Royalisme social

Le libéralisme vu par La Tour du Pin :

Le libéralisme mondialisé paraît aujourd’hui si dominateur que rien ne semble devoir l’ébranler, et la cinglante réplique de Margaret Thatcher aux partisans du keynésianisme, « There is no alternative », a désormais valeur d’idéologie officielle à la tête de l’Union européenne, si bien incarnée par la rigidité technocratique d’un Pierre Moscovici qui s’en prend aujourd’hui aux États espagnol et italien parce que ceux-ci, après des années d’austérité, souhaitent redistribuer plus justement (même si l’on peut discuter des aspects de cette redistribution) les fruits des efforts précédents : après tout, il n’est pas injuste de vouloir redonner un peu d’air à des populations « de base » sur lesquelles ont longtemps reposé les politiques de restriction budgétaires tandis que les grandes sociétés multinationales locales, elles, se sont avérées parfois fort généreuses avec leurs actionnaires… Mais la Commission européenne ne l’entend pas de cette oreille, arguant que les dettes publiques de ces deux États sont trop élevées pour se permettre de faire des « cadeaux » aux contribuables espagnols et italiens, et elle a même rejeté le budget de l’Italie ce mardi. La France pourrait bien, d’ailleurs, faire les frais de cette intransigeance européenne, au risque d’accentuer encore un mécontentement social et populaire qui ne se limite pas aux seuls retraités. La « promesse de l’Europe » semble bien s’être noyée dans les considérations comptables, celles-la mêmes que méprisait de Gaulle, non pour les nier mais pour les remettre à leur place qui ne doit pas être la première.

 

Le libéralisme actuel de la Commission européenne a, il y a quelques années et encore aujourd’hui, empêché les États de défendre efficacement leurs industries nationales, au nom des droits des consommateurs qui, en définitive, s’apparente plus à ce « devoir de consommation » qui s’impose en société de consommation au détriment, souvent, des producteurs comme de l’environnement. La mondialisation est souvent vantée comme le moyen d’avoir les prix les plus bas, au risque d’en oublier la justice sociale et l’intérêt national bien compris, ce que le royaliste social et corporatiste La Tour du Pin a, dès la fin XIXe siècle, dénoncé avec vigueur à travers articles et publications nombreux. Son monarchisme était « illibéral », non par idéologie mais par souci social, et il serait peut-être encore plus sévère avec un libéralisme contemporain qui, comme hier, veut absolument s’émanciper de toute contrainte et refuse toute notion de limites, au seul profit de l’égoïsme individuel et oublieux de toute réalité environnementale.

 

Bien avant que la mondialisation libérale soit devenue la « norme », La Tour du Pin avait discerné les risques de celle-ci pour les activités productives de notre pays et pour les conditions de travail comme de vie des exploités de ce système qui, en définitive, s’avère l’un des plus grands dangers pour l’équilibre des sociétés et la justice sociale, malheureusement si négligées désormais par les oligarques qui gouvernent l’Union européenne.

 

En quelques lignes, parues dans les années 1880, tout, ou presque, est dit et annoncé :  « Le système de la liberté sans limites du capital a-t-il développé la production, comme on le prétend, aussi bien qu’il l’a avilie? Nullement. Il l’a laissée dépérir sur le sol national, en émigrant lui-même, là où il trouvait la main d’œuvre (…) à meilleur marché (…). Les conséquences du système lié à la multiplicité des voies de communication (…) seront de ne plus pourvoir le marché que par les produits des populations les plus misérables; le coolie chinois deviendra le meilleur ouvrier des deux mondes, parce qu’il n’aura d’autre besoin que ceux de la bête. Puis, comme l’ouvrier, l’ingénieur, l’agent commercial, le banquier lui-même seront pris au meilleur marché. (…) Voilà comment une décadence irrémédiable attend, dans l’ordre économique,la civilisation de l’Occident au bout de cette voie de la liberté du travail où elle s’est engagée avec la doctrine de ses philosophes pour flambeau, la science de ses économistes pour guide, et la puissance de ses capitalistes. »

 

Extrait du livre « Vers un ordre social chrétien », rédigé par René de La Tour du Pin, qui fût toute sa vie un ardent défenseur de la Cause monarchique sociale, et qui voyait loin, ce texte paraît aujourd’hui prémonitoire… Pour autant, il n’est pas un appel au fatalisme mais, au contraire, un appel à réagir en condamnant ce capitalisme libéral, règne d’une « fortune anonyme et vagabonde » : réagir, non par l’imposition d’un étatisme tout aussi, bien que de manière différente, dévastateur pour les libertés des producteurs ; réagir par la renaissance du politique qui doit imposer, de par sa présence tutélaire et de par son essence publique, le nécessaire esprit de « devoir social » aux forces économiques et financières de ce pays, et à celles qui prétendent y faire affaire…

 

Jean-Philippe Chauvin

 

 

 

Les Royalistes et la Question Sociale :

La plus magistrale escroquerie politique de notre époque est celle qui consiste à mettre au crédit des « démocrates chrétiens » tout ce qui a pu être fait ou tenté depuis le début du XIXème siècle pour réaliser un peu plus de justice sociale entre les hommes et pour soulager ce que Léon XIII, dans son encyclique Rerum Novarum, a appelé la misère « imméritée » des travailleurs, entendant par-là, non seulement la détresse qui peut résulter de l’accident, de la maladie, de la vieillesse ou de la mort, mais aussi le chômage ou le salaire insuffisant entraînés par les crises économiques ou par l’impitoyable loi de la libre concurrence.

Or, c’est le contraire qui est vrai. Les initiatives en matière sociale sont venues du camp royaliste, et nous ne rencontrons que des monarchistes parmi les doctrinaires ou les réalisateurs de ce qu’on appellera « l’école française du catholicisme social ». Pour ne pas être taxé d’invention ou de parti-pris, je prendrai une double caution qui n’en sera que plus bourgeoise.

Dans sa préface à Encyclique et Messages sociaux le R.P. Guitton, S.J., souligne que « l’encyclique Rerum Novarum a été le fruit d’une lente