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En politique comme en géopolitique, l’histoire doit être notre maîtresse.

(Cet article a été écrit quelques semaines à peine avant la chute de Kaboul, survenue le 15 août)

Dans quelques semaines, les dernières troupes états-uniennes auront quitté l’Afghanistan, mis à part quelques instructeurs et conseillers de l’armée afghane, et les Afghans seront livrés à leur destin qui pourrait bien prendre les couleurs, plutôt sinistres, des talibans déjà maîtres de la majeure partie du pays. Cette « déroute de l’Occident », comme l’évoque l’hebdomadaire Le Point cette semaine, ne doit pas être négligée et elle doit même servir de leçon, même si les Démocraties semblent avoir perdu le sens de la durée et, peut-être, le sens des choses, préférant le mol oreiller de l’indifférence et de la « bonne conscience » (sic !), plus pratique pour étouffer les réalités qui dérangent.

La principale leçon à tirer (ou à retirer) est que la politique des bons sentiments n’est pas une politique en tant que telle, et que la morale (ou l’émotion ? L’intervention occidentale était censée répondre aux attentats du 11 septembre aux Etats-Unis), si elle peut « légitimer » (mais est-ce le bon verbe ?) une opération militaire, ne peut fonder un nouveau régime politique. Dans Le Point, le diplomate Gérard Araud explique « pourquoi la démocratie ne peut jamais s’imposer, ni s’improviser », et cela nous rappelle aussi que nos révolutionnaires de 1789 avaient utilisé les plus grandes violences (jusqu’à la terreur la plus extrême des années 1793-94, et l’extermination de populations récalcitrantes) pour imposer « leur » conception de la Nation (avec majuscule obligatoire) et « leur » République qui, au demeurant, n’était pas forcément celle du voisin… « Des guerres occidentales pour une vision occidentale du monde se sont heurtées aux dures réalités de sociétés qui sont capables de gagner les premières et de refuser la seconde. » C’est donc « l’échec d’une force occidentale supérieure par la technologie, l’armement, l’entraînement des soldats et la faillite d’une politique aux bonnes intentions, qui visait à instaurer dans ces trois pays (ndlr : Irak, Afghanistan, Mali) une démocratie respectueuse des droits de l’homme et de l’égalité des sexes ». Pourtant, les Etats-Unis et leurs alliés pensaient pouvoir reproduire sans trop de difficultés le schéma de la Seconde guerre mondiale et, surtout, de sa « réussite démocratique » en Allemagne (de l’Ouest) et au Japon après 1945, oubliant qu’il y avait là, déjà, des Etats politiques constitués et un sentiment national que les guerres et les défaites avaient, somme toute, renforcés. Ce n’était pas exactement le même cas de figure dans ces pays du Sud dont l’unité tenait parfois à un « sacré » local ou historique que l’Occident n’a pas su apprécier et savamment utiliser… Ainsi, le refus définitif des Etats-Unis de restaurer comme chef d’Etat celui qui avait été, quarante ans durant, le roi d’Afghanistan (Zaher Shah, décédé en 2007) et qui était respecté par les clans et les populations afghanes au-delà de leurs différences ethniques, voire religieuses, a sans doute largement contribué à l’échec final des tentatives de pacification occidentales : quand un conquérant ou un « envahisseur » (selon les points de vue, fort tranchés sur cette question) oublie l’histoire pour ne privilégier qu’une conception morale de la politique ou son seul intérêt « égo-politique » (plus encore que géopolitique), la réussite est fort douteuse et rentre même dans le domaine de l’utopie, c’est-à-dire de la construction d’un cadre politique et d’une société rêvée sur les sables mouvants d’une réalité qui, en fait, se dérobe… C’est ce qu’avait d’ailleurs compris le président états-unien Truman en 1945 en laissant l’empereur Hiro-Hito sur le trône du Japon tout en faisant condamner à mort ses principaux ministres et généraux accusés de crimes de guerre sur la période 1928-1945. George W. Bush et ses « faucons », perdus dans leur croyance en une irrémédiable « fin de l’histoire » qui aurait été favorable au modèle politique et de société états-unien, n’ont pas eu l’intelligence de leur prédécesseur, successeur légal et malin de Roosevelt.

Pourtant, au début des années 2000, l’illusion était belle : « Il était néanmoins légitime d’espérer, à Washington, à Bruxelles ou à Paris, qu’Irakiens, Afghans et Maliens se joindraient aux forces venues les libérer de l’oppresseur et leur apporter les bienfaits de la démocratie ; ils auraient pu tirer parti des élections pour se doter d’institutions solides et de dirigeants intègres. S’ils ne l’ont pas fait, c’est parce qu’ils n’étaient pas préparés à passer sans transition d’une société autoritaire et patriarcale à une démocratie. » L’un des problèmes réside aussi dans la définition même de « démocratie » qui, en fait, ne peut être la même partout au risque de se renier elle-même si elle est définie, par exemple, par un modèle institutionnel fonctionnant sur la règle majoritaire à intervalles réguliers (les élections) ; si elle est comprise comme un mode de vie social privilégiant l’individu et sa liberté personnelle au détriment de ce qui, dans le pays considéré, « fait corps et sens », elle apparaît aussi en contradiction avec la démocratie politique qui fait de la majorité exprimée du corps électoral (à un moment donné, majorité qui n’est pas forcément confirmée par le moment suivant) la source des lois et des contraintes légales, au-delà des enjeux proprement religieux. Ces difficultés n’ont pas été réglées par des interventions militaires qui se voulaient « démocratiques » mais paraissaient, dans le même temps, violer le principe même d’une politique souveraine des Etats considérés et envahis : les discours des Etats occidentaux n’étaient pas forcément illégitimes mais ils n’étaient pas non plus forcément compréhensibles par des populations locales qui oubliaient vite le bien accompli par les forces occidentales (la libération de leurs villages jusque-là occupés par des groupes armés belliqueux à leur égard, par exemple, et la mise à distance du péril des extrémistes islamistes ; etc.) pour n’en considérer que les côtés moins heureux, à tort ou à raison d’ailleurs.

« Les Occidentaux ont fait comme s’il suffisait d’édicter une Constitution et d’organiser des élections honnêtes pour voir fonctionner une démocratie. Il a fallu deux siècles aux Européens pour y parvenir tant bien que mal », et notre propre histoire nationale nous rappelle cet impératif du temps long pour enraciner des institutions ou des habitudes politiques qui « apaisent » les tensions toujours sensibles (et la période actuelle n’en est pas exempte, loin de là !) : ce n’est pas la Révolution qui a ancré la démocratie représentative (1) en France, mais bien plutôt les Monarchies qui l’ont suivie, avec la Charte et l’établissement d’assemblées (deux, au niveau national) qui « font les lois » (à défaut de toujours les inspirer) quand l’Etat les fait appliquer après les avoir promulguées et, souvent, « appelées » et préparées. Et les régimes suivants ont poursuivi ce long travail de « parlementarisation » de la vie politique, au risque parfois de faire basculer cette dernière dans un parlementarisme excessif et de mauvais aloi dont le général de Gaulle voudra, à son heure, libérer le pays par la Constitution de la Cinquième République. S’il n’est pas complètement assuré que la démocratie soit forcément « arrivée à bon port » (2), il n’est pas interdit de considérer que certains de ses acquis sont bénéfiques quand d’autres appellent la pratique d’une tradition critique, mais dans le cadre préexistant d’un pluralisme politique qu’il convient de préserver et, même, d’abonder, à rebours des tendances globalitaires des courants « d’effacement » contemporains…

Aurait-il fallu, au regard de nos traditions politiques et de leurs fortes contradictions d’avec les principes de vie de pays comme l’Afghanistan, l’Irak ou le Mali (entre autres), s’abstenir d’aller « mourir pour Kaboul » ou « pour Tombouctou » et, donc, préserver la vie de nos propres soldats, la France ayant payé un tribut très lourd ces dernières décennies dans les opérations extérieures et dans les actes terroristes frappant notre pays en son cœur (particulièrement en 2015-16) ? La tentation d’un désengagement complet de notre pays des affaires du monde pour se replier sur le pré carré français ou la construction européenne est forte et elle satisfait ceux qui ne voient plus dans les Etats que de simples gendarmes de la société de consommation et de distraction contemporaine (la fameuse « société distractionnaire » moquée par Philippe Muray) ; mais elle n’est pas, en fait, satisfaisante pour qui pense en termes de temps long et de pérennité d’un modèle de civilisation qui, pour imparfait qu’il soit, nous donne des raisons de vivre et nourrit encore les espérances d’une grande part de nos compatriotes qui ne limitent pas leur appartenance au pays à une simple question digestive… De plus, ces combats lointains s’inscrivent aussi dans la préservation de nos frontières, aussi éloignées soient-elles, et nous parlons, là, de la France : des frontières qui ne sont pas, d’ailleurs, que physiques mais symboliques, intellectuelles, civilisationnelles. « Le monde a besoin de la France », s’exclamait Georges Bernanos. Le général de Gaulle, son lecteur fidèle, le pensait aussi, maintenant ou relevant (malgré le déclin des décennies précédant son « règne ») le rang de la France dans le grand concert des nations, et cela malgré une stratégie qui, en Algérie, aurait sans doute pu être différente.

En fait, il me semble de plus en plus que l’erreur originelle est d’avoir trop « occidentalisé » les interventions extérieures, dans une logique états-unienne de « colonialisme démocratique » (qui, en temps de paix, porte le nom de « Développement », comme l’a justement signalé depuis fort longtemps le décroissant Serge Latouche), et cela au lieu de jouer la carte qui fut celle du militaire français Lyautey en son temps au Maroc, celle que l’on pourrait baptiser « l’adaptation conviviale » : s’appuyer sur les populations locales et sur leurs traditions pour les mener, peu à peu (même si le plus tôt serait le mieux), sur le chemin d’un « minimum politique » (en attendant et en espérant mieux, même si le calendrier peut être long dans certains pays et pour certaines populations avant d’atteindre les canons « universels » d’une vie politique pluraliste et apaisée souhaitable). Comme le souligne avec raison Gérard Araud : « on n’instaure une démocratie ni avec un marteau ni avec des baïonnettes, comme ont essayé de le faire en vain Américains et Français. On ne l’impose pas ; elle doit répondre aux besoins des populations même si elle ne correspond pas aux normes américaines et européennes ». Cela ne doit pas nous empêcher de prôner quelques uns des éléments (voire des fondements) de notre civilisation (en politique comme dans la vie sociale), mais sans les confondre avec la société de consommation qui oublie l’esprit ni avec la démocratie parlementaire et oligarchique qui ne correspond pas forcément à ce que les peuples locaux veulent faire de leur destin ; ce destin qui doit rester le leur, tant qu’il n’atteint pas le nôtre en cherchant à le subvertir ou à le détruire pour installer « leur » ordre, politique ou religieux, qui n’est pas et ne peut être le nôtre… C’est parce que la France sera sûre d’elle-même (et capable de défendre, y compris militairement, sa particularité historique et civilisationnelle) qu’elle pourra, non seulement vivre et « sur-vivre » face aux risques du monde, et qu’elle pourra entraîner des nations et des peuples, non à lui ressembler, mais à s’inspirer d’elle. Et confirmer ainsi son éternité nécessaire…




Notes : (1) : Il s’agit là de la démocratie électorale dite représentative (même si elle peut accepter, rarement, des formes de démocratie plus directe comme le référendum), au sens d’une participation indirecte des citoyens aux affaires d’un Etat pourtant – ou par conséquent ? – de plus en plus intrusif au cours de ces deux derniers siècles, ce que relevait, avec une certaine inquiétude, Bertrand de Jouvenel dans « Du Pouvoir » dès les années 1940.

(2) : Il faut bien se rappeler que la démocratie telle que nous la connaissons n’est sans doute pas « définitive », ne serait-ce que parce que l’histoire institutionnelle n’est jamais figée même si elle peut paraître fixée, et que le rapport aux pouvoirs des communautés et des personnes peut nécessiter d’autres formes d’institutions et de préjugés politiques pour satisfaire le corps civique en ses différentes acceptions.

Illustration : l’ancien roi d’Afghanistan, Zaher Chah.

L’âme de la France ne meurt jamais.

Le père Olivier Maire est mort, assassiné par celui à qui il avait tendu la main. Son sacrifice prouve à notre société et à notre temps que des valeurs plus hautes que la consommation, le confort ou l’individualisme, existent et vivent, et qu’elles nous donnent, non pas des moyens d’existence mais des raisons de vivre, au-delà de nous-mêmes. Que ce sacrifice ait lieu sur la terre de Vendée qui a, jadis, prouvé que la foi en Dieu ouvrait souvent, dans les années les plus tristes de la Révolution française, les portes du martyre, peut être vu comme un intersigne, et montre les liens invisibles entre les temps et les lieux : la Vendée n’est pas un simple lieu, elle est une histoire, un peuple sculpté à la fois par la République de la Terreur et par la résistance « catholique et royale », et, à jamais, le nom de Vendée évoque des images terribles et belles aussi. Les colonnes exterminatrices de 1794 et la grande geste de cette armée de paysans et de nobles endimanchés, la laideur d’un Carrier et la jeunesse d’un « Monsieur Henri », le souffle de la haine et le courage du pardon… Ce même « pardon de Bonchamps » que le père Maire avait accordé à l’incendiaire de la cathédrale de Nantes ; ce même pardon que l’Eglise catholique accorde encore dans ses prières au meurtrier, et qui nous rappelle, tragiquement, le sens premier de l’amour christique… « Grâce aux prisonniers », gémit Bonchamps mourant à Saint-Florent-le-Vieil à l’automne 1793, et malgré les horreurs perpétrées par les troupes républicaines, « Bonchamps l’ordonne », les soldats bleus sont épargnés. Dans la noirceur des temps, et nos temps contemporains semblent parfois plus tristes qu’ensoleillés malgré toutes nos techniques, nos médecines et notre espérance de vie, il n’est pas inutile de nous souvenir (pour mieux les accepter et les pratiquer) des valeurs qui sont celles, qu’on le veuille ou non, de notre civilisation française, de ces valeurs hélléno-catholiques qui nous empêchent, ou devraient nous empêcher, de basculer dans le mal, la haine et la vengeance…

« S’en prendre à un prêtre, à un homme d’Eglise c’est s’en prendre à l’âme de la France » : ces mots, prononcés par le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, sont sans doute les seuls que l’histoire retiendra quand l’émotion soulevée par l’assassinat du père Olivier s’apaisera, après les discours et les réactions politiques convenus que le « pays légal » ne manque pas de produire à chaque drame… Que les politiciens, surtout en période présidentielle, soient plus sensibles, cela ne me dérange pas, même si, chez certains, je sens une pointe d’hypocrisie ou de facilité, et quelques arrière-pensées à peine discrètes. Mais j’avoue que, au-delà des polémiques qui, sans doute, ont raison d’être au regard de la situation et des enjeux, cette phrase a profondément retenti en moi, comme au cœur, j’en suis sûr, de nombre de Français, catholiques ou non, royalistes ou républicains. Qu’un ministre de la République évoque ainsi « l’âme de la France » n’est pas anodin, alors que cette même République, plus attirée d’ordinaire vers les grands vents de la mondialisation que par les forêts vivantes de la tradition, a détruit tant des fondations spirituelles et culturelles de notre nation. Est-ce le cœur enraciné de l’homme qui, d’un coup, a dicté ses mots resurgis d’une mémoire dans laquelle se côtoient les « saintes fondatrices de la France » (Blandine, Geneviève, Clotilde, Jeanne d’Arc) et le baptême de Reims ? Je ne sais, mais j’entends.

Oui, la France a une âme, elle est une âme par elle-même : que M. Darmanin nous le rappelle, même « malgré lui », doit nous inciter à ne jamais désespérer d’elle, ni de son éternel miracle toujours renouvelé depuis plus d’un millénaire…



Crise de la participation, crise de la République !

Crise de la participation, crise de la République…

En ce second tour des élections régionales et départementales, l’abstention reste « reine de France », avec des niveaux inégalés, et cela malgré les rappels à l’ordre des institutions de la République et des partis, plus moralisateurs que véritablement politiques. Doit-on s’en réjouir ? Non, car cela signale une maladie qui, au-delà de la République, atteint tout le corps civique français, au risque de compromettre toute politique et le sens même du politique dans une société désormais plus consommatrice que fondatrice…

Cette abstention semble, avant tout, une « réaction générationnelle », les jeunes étant les grands absents du scrutin en boudant les urnes de façon quasi-unanime, ce qui peut inquiéter et doit interroger : pourquoi cette absence volontaire ? Cela indique une méfiance générale des jeunes générations à l’égard d’un système qui ne les écoute pas, et dont ils n’attendent rien. Se contenter de ce triste constat, qui montre aussi l’échec total de la République contemporaine à « faire France », ne suffit pas et les Royalistes ne peuvent s’en contenter, évidemment : il apparaît urgent de restaurer le « souci politique » et de refonder du « lien politique », celui qui unit les Français autour d’un projet de longue mémoire et de long terme, la France. Il appartiendra aux Royalistes responsables de travailler à ce projet, au-delà des étiquettes politiciennes, non dans le ressentiment mais dans l’espérance et la foi en la France et en son destin. Car la France n’est pas finie, et rien ne serait pire que le désespoir qui, en politique, reste la sottise absolue !

De plus, pour redonner vigueur aux Régions, encore faudrait-il entendre les doléances du « pays réel », et, par exemple, celles qui portent sur la valorisation des cultures provinciales et la redéfinition des limites administratives trop souvent absurdes aujourd’hui : ce qui compte n’est pas la taille mais « l’âme » des provinces qui nécessite une nouvelle délimitation de ces dernières. Tout comme il est temps d’oser rendre aux provinces reconstituées des pouvoirs législatifs qui allègent l’Etat et lui permettent, ensuite, de se consacrer au mieux à l’exercice de ses vrais pouvoirs régaliens. « La France intégrale, c’est la France fédérale », disait « le plus ancien fédéraliste de France », le royaliste Charles Maurras.

La crise de la représentation en République ne pourra se résoudre par les habituels discours républicains faits de promesses vite oubliées : il faudra bien, logiquement, poser la question des institutions et, en prévision de « l’avenir que tout homme bien né souhaite à son pays », proposer la Monarchie royale comme réponse éminemment politique à la crise de confiance civique contemporaine.


Groupe d’Action Royaliste, le dimanche 27 juin 2021.


Abstention… Vous avez dit abstention ?

L’abstention spectaculaire lors de ce premier tour des élections régionales et départementales n’est pas une surprise, si ce n’est par son ampleur, inédite pour une élection nationale sous la Cinquième République. A celle-ci, nous distinguons plusieurs causes :


– La reproduction des clivages nationaux, souvent liée à une campagne trop « nationale » quand il s’agissait de voter pour les Régions et les Départements. Néanmoins, la « claque » infligée aux listes gouvernementales reste un signal fort du désaveu de la politique menée par l’actuel gouvernement, sans pour autant remettre en cause les fondements de celle-ci, puisque les listes « traditionnelles » restent dominantes, profitant d’ailleurs de l’abstention elle-même et de la « prime aux sortants » ;

– La « fatigue démocratique » qui est de plus en plus marquée dans notre pays mais aussi dans nombre de Démocraties occidentales, et qui semble liée au discrédit de la démocratie représentative considérée comme trop éloignée des attentes des électeurs concrets, comme l’avait déjà signalé la révolte des Gilets jaunes en 2018-19. Cette dernière se traduit, non plus par un vote protestataire, mais bien plutôt par une « absence électorale » ;

– Une centralisation trop marquée des pouvoirs en République qui empêche encore les Régions de jouer un rôle véritable dans la gestion des crises et la valorisation des atouts de chacune d’entre elles : trop souvent, le « pays légal » est, en fait, le « pays central », au risque de désespérer les citoyens des provinces. De plus, le découpage des Régions pratiqué par la République de M. Hollande au milieu des années 2010 empêche nombre d’électeurs de se reconnaître dans les grands ensembles régionaux, souvent trop artificiels et anhistoriques…

Le Groupe d’Action Royaliste ne peut évidemment se satisfaire d’une telle situation dans laquelle le « pays réel » (au sens global du terme) est si mal représenté et les intérêts des Régions si peu valorisés, et il en appelle à une refondation de la légitimité politique qui ne peut que passer, si l’on veut qu’elle soit efficace et pérenne, par l’instauration, dans les délais les plus raisonnables au regard de l’urgence française, d’une Monarchie royale et fédérale : celle-ci peut permettre, en rendant son indépendance de parole et d’action à la magistrature suprême de l’Etat, une nouvelle forme de représentation nationale, moins partisane et plus concrètement représentative de la pluralité française, de ce que l’on pourrait nommer « les pays réels de France ». De plus, elle autorise, par nature, « des démocraties locales » actives et utiles, au niveau régional, mais aussi communal, sans en oublier les dimensions sociales et professionnelles. C’est en rendant aux Français leurs pouvoirs civiques, à travers des institutions locales qui leur sont proches et dans lesquelles ils peuvent s’exprimer et agir, au-delà des structures de partis et des manœuvres politiciennes, qu’ils reprendront goût à l’engagement civique et électoral, nécessaire à l’harmonie sociale et à la continuité nationale et historique.



Hommage à une victime du terrorisme islamiste, M. Samuel Paty.

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde », s’exclamait Albert Camus jadis, à la suite de Maurras, de Bernanos et de quelques autres encore pour qui les mots ne sont pas de simples alignements de lettres mais ont un sens exact et particulier. Alors, rappelons, face à l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty, quelques vérités simples, tout en lui rendant l’hommage que nous devons, en tant que Français attachés à la nation et à ses libertés publiques comme privées, à ce serviteur de l’Etat, quelle que soit les formes institutionnelles de ce dernier.

Ce professeur est mort assassiné pour avoir fait ce qui était son métier et sa fonction d’enseignant, dans le cadre de l’instruction publique ;
Il est mort assassiné par un islamiste au nom d’une conception étroite du sacré qui ne correspond ni à nos traditions françaises ni à la compréhension et pratiques contemporaines de la religion qu’il prétendait servir ;
Sa tête décapitée nous est jetée à la figure comme une provocation et avec la volonté de faire peur aux enseignants et aux usagers de l’école ;
L’assassin a été accueilli chez nous et son acte est un crachat sanglant sur le visage de notre pays, acte belliqueux qui doit nous inciter à revoir, sans doute, les règles d’hospitalité de notre nation à l’égard de « réfugiés » dont certains n’ont aucunement l’intention de respecter ce que nous sommes en tant que France ;
L’Education nationale n’a pas su, ces dernières décennies, tracer nettement et fermement un destin français pour les nouvelles générations d’ici ou venues d’ailleurs, trop occupée qu’elle était à défendre de grands principes et des « valeurs de la République » qui, trop souvent, ne valent que ce que la République avec ses « affaires » donne comme image d’elle-même ;
La République, évoquée à tout instant par les Autorités, n’est pas la France, mais un instant idéologique de celle-ci, représenté par des institutions dont nous pensons qu’elles desservent aujourd’hui comme hier le bien commun de la France et des Français. Mais nous pouvons comprendre aussi que, par habitude et par usage, ou en suivant la définition ancienne de Res Publica (la « chose publique », c’est-à-dire la Cité et ses œuvres), ce mot soit largement utilisé par nombre de nos concitoyens sincères comme un synonyme de France ;
Dans son acte barbare, l’assassin islamiste a été conforté par la faiblesse de nos Démocraties face à l’islamisme et la crainte devant le mot « islamophobie » qui n’est rien d’autre, le plus souvent, que l’arme des islamistes pour tétaniser leurs adversaires ;
Face à l’islamisme, les bougies et les dessins, aussi sympathiques soient-ils, ne suffiront pas : il faut un Etat digne de ce nom pour faire respecter ce qu’est la France, avec ses qualités et ses défauts, mais dans la ligne de son histoire et de « ce destin heureux que tout esprit bien né souhaite à sa patrie ».

Devant le corps mutilé de ce professeur d’histoire dont nous ne savons rien des idées et des appartenances politiques parce que, en l’occurrence, elles nous semblent secondaires face à l’acte dont il a été victime, nous, Royalistes français, nous inclinons respectueusement.

Qu’il repose en paix.

Les démocraties occidentales impuissantes ?

Les Démocraties occidentales impuissantes ?

Les Démocraties occidentales sont, comme dans les années 1930, faibles et trop souvent désarmées face aux puissances autocratiques ou totalitaires, et elles semblent n’avoir rien retenu de l’histoire, une fois de plus et peut-être une fois de trop : les provocations ottomanes du nouveau sultan Erdogan et la prise de contrôle presque totale du territoire de Hong Kong par la Chine de Xi Jinping marquent une poussée des régimes intolérants qui semble s’accélérer à l’occasion de ce déconfinement qui tourne à la déconfiture économique et idéologique des grandes démocraties occidentales, en partie minées par le communautarisme et le racialisme, deux systèmes idéologiques qui portent le même risque de désintégration des anciens modèles de civilisation sans remettre en cause, loin de là, les idéologies économiques dominantes de la société de consommation et du libre-échangisme mondialisé. L’américanisation des conflictualités internes à notre pays, par exemple, montre bien la porosité de nos sociétés, par les médias comme par la mondialisation elle-même, aux thématiques imposées par les gourous d’une gouvernance qui cherche, par tous les moyens (y compris ceux de la morale ou, plus exactement du moralisme, fort peu politiques s’ils s’avèrent néanmoins politiciens…), à contourner les gouvernements politiques des Démocraties tout en les culpabilisant pour mieux les affaiblir : une stratégie profitable aux Etats non-démocratiques qui s’engouffrent dans les brèches faites par les opinions publiques des Démocraties elles-mêmes, insouciantes du danger à moyen terme (dans le meilleur des cas) d’un effondrement total, qui pourrait être civilisationnel avant d’être militaire… Un effondrement qui n’est pas fatal, mais possible et plausible si l’on n’y prend garde.

Bernanos, ce royaliste intraitable, renvoyait démocraties et totalitarismes dos à dos, allant jusqu’à clamer que « les démocraties étaient les mères des totalitarismes », ce qui rejoignait la pensée de JRR Tolkien qui, lui, l’a traduite dans ses récits du « Seigneur des Anneaux ». Le jugement des deux écrivains catholiques est malheureusement souvent vérifié par l’Histoire, celle que les Démocraties contemporaines, à l’aune de celles d’hier fondées parfois sur la « tabula rasa » révolutionnaire, se dépêchent d’oublier pour mieux « jouir sans entraves », formule idéale des « démocraties consommatoires » nées de la double idéologie franklino-fordiste. Pourtant, les totalitarismes ou les régimes liberticides sont surtout forts de la faiblesse des démocraties libérales, particulièrement européennes, la démocratie états-unienne, plus réaliste et sans doute plus cynique, sachant que son intérêt propre lui intime de ne jamais baisser la garde et de ne surtout pas désarmer : « et à la fin, rira bien qui tirera le dernier », pourrait-on dire, sans même exagérer ! Les Etats-Unis ont « les flingues » et c’est bien leur vraie protection, leur assurance-vie « pour garantir l’éternité », du moins la leur, et pour chercher à démentir le fameux adage « Tout empire périra », véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête des puissances géopolitiques…

Il est une autre puissance, qui n’a pas toujours été notre amie dans l’histoire, qui sait que désarmer est la pire des politiques en temps de paix, car ce serait, surtout pour un pays riche, attirer la convoitise des carnassiers du moment et aiguiser les couteaux des dépeceurs d’empires : c’est le Royaume-Uni qui, lui, n’hésite pas à construire de nouveaux porte-avions et à renouveler régulièrement son armement dont il lui arrive d’utiliser toutes les capacités quand ses intérêts nationaux et ses droits territoriaux, même lointains, apparaissent menacés, comme nous le rappelle l’intervention aux îles Malouines (que les Britanniques nomment Falkland) du temps de Margaret Thatcher face aux troupes de l’Argentine des généraux. C’est d’ailleurs du Royaume-Uni et de Boris Johnson, lointain successeur de Winston Churchill (auquel il a consacré un ouvrage, d’ailleurs), que vient la seule réaction claire et nette face au coup de force chinois qui, depuis une semaine, applique à Hong Kong une loi de « sécurité nationale » qui criminalise toute contestation du régime communiste et de sa politique liberticide, au nom d’une sorte d’unité et indivisibilité de l’ensemble chinois qui nous renvoie au jacobinisme républicain des années révolutionnaires. Sans doute, le Premier ministre de la Monarchie britannique se rappelle-t-il de la fameuse phrase de son illustre prédécesseur qui annonçait, au lendemain des accords de Munich de l’automne 1938, que ce traité n’assurait rien du tout et qu’au lieu de préserver la paix et l’honneur, il amènerait, après le déshonneur, la guerre et, pour certains des signataires, la défaite, ce qui n’a pas manqué d’être vérifié quelques poignées de mois après, et à nos dépens…

Dans cette affaire de l’abandon des habitants de Hong Kong par les Démocraties européennes, seule l’ancienne puissance coloniale a sauvé l’honneur (et sans doute un peu plus), en annonçant être prête à fournir 3 millions de passeports aux Hongkongais, à la grande colère de la Chine qui y voit une ingérence insupportable. En fait, le Royaume-Uni ne cherche pas à « recoloniser Hong Kong » (et cela même si le drapeau britannique est parfois brandi par quelques manifestants comme une sorte de talisman, comme l’était le drapeau français par les Anjouanais en 1997 lors de la « sécession » d’avec la République des Comores…), mais à rester ferme face à la Chine, profitant du Brexit pour affirmer plus clairement ses valeurs et ses options stratégiques quand l’Union Européenne, elle, brille par sa profonde lâcheté face à l’empire de Xi Jinping auquel, il est vrai, elle continue d’acheter masques et textiles divers…

Entendons-nous bien : la politique de la France ne doit pas être d’affronter, ni même de se brouiller avec la Chine communiste, mais d’affirmer son indépendance et son franc-parler sans, pour autant, négliger la diplomatie. Or, les puissances qui se réfugient derrière la ligne Maginot de la couardise et de la facilité sont condamnées à connaître le pire, n’attirant sur elles que le dégoût et le malheur : l’histoire est cruelle pour les insouciants comme pour les faibles, et elle est souvent plus darwinienne que « moralement juste »… Mais, pour parler haut et fort aux autres pays et aux grandes puissances, encore faut-il une colonne vertébrale et des poings, ceux qui peuvent frapper fort pour se protéger si besoin est : pour cela, il faut un Etat digne de ce nom et une politique de puissance appropriée pour se faire respecter et tenir son rang sur la scène internationale, avec le risque assumé de déplaire parfois.

« Armons, armons, armons », hurlait, en vain, Maurras dans L’Action Française des années 1920 et 30, et il ne parlait pas que de moyens militaires mais de politique d’Etat, et d’état d’esprit. Maurras, entraîné dans le déshonneur d’une guerre et d’une défaite qu’il a tout fait pour éviter (et, en cela, il doit être salué), mérite d’être écouté, maintenant, tout comme celui qui fut son disciple rebelle, le général de Gaulle, celui-là même qui appliqua les conseils de « Kiel et Tanger » (1) face aux enjeux des temps de la Guerre froide et qui sut parler à la Chine comme aux Etats-Unis (mais aussi aux autres pays d’Europe, alliés comme éloignés) sans rien leur concéder quand le sort et la place de la France étaient en jeu.

Être fort, « faire de la force » pour un pays comme la France, cela signifie se donner les moyens d’exister diplomatiquement et politiquement, de peser, même d’un poids léger mais suffisant pour faire pencher la balance du « bon côté », et de se faire respecter, y compris dans ses amitiés. C’est être libre, tout simplement, et dire au monde et aux autres ce que la France pense être juste et bon. Loin d’être un impérialisme méprisant, c’est la politique d’une puissance médiatrice : mieux qu’un impérialisme, c’est un nationalisme équilibré et mesuré, qui n’oublie jamais que la paix, cadeau fragile de l’histoire, n’est mieux assurée que lorsque les nations sont fortes d’elles-mêmes sans oublier leurs limites… et leur histoire ! Et il semble bien, qu’aujourd’hui, c’est le Royaume-Uni, revenu de ses rêves anciens d’empire, qui l’ait le mieux compris ! Sans doute est-ce là, sur les ruines de l’Empire de Victoria et du désir d’Europe déçu, « la (re)naissance d’une nation »…

Notes : (1) : « Kiel et Tanger » est le titre d’un ouvrage de Maurras, écrit au début du XXe siècle, et dont le chapitre « Que la France pourrait manœuvrer et grandir » a inspiré de Gaulle (qui le relisait encore à la veille de son fameux « Vive le Québec libre ! » du 24 juillet 1967) mais aussi le président Georges Pompidou, qui en citera quelques extraits en 1972 lors d’un discours devant les étudiants parisiens de Sciences Po… Il se murmure que l’actuel président M. Macron aurait lu ce fameux chapitre : il lui reste alors à en saisir tout le sens profond et à le mettre en pratique… Nous en sommes loin, certes, mais qui sait ? N’insultons pas l’avenir…

La cgt et le medef contre la solidarité française :

En cette période particulière, quelques efforts sont demandés à chacun d’entre nous, et cela dans tous les métiers et dans toutes les catégories sociales, ce qui n’est pas, au regard des enjeux, choquant en soi-même. D’autant plus que le temps du confinement, désormais dépassé, pourrait bien entraîner, si l’on ne s’en préserve, une véritable catastrophe économique et, au-delà, sociale : la crise est devant nous, affirment nombre d’acteurs et d’observateurs de la scène publique française, et le plus compliqué reste à venir. Et c’est la capacité de la « nation productrice » à aborder les temps qui viennent qui sera déterminante : résilience, bonne volonté et esprit de service devront prévaloir, et cela fait sens dans une société qui n’est pas qu’un agrégat d’individus interchangeables. Justement, le vieux pays qu’est et que reste la France fait sens, et elle incarne cette durée et cette possibilité, à échelle humaine et historique, de « l’éternité renouvelée ». Sur ces fondations-là, la crise peut, sinon être évitée, du moins être amortie et quelques mauvais coups déviés. Le fait de naître français, de le devenir, de l’être engage : l’oublier ou simplement le négliger aux heures sombres peut être, civiquement parlant (au sens athénien de la cité, de la « polis »), une forme de trahison qu’il s’agit, non de dénoncer, mais de combattre et de dépasser pour en éviter les sinistres conséquences.

 

Or, deux faits récents montrent que le bien commun n’est pas toujours envisagé par ceux-là mêmes dont ce serait le rôle de le défendre et de le promouvoir. Ils sont révélateurs de certaines maladies qui minent l’entente sociale nécessaire à la vie et à la prospérité raisonnée que chacun doit espérer, tout en y travaillant, pour sa communauté d’ensemble nationale, ce « plus vaste cercle communautaire qui soit, au temporel, solide et complet » et qui garantit la liberté et la survie de tous les autres. Le premier, c’est la politique d’obstruction du syndicat CGT à la reprise de la production dans l’usine automobile Renault de Sandouville (site de production de véhicules utilitaires), politique qui a abouti à l’arrêt complet de celle-ci, pourtant en cours de redémarrage la semaine dernière. Les raisons de cette obstruction, liée aux conditions de sécurité sanitaire au sein de l’usine ou, plutôt, aux procédures de convocation de la commission de santé et sécurité de l’établissement, sont, à bien regarder l’affaire, sans lien véritable avec la préservation de la santé des ouvriers, l’usine étant considérée comme l’une des plus exemplaires sur ce sujet sensible. Non, il s’agit juste d’une manœuvre assez indigne d’un syndicat qui, dans cette affaire, ne l’est pas moins et qui n’a agi que selon des considérations fort peu sociales, au risque de menacer l’existence même de nombreux emplois de Renault ! Après un tel mauvais coup, qui prive les salariés d’une reprise complète de l’activité sur le site prévue initialement pour cette semaine et désormais repoussée à quelques dizaines de jours, la CGT se retrouve isolée et décrédibilisée, au moment même où un syndicalisme fort et responsable serait absolument nécessaire pour participer au mouvement de redressement productif qu’il s’agit de favoriser et d’amplifier : avec une telle obstruction, « les clients ne risquent-ils pas de se tourner vers la concurrence si on ne peut plus produire ? », s’inquiète avec raison le délégué local de la CFE-CGC de l’entreprise. La CGT se comporte là en bien mauvais défenseur du monde ouvrier ! Là où il faudrait serrer les rangs (façon de parler, évidemment, en période de distanciation physique…) et se retrousser les manches, comme l’avaient commandé les prédécesseurs de M. Martinez aux ouvriers de 1945, cette centrale syndicale appelle à la démobilisation ou au blocage : Thorez et Frachon (secrétaire général de la CGT en 1945 et auteur du livre « La bataille de la production » que devraient utilement relire les cégétistes d’aujourd’hui…) doivent se retourner dans la tombe !

 

Les autres syndicats de l’usine de Sandouville avaient participé à un cycle de négociations entre la direction et les représentants des salariés, au niveau du groupe d’abord, de la France puis de chaque site de l’entreprise, dans le cadre d’un dialogue social largement apaisé au regard des circonstances particulières de la pandémie, un dialogue qu’il faut sans doute renforcer mais qui, pour le coup, était plutôt équilibré. Mieux vaut la conciliation sociale que l’antagonisme des acteurs de l’entreprise entre eux, sachant que, le plus souvent, le rapport de forces n’est pas favorable aux salariés, surtout dans le cadre d’une mondialisation qui valorise plus les « avantages comparatifs » que le « progrès social ». Mieux vaut l’unité de l’entreprise face à l’adversité concurrentielle que le rapport de forces permanent et destructeur de la justice sociale autant que de l’entreprise elle-même ! Avec cette obstruction totalement inappropriée, la CGT, au lieu de servir les salariés, risque bien d’accélérer le déclin de l’emploi dans les usines automobiles françaises : beau gâchis ! En l’espèce, la fameuse formule de Maurras, « la politique du pire est la pire des politiques », s’avère bien définir l’attitude funeste de la CGT locale…

 

Le deuxième fait que je qualifierai, là aussi, d’antisocial est le discours du MEDEF et de ses alliés d’experts libéraux qui ne raisonnent qu’en termes de croissance économique quand il faudrait, d’abord, penser en termes de prospérité, celle qui ne peut exister que si le social n’est pas négligé par l’économique. La croissance n’est pas toujours la prospérité, et la prospérité n’est pas qu’affaire de croissance : l’enjeu de l’avenir sera sans doute, justement, de penser « la prospérité sans la croissance », et de l’appliquer à ce monde, en procédant à un retournement de système (par la sortie de la société de consommation et de sa logique fordo-franklinienne). Ce qui est certain, c’est que le discours du « travailler plus d’heures et plus de jours dans l’année », et vouloir l’inscrire dans la loi, est plus que maladroit, c’est une faute sociale autant que stratégique : d’abord parce qu’il n’est pas utile de l’imposer par le biais législatif (ce qui paraît d’ailleurs contradictoire avec le libéralisme prôné qui, a priori, valorise plutôt la liberté que la contrainte…), les salariés, les indépendants et les chefs d’entreprise sachant bien que des efforts seront, évidemment, nécessaires pour sauver leur propre emploi et leur revenu ; d’autre part, pourquoi évoquer cela au moment où le confinement forcé et obligatoire pour nombre de travailleurs a été vécu, déjà, comme une contrainte plutôt que comme des vacances reposantes ? Bien sûr, les situations sont différentes d’un secteur d’activité à l’autre, mais le discours brutal du MEDEF a tendance à bloquer les bonnes volontés plutôt qu’à les susciter et à les soutenir. De plus, la réticence de ce même MEDEF à accepter quelques efforts financiers, en particulier par le moindre versement de dividendes aux grands actionnaires, et le chantage au départ fiscal de ceux qui pourraient être soumis à un ISF rénové, semblent prouver un comportement bien peu patriotique, au moment où l’État injecte tant d’argent, celui des contribuables (et pas des seuls actionnaires), dans l’économie réelle pour en éviter le collapsus. Dernier point : les chefs d’entreprise des grandes sociétés et les actionnaires les plus aisés (tous ne le sont pas, et le retraité qui compte sur quelques dividendes annuels pour améliorer un peu sa retraite ne peut être confondu avec les grands spéculateurs aux comportements de prédateurs) ne peuvent s’abstraire de leurs devoirs sociaux, au risque de ne plus être considérés que comme des profiteurs sans légitimité et s’attirer les foudres de l’opinion publique, à raison dans ce cas-là. La solidarité ne doit pas être un vain mot ou ne s’exprimer que dans le cadre de sa classe sociale d’appartenance : elle doit irriguer toute la société et ses catégories diverses, dans l’équité et la péréquation sociales.

 

Sans justice sociale, une société ne peut que se déchirer et compromettre son rétablissement économique. L’oublier, que l’on soit syndicaliste CGT à Sandouville ou libéral de l’Institut Montaigne ou du MEDEF, c’est manquer à ses obligations de solidarité française, celle qui permet de traverser les tempêtes sans briser le navire ni jeter ses passagers par-dessus bord…

 

Jean-Philippe Chauvin

 

 

Respecter la dignité de nos anciens :

 

Le sort des anciens durant cette période compliquée est un motif d’inquiétude mais aussi de colère : dans nombre de cas, le confinement est devenu double enfermement, à la fois physique et social, et notre société individualiste a montré toutes les limites de ses principes… Dans les Maisons de retraite, les pensionnaires de grand âge ont été soumis à une véritable punition, avec l’alibi de la santé et de la sécurité : les exposer, c’était les tuer, en raison, justement, de leur fragilité liée à l’âge, et il a été décidé de fermer ces Maisons, mais de les fermer sur elles-mêmes, avec l’interdiction pour les enfants des pensionnaires de venir les visiter. Mais une fois entré dans ces lieux pourtant confinés, le virus, lui, a tué, abondamment, cruellement, anonymement. Certaines de ces Maisons, déjà bien tristes en temps normal (mais très coûteuses sans que l’on comprenne toujours pourquoi au regard des prestations et des repas servis en leur sein…), sont devenus de véritables mouroirs dans lesquels les dernières visites des familles et les secours de la religion, pour les croyants, étaient interdits. L’humanité a été oubliée, et notre société a détourné les yeux de ces drames silencieux, de ces larmes versées loin des caméras, de ces vieux cœurs brisés de chagrin de devoir disparaître sans le dernier regard aperçu des êtres aimés. Solitude finale de vies livrées à la Grande Faucheuse dans le désamour et l’abandon…

 

Il faudra un jour faire le bilan de ce désintérêt, et mander quelques uns des responsables de ces Maisons tristes devant le tribunal de la dignité humaine, sans oublier de dénoncer un système qui fait de la vieillesse une rente pour quelques sociétés et actionnaires dépourvus de cette humanité pourtant nécessaire à toute société pour espérer survivre en bonne harmonie. Mais il faudra aussi interroger cette société-là, qu’il faut plutôt nommer « dissociété » comme l’avait déjà évoqué, il y a plus de 50 ans le philosophe Marcel de Corte, et ses fondements individualistes issus de ce libéralisme anglosaxon déjà ancien qui avait trouvé en Margaret Thatcher sa meilleure interprète quand elle affirmait que « la société n’existe pas », prouvant aussi par là-même que la société de consommation n’en est effectivement pas une au sens humain et social du terme, mais plutôt un « assemblage d’individus se côtoyant » et, plus exactement, de consommateurs, ravalant la personne à un simple tube digestif : est-ce si loin que cela du matérialisme marxiste ?

 

Rendre aux anciens la dignité de personnes aimées et considérées, non de façon purement utilitariste ou financière mais de façon proprement humaine et conviviale, devra être l’une des missions des générations contemporaines et prochaines. Et commençons dès maintenant en réclamant que les Maisons de retraite se conforment aux règles simples de la charité et de l’entraide, du service des anciens et de leur tranquillité pour une vie digne, même en ses derniers printemps… Je sais que certaines de ces Maisons et nombre de leurs personnels respectent cette dignité des anciens, mais elles ne sont pas, malheureusement, les plus nombreuses comme j’ai pu le constater par moi-même et à travers les témoignages de certains de mes collègues confrontés à l’épreuve du placement de leurs proches âgés dans ces structures. Il faudra bien, le temps du confinement fini, que l’Etat se saisisse de cette question, dans son rôle de protecteur et de Grand justicier qu’il se doit d’assumer. S’il ne le fait pas, ou trop peu, cela nous engagera à le dénoncer et, éventuellement, à le remplacer par un Etat digne de ce nom et de sa fonction sociale…

Jean-Philippe Chauvin

Docteur Dor, la mort d’un Juste :

Le docteur Dor n’est plus !

Le docteur Dor vient de nous quitter, frappé à l’âge de 91 ans par le Coronavirus le 4 avril dernier.

Il m’avait fait l’honneur de m’inviter chez lui où nous avons passé une après-midi à faire connaissance et à partager notre amour de la vie.

En 2017 j’avais donné une conférence à ses côtés à l’invitation de Media presse Info.

En 2018 je l’ai retrouvé au pèlerinage de Chartres au milieu des marcheurs.

Reposez en paix cher docteur, votre combat vous survivra.

Marion Sigaut