la marque, mais veut produire le chocolat ailleurs- sans préciser encore où – et pour moins cher. (2)» C’est donc d’une délocalisation spéculative dont il s’agit, et qui garde la marque française comme argument (rassurant) de vente mais se débarrasse des travailleurs comme d’un papier d’emballage gênant, sans respect ni pour eux, ni pour le territoire concerné (le Blésois), dont on sait qu’il subira les conséquences négatives de cette disparition de ce qui est plus qu’une usine et une marque, mais un patrimoine industriel et un écosystème lié à la production du chocolat sous toutes ses formes (tablettes, poudres, etc.). Le plus choquant est aussi que c’est un groupe français (et non étranger) qui pratique cette politique du désastre, montrant ainsi le peu de cas que les dirigeants d’entreprise, quand ils n’ont pas ce sens de l’appartenance nationale (le fameux patriotisme économique, vanté par l’Etat mais moqué par les puissances d’argent et les techno-bureaucrates du pays légal ou de l’Union européenne) mais bien plutôt l’esprit de la mondialisation, celui d’un « seul monde » qui permet d’oublier leurs devoirs sociaux à l’égard de leurs propres concitoyens ! Comment « faire nation » quand les acteurs économiques ne pensent plus qu’à « faire profit » ? (3)

Dans le même temps, en ce début d’été agité, le cas de Saupiquet est aussi peu médiatisé que celui de Poulain : cette invisibilisation de la question ouvrière est révélatrice de la coupure entre des élites urbaines qui s’émeuvent beaucoup plus facilement du licenciement d’un humoriste controversé que de celui de centaines de gens sans histoires et n’ont pas un mot ni une larme pour ceux qui souffrent de l’abandon industriel, et un pays réel, le monde du travail dans les territoires périphériques de la métropolisation, qui se sent dépossédé de son identité professionnelle et de son patrimoine économique au nom d’une mondialisation antisociale dont, pourtant, il leur est dit, doctement, qu’ils en profitent en tant que consommateurs… Or, l’existence et la valeur d’une personne et d’une communauté ne se mesurent pas à leur pouvoir d’achat, fut-il élevé par rapport à tant d’autres de par le monde, mais à leur pouvoir de création et de production de ce qui peut leur permettre de vivre dignement et, surtout, d’être au monde : c’est ce que voulait signifier la philosophe Simone Weil (4) quand elle expliquait, en des temps où l’exploitation dévalorisait salement le travail et abêtissait les travailleurs en France (5), que « le travail est la grande chose, c’est par le travail qu’on s’affranchit, c’est par le travail qu’on est libre ». Priver des ouvriers de leur emploi, de leur travail, c’est les désarmer face au monde, c’est les désocialiser, les anonymer, voire les faire disparaître aux yeux des autres, tout en les culpabilisant le plus souvent, comme s’ils étaient responsables de la mauvaise gestion ou des appétits de leurs dirigeants d’entreprise ou d’usine. Dans ces cas-là, les syndicats contemporains ne sont que des pis-aller pourtant nécessaires, qui ont le mérite d’exister et de faire pression pour permettre au moins une indemnisation convenable (mais est-ce suffisant ? C’est douteux…), mais ils paraissent néanmoins impuissants face aux lourdes machines de guerre (économique et sociale) que sont les groupes mondialisés et face à l’esprit de fatalisme qui érode toute résistance sociale sur le long terme (sauf exception, dont la coopérative « 1336 » est l’illustration la plus significative tout autant qu’elle est particulièrement – du moins, pour l’instant – isolée (6)…).




Notes : (1) : Cette notion a été évoquée dans un précédent article, publié dans Le Bien Commun, revue royaliste de l’Action française de juin 2024.

(2) : Le Monde, mardi 18 juin 2024, page 15.

(3) : En y regardant de plus près, les groupes industriels ou financiers qui défendent plus que jamais « l’ouverture au monde » (sic) et la « nécessaire adaptation » des Français aux mécanismes de la mondialisation économique, apparaissent comme de véritables séparatistes parce qu’ils ne veulent plus participer à l’économie nationale et à ses nécessaires et fondamentales solidarités sociales (y compris fiscales, même si, sur ce point précis, il serait largement temps de remettre à plat tout le système, désormais inapproprié aux enjeux du moment et aux besoins de la France, en particulier sur le plan des initiatives et de l’inventivité, trop taxées pour les motiver sur le long terme). L’Argent prévaut, pour eux, sur toute autre considération, ce qui n’est évidemment pas nouveau et ce que condamnait fermement La Tour du Pin, persuadé qu’il faudrait, parfois, tordre le bras de ces mercenaires de si mauvaise volonté nationale pour faire respecter le simple équilibre social nécessaire…

(4) : Lors de l’épreuve de philosophie du mardi 18 juin 2024, un texte de Simone Weil extrait de « La condition ouvrière » (un recueil d’articles rédigés avant la guerre de 1939-45) fut donné aux candidats de Terminale, l’occasion de constater que la philosophe (décédée en 1943) n’était pas aussi connue qu’elle mériterait de l’être, nombre d’élèves l’ayant confondue avec l’ancienne ministre giscardienne des années 1970… Son ouvrage sur le travail à l’usine est, plus qu’un témoignage, une véritable réflexion sur la nature même de la société d’exploitation capitaliste, et sur ses effets sur les corps comme sur les esprits.

(5) : Il n’est pas interdit de penser que cette situation reste d’actualité dans nombre de pays où les Firmes Capitalistiques Transnationales implantent désormais leurs usines pour en diminuer le coût et améliorer les bénéfices, au détriment des conditions de travail et de l’environnement local…

(6) : 1336 est une coopérative née de la lutte des salariés de la marque l’Eléphant, propriété du groupe agroalimentaire Unilever. Là encore, ce groupe, pourtant bénéficiaire, décide de délocaliser et de déménager les machines de Gémenos (dans les Bouches-du-Rhône) vers la Pologne. Après un combat de 1336 jours, entre grève et occupation de l’usine (de 2010 à 2014), Unilever renonce à reprendre les machines et les ouvriers fondent une SCOP (Société coopérative et participative) dans la foulée. Depuis, cette entreprise fonctionne et ses produits se vendent dans toute la France. C’est ainsi la preuve qu’il n’y a pas de fatalité et qu’une lutte intelligente, enracinée dans un territoire et favorisée par des familles solidaires (à défaut de pouvoirs publics terriblement absents ou peu efficaces sur ce dossier), peut aboutir au maintien d’une production locale et sociale.

Solidarité royaliste avec les travailleurs !

En quelques semaines, la liste des usines menacées de délocalisation ou de fermeture n’a cessé de s’allonger tandis que la classe politicienne, le « pays légal », donnait le triste spectacle de son incompétence et de sa soif insatiable de pouvoir, se partageant les postes sans savoir même avec qui gouverner : dans ce jeu politicien, l’intérêt général et le souci des Français et de notre pays ont été négligés, voire carrément oubliés ! La Cinquième République, conçue par son fondateur pour empêcher le règne des partis et le désordre parlementaire, semble s’achever dans la confusion et, même, le déshonneur

Cette scandaleuse page politique de notre pays ne doit pas nous faire oublier le nécessaire combat social pour préserver les écosystèmes économiques locaux et les emplois industriels et tertiaires qui y sont liés : à Blois, l’usine Poulain de Villebarou (109 salariés) ; à Quimper, l’usine Saupiquet (155 emplois) ; dans le Loiret, le verrier Duralex (228 salariés) ; en Vendée, l’usine de meubles Gautier (700 emplois) ; à Nantes, l’usine de pompes à chaleur Saunier Duval (250 emplois supprimés) ; etc. Sans oublier l’entreprise Caddie, malheureusement en liquidation judiciaire depuis le jeudi 18 juillet qui laisse sur le carreau des centaines de salariés et leurs familles, dans une indifférence quasi-totale du « pays légal »…

Pour chacun des cas évoqués plus haut, les solutions économiques et sociales peuvent être évidemment différentes, et le combat engagé, en chaque lieu et par les travailleurs concernés (souvent soutenus par une grande part de la population locale), peut prendre diverses formes : mais, dans tous les cas, il faut soutenir les salariés pour maintenir les entreprises en France et éviter la désindustrialisation de multiples territoires, finalement préjudiciable à tous !

Mais, au-delà de ce nécessaire combat, il faut réfléchir aux conditions d’une réindustrialisation favorable aux intérêts du pays (Produire français pour consommer français) ; aux nécessités sociales (assurer un travail digne et utile à tous nos concitoyens) ; aux écosystèmes locaux (refaire un tissu industriel adapté à chaque région et bien intégré dans les territoires, mêmes périphériques). Il faut aussi penser aux conditions politiques favorables à ce grand mouvement de revitalisation productive du pays : au-delà des politiques de circonstances, une stratégie publique s’appuyant sur tous les atouts et acteurs de la France est nécessaire également. Une stratégie sur le long terme que ne permet pas une République prisonnière des jeux de partis et des calculs politiciens, piégée entre deux élections pour la désignation du Chef de l’Etat.

Tout l’avantage d’une Monarchie royale est de placer la magistrature suprême de l’Etat au-dessus des intérêts particuliers et partisans, et de la libérer de la querelle des ambitieux, préjudiciable à la qualité et à l’indépendance de la parole et de l’action de l’Etat. La Monarchie n’est pas un régime parfait (il n’y en a pas sur terre), mais celui qui permet d’utiliser au mieux toutes les compétences et tous les atouts sur le long terme, ce temps long obligatoire si l’on veut aller loin et bien. C’est aussi le régime qui place la justice au centre de ses préoccupations, en servant d’abord les hommes plutôt que l’Argent



Le machinisme ou le règne de l’inhumanité ! :

Nous avons souvent cité l’écrivain Georges Bernanos au sujet de son essai « La France contre les Robots », dans lequel il critiquait la société industrielle et matérialiste dénonçant un progrès technique n’incluant pas nécessairement le progrès humain, où l’un aura même tendance à détruire l’autre. Il écrivait entre autres : « Un monde gagné pour la technique est perdu pour la Liberté. »(Georges Bernanos – La France contre les robots (1946))

Au-delà de l’analyse très juste de Bernanos, dont nous vous invitons à lire l’essai, observons ce qu’il en est en ce début du XXIè siècle pour ce qui est du règne du machinisme…

En 1984, année très Orwellienne, sortit un film hollywoodien qui deviendra culte par la suite : Terminator. Réalisé par James Cameron, avec comme acteur principal, Arnold Schwarzenegger. Ce film raconte l’histoire d’un futur qui opposera l’homme à des machines mues par une intelligence artificielle nommée Skynet. Même si l’histoire se déroule majoritairement en 1984, il n’en demeure pas moins que ce qui s’avérait n’être encore qu’une fiction à cette époque, commence à prendre forme à ce jour…

(suite…)

Le salaire décent, une réponse à la question sociale ?

Dans un précédent article, nous dénoncions l’hubris capitalistique de M. Tavares et des rémunérations peu raisonnables au regard de la décence sociale. Mais, que faire face à ces excès qui semblent devenus si naturels que l’on en oublie parfois ce que devraient être la mesure et, au-delà, la justice sociales ? Plutôt que d’évoquer, à nouveau, la politique d’Etat possible face à cette situation, il nous semble intéressant, cette fois-ci, de regarder ce que les grandes entreprises elles-mêmes peuvent faire pour remettre un peu de social dans l’économie : le cas de Michelin peut servir d’exemple utile et inciter à réfléchir à un « autre modèle »…


Certains, à la lecture des lignes précédentes (cf article précédent sur l’indécence sociale), hausseront les épaules et me taxeront peut-être d’utopiste (version sympathique) ou de démagogue (version classique), voire de dangereux gauchiste (version stupide). Et pourtant ! Si M. Tavares est le symbole d’une indécence sociale qu’il convient de dénoncer, sans doute parce qu’il représente et incarne le capitalisme dans ce qu’il peut avoir de plus odieux (1), il est des patrons qui n’ont pas son cynisme et son avidité, preuve s’il en faut que c’est un système idéologique et son esprit dominant qu’il faut combattre et non les chefs d’entreprise ou les cadres de celle-ci qui n’en sont, trop souvent (mais pas toujours, heureusement !), que le reflet ou les exécutants rendus dociles par l’intérêt ou la peur de ne plus valoir (ou paraître ?) aux yeux de la société contemporaine. Désavouer cette idéologie du capitalisme libéral sans limites ni devoirs et préparer une alternative crédible sur le plan économique et social en s’appuyant sur « les hommes de bonne volonté » tout en travaillant à l’instaurer par le moyen du politique (2), c’est évidemment nécessaire, et toutes les attitudes et initiatives qui améliorent les conditions de travail et de vie des salariés (mais aussi des travailleurs indépendants, bien sûr) sont bienvenues et à valoriser, même au sein du système actuel. Ainsi, les propos récents du patron de Michelin (3) en sont une bonne et bienheureuse illustration, véritable contrepied à la pratique de M. Tavares, et sont la preuve qu’il n’y a pas de fatalité sociale lorsque des valeurs supérieures à celles de l’argent animent les dirigeants industriels.

« Nous vivons dans un environnement turbulent. Nous passons d’un monde à l’autre, industriel à postindustriel (…). Face aux bouleversements de la société, à la question de la rémunération du travail, structurellement insuffisante, (…) les entreprises ont un rôle à jouer. Les gens qui travaillent doivent pouvoir vivre correctement de leur salaire. Il faut qu’ils puissent se projeter, sortir de la survie. (3) » Cette réaction du patron de Michelin à la smicardisation progressive (et éminemment inquiétante car elle témoigne de l’érosion de la valeur attribuée aux travailleurs et au travail lui-même par rapport à la finance et à ses jeux et stratégies) de notre pays est particulièrement intéressante et s’inscrit dans la logique d’une « économie au service des hommes et non l’inverse » telle que l’évoquait le pape Jean-Paul II dans son encyclique sur le travail et que la défendaient les catholiques et royalistes sociaux des temps de l’industrialisation. C’est aussi notre logique et notre combat contemporains pour la faire reconnaître et advenir, malgré l’idéologie franklinienne dominante…

Le salaire décent valorisé par M. Menegaux (salaire digne et juste, pour mieux préciser les choses) doit « permettre à une famille de quatre personnes, deux adultes et deux enfants, de se nourrir, mais aussi de se loger, de se soigner, d’assurer les études des enfants, de se constituer une épargne, d’envisager des loisirs et des vacances. » N’est-ce pas un bon résumé de ce qui devrait être assuré à tous, et pas seulement en France, et que souhaitait ardemment La Tour du Pin (1) ? Mais, à entendre certaines réactions agacées des libéraux de tout crin aux propos du patron de Michelin (4), c’est un véritable scandale, d’autant plus qu’il émane d’un patron d’une grande entreprise : mais ne sont-ce pas ces libéraux qui, par leurs offuscations, raniment ou entretiennent une sorte de lutte des classes (riches possédants façon Tavares contre producteurs de base salariés) que, par ailleurs, ils considèrent comme obsolète ou dangereuse ? Or, dans cette affaire, c’est bien du côté de M. Menegaux qu’il faut chercher la mesure et la justice sociale, celles qui ont manquées aux révolutionnaires de 1791 (5) et aux idéologues capitalistes du XIXe siècle : « Si notre activité économique se réalise au détriment du salaire décent, c’est que nous n’avons pas rempli notre mission. La performance de l’entreprise ne doit pas se construire sur la misère sociale » (3). La décence sociale pour tous, en somme, contre l’indécence sociale, en haut, de quelques uns…


Jean-Philippe Chauvin




Notes : (1) : Le capitalisme est odieux et absolument condamnable quand il oublie la fameuse formule du penseur royaliste La Tour du Pin : « Le travail n’a pas pour but la production des richesses, mais la sustentation de l’homme, et la condition essentielle d’un bon régime du travail est de fournir en suffisance d’abord au travailleur, puis à toute la société, les biens utiles à la vie. » En replaçant les personnes avant les profits, La Tour du Pin remet ainsi la société à l’endroit : il est fort dommage que cette citation soit si peu évoquée et, sans doute, si peu connue…

(2) : En cette occasion, il n’est pas inutile de rappeler tout l’intérêt du « Politique d’abord » évoqué par Maurras, en soulignant qu’il s’agit, non de dire que « tout est politique » (ce qui est le propre de toute pensée totalitaire, en somme), mais de reconnaître que c’est le moyen politique et son affirmation face à l’économique qui peuvent permettre de pérenniser une stratégie sociale digne de ce nom et privilégiant les hommes et leur société d’appartenance (dans toutes ses dimensions) plutôt que les individualismes égoïstes et souvent déconstructeurs.

(3) : Entretien avec Florent Menegaux, président du groupe Michelin, publié dans Le Parisien, jeudi 18 avril 2024.

(4) : L’économiste libéral Jean-Marc Daniel, dans l’émission de Nicolas Doze les experts (sur BFM Business) du jeudi 18 avril, a mené une charge terrible et fort injuste contre les affirmations de M. Menegaux, y voyant même un danger pour l’économie toute entière… En somme, « cachez ce souci social que je ne saurai voir » ! Triste, et tellement révélateur de cette idéologie libérale si peu sociale qui domine dans les milieux dirigeants occidentaux (entre autres)…

(5) : 1791, l’année maudite pour les travailleurs français : les lois d’Allarde et Le Chapelier de mars et de juin ont été écrites et validées au nom de la fameuse « liberté du travail » (si mal nommée, en fait) et que Maurras moquait en la surnommant, au regard de ses intentions comme de ses applications, « la liberté pour le travailleur de mourir de faim », le travail étant devenu le jouet du possédant (financier ou industriel) doté de capitaux quand l’ouvrier n’avait plus de « métier » en tant que tel, mais juste sa force de travail à louer, celle de ses bras, en espérant en tirer un prix lui permettant tout juste de survivre dans un monde industriel et urbain pourtant de plus en plus riche, mais surtout, alors, de plus en plus injuste…

L’indécence sociale, fruit du capitalisme sans mesure.

Quand le sportif Lionel Messi arriva au Paris-Saint-Germain, une petite affichette manuscrite fleurdelysée et signée des Royalistes sociaux fut apposée non loin du Parc des Princes : « Messi, 41 millions d’Euros annuels ! Combien pour une infirmière qui sauve des vies ? 1 300 fois moins ! Halte à l’indécence ! », proclamait-elle crânement, sachant que les fidèles soutiens de l’équipe de balle-au-pied s’en offusqueraient, ce qui ne manqua point d’arriver, effectivement. Depuis, chaque année au moment des transferts de joueurs et des enchères étonnantes autour de quelques uns d’entre eux, ainsi que lors des assemblées générales d’actionnaires des grandes Firmes financières ou industrielles, les mêmes causes entraînent les mêmes indignations, dans une sorte de rituel immuable où chacun, selon son étiquette politique, tient son rôle et entretient son discours. Mais, au bout du compte, malgré les grandes envolées lyriques et les « Plus jamais ça » gouvernementaux, rien ne change, si ce n’est les chiffres, toujours plus hauts, des rémunérations des heureux bénéficiaires des largesses des propriétaires de clubs ou des conseils d’administration des entreprises… Ainsi, ce printemps, c’est – encore – Carlos Tavares, directeur général de Stellantis (entreprise automobile née de la fusion de Fiat et de PSA) qui anime cette chronique annuelle et perpétuelle, avec une rémunération de 36,5 millions d’euros pour l’année passée 2023 (votée par 70 % des actionnaires de Stellantis le 16 avril dernier), soit 13 millions de plus (soit 56 % en sus) que pour l’année précédente.

« Le trop est l’ennemi du bien », dit la sagesse populaire : cette formule s’applique tout à fait à la situation de M. Tavares, mais ne faut-il pas aller plus loin que cette indignation facile et poser ainsi quelques jalons d’une politique assumée de justice sociale, dans une mondialisation qui semble se rire des Etats et de leurs velléités sociales ? Tout d’abord, précisons notre point de départ : l’égalitarisme est une absurdité et les inégalités peuvent être protectrices quand elles prennent en compte les réalités et la diversité des situations possibles du travail et de ses revenus dans notre société ; ce ne sont donc pas les inégalités qui posent problème mais leur démesure sans justification crédible : elles deviennent alors des injustices sociales, et condamnables en tant que telles. De plus, ce n’est pas la richesse qui est choquante, et il est même fort heureux qu’une société ait un nombre de riches assez important pour oser investir et faire vivre nombre de métiers du luxe et de la qualité valorisée ; en revanche, ce qui scandalise, c’est l’accumulation abusive et statique des richesses aux mains de quelques uns, et l’irrespect des devoirs sociaux (et fiscaux) qui sont, pourtant, la contrepartie de la richesse et de sa reconnaissance dans une société équilibrée. C’est aussi, pour certaines fortunes, la malhonnêteté des moyens mis en action pour les acquérir, ou la violence économique et sociale qui y préside… Là encore, il convient de « savoir raison garder » et de faire la part des choses pour éviter de tomber dans une démagogie de mauvais aloi qui est souvent la marque d’une envie mortifère et la prémisse d’une destruction égalitaire inappropriée et forcément injuste.


Dans le cas spécifique de M. Tavares, certains diront que sa rémunération (six fois plus élevée que la moyenne de celles des grands patrons du CAC 40 français) reste néanmoins en-deçà de celles des grands dirigeants d’entreprises états-uniennes, argument pourtant peu compréhensible pour nombre de patrons et d’ouvriers français qui n’ont pas l’impression de démériter et se contentent de rémunérations beaucoup moins profitables. Bien sûr, l’on nous rétorquera qu’il faut prendre en compte l’importance de la firme multinationale que dirige M. Tavares et le nombre de salariés de celle-ci, ainsi que la situation de celle-ci sous sa direction, et il serait effectivement malhonnête de ne pas le reconnaître. Mais, dans le même temps, les salaires des cadres et des ouvriers n’ont pas connu la même progression, et la redistribution de 10 % des 19 milliards d’euros de bénéfices aux salariés du groupe (mais pas aux intérimaires) reste bien loin des 4,2 milliards d’euros versés aux actionnaires au titre des dividendes : le travail passe donc après la finance, une fois de plus, et cela paraît fort symbolique sans que cela soit dans le bon sens…

Dans une optique royaliste de justice sociale, c’est pourtant l’inverse qui devrait être la norme : le travail récompensé avant le capital investi ; les travailleurs avant les actionnaires, en somme, sans pour autant nier le rôle utile de ces derniers dans le financement de l’entreprise…



(à suivre : le salaire décent, une réponse à l’indécence sociale)






Pour des panneaux solaires français.

La transition énergétique se veut aussi une transition écologique, mais l’est-elle vraiment ? Il est permis d’en douter au regard de quelques éléments trop souvent négligés par ceux qui vantent l’écologie sans réfléchir à ses effets sociaux autant qu’environnementaux : l’incantation remplace trop souvent la réflexion et le court-termisme empêche de mener une véritable stratégie écologique, crédible et efficace. L’exemple des panneaux solaires est fort révélateur : vantés comme un moyen écologique de produire de l’électricité verte (ce qui n’est pas tout à fait exact si l’on considère l’extraction des matières premières nécessaires à leur fabrication et la difficulté de leur entretien et de leur recyclage), ils sont aujourd’hui fabriqués en grande majorité en Chine (1), au risque de tuer toute la filière européenne et française du secteur, tout cela dans l’indifférence totale de ceux qui invoquent l’écologie pour les élections mais l’oublient dans la réalité ! Là encore, la distinction maurrassienne entre le légal et le réel peut s’appliquer sans trop de difficulté…

Dans la revue Transitions et énergies de ce mois-ci, un article met en garde contre l’extinction complète du secteur solaire en Europe : « Si rien n’est fait, l’industrie européenne des panneaux solaires va purement et simplement disparaître. (…) La situation est assez simple. Il y a une surproduction mondiale de panneaux qui a conduit à un effondrement des prix et l’industrie européenne est incapable de faire face à la déferlante depuis deux ans de productions chinoises à prix cassés. » Ce que confirme Le Figaro (sur internet) à propos du péril qui pèse sur « l’un des derniers producteurs français de panneaux photovoltaïques » (2), l’entreprise Systovi aujourd’hui menacée de disparition : « Cet été, un « retournement brutal » est survenu : « Les Chinois ont divisé leur prix par deux en quelques semaines », se souvient le patron, qui précise que leurs concurrents vendent à perte. (…) « L’opération commerciale des industriels chinois, dont j’estime qu’elle est subordonnée et coordonnée (je n’ai pas de preuves mais c’est trop simultané et rapide) a mis un coup énorme aux carnets de commande des industriels européens », regrette Paul Toulouse. Si, sur une installation solaire, le panneau ne représente que 10 à 20% du coût total, « sur un total de 8000 euros, par exemple, cela fait 1000 euros ». Un coût non négligeable qui en incite plus d’un à tirer un trait sur le « Made in France ». » Cet exemple devrait inciter à se prémunir contre la concurrence déloyale permise par un libre-échange et une mondialisation qui priorisent les consommateurs au détriment, trop souvent, des producteurs : le prix bas à l’achat, véritable carburant de la société de consommation comme peuvent l’être le « désir infini » évoqué par Daniel Cohen, et la néophilie permanente déjà dénoncée par Konrad Lorenz dans les années 1970, cache trop souvent une stratégie asociale (voire antisociale) des grands groupes transnationaux qui peuvent exploiter sans vergogne des populations ouvrières mal payées, ces fameuses « classes sacrificielles » qui servent de marchepied aux puissances émergentes et aux générations futures promises à l’embourgeoisement, à cette moyennisation pas toujours heureuse des sociétés de la mondialisation.

Dans cette logique de la mondialisation concurrentielle, les producteurs français et européens sont défavorisés et mal protégés, et trop souvent abandonnés par l’Etat ou par les clients qui raisonnent, surtout pour ces derniers, en consommateurs à court terme, fort peu civiques quand le porte-monnaie est en jeu. Mais l’Union européenne n’est-elle pas aussi responsable du malheur des industries des énergies renouvelables locales ? « Les institutions européennes semblent considérer qu’accélérer l’équipement de l’Union en panneaux solaires, grâce à des équipements très bon marché, pourrait permettre d’atteindre les objectifs impossibles de production d’électricité décarbonée renouvelable. Et cela vaut bien le sacrifice final de l’industrie solaire européenne… », s’inquiète Transitions et énergies. Mais alors, n’est-ce pas lâcher la proie pour l’ombre et s’en remettre à des acteurs étrangers qui, le jour venu, penseront d’abord à leurs intérêts plutôt qu’à ceux des pays européens et de la France en particulier ? Le patron de Systovi paraît bien plus responsable que les institutions européennes et que les zélateurs du libre-échange sans entraves : « Si on veut faire la transition énergétique, on ne peut pas la faire en dépendant intégralement de puissances étrangères qui peuvent décider du jour au lendemain de nous arrêter dans notre chemin. Ce n’est pas possible. Il faut qu’on se donne les moyens d’être maître de notre destin », conclut celui qui a déjà lancé l’alerte depuis longtemps auprès des politiques ».

Il faut souhaiter que l’Etat français réagisse vite et qu’au lieu de dépenser à tout-va, il soutienne intelligemment les investissements dans les énergies renouvelables et les entreprises des secteurs stratégiques : sans tomber dans un étatisme jacobin de fort mauvais aloi, il appartient néanmoins à l’Etat de ne pas « laisser faire-laisser passer » quand l’avenir de nos industries vitales (3) est en jeu. Là aussi, l’indépendance industrielle française n’est pas une option souhaitable : elle est une absolue nécessité, y compris pour l’écologie.

Jean-Philippe Chauvin



Notes : (1) : Le transport des panneaux solaires fabriqués en Chine n’est pas non plus une grande manifestation d’écologie : plus le lieu de production est loin du lieu d’implantation, plus l’empreinte environnementale du produit et de son transport est élevée…

(2) Le Figaro, site électronique, vendredi 22 mars 2024.

(3) : Ne dit-on pas, sur toutes les chaînes télévisées et radiophoniques que « l’énergie est notre avenir » ?






Deux siècles d’histoire sociale à la lumière des monarchistes :

Deux siècles d’histoire sociale à la lumière des monarchistes.Olivier Pichon reçoit le professeur d’Histoire Jean-Philippe Chauvin (membre du Groupe d’Action Royaliste) afin d’étudier la dimension sociale de la monarchie française, antithèse de la République libérale d’aujourd’hui.Entretien à retrouver sur TVL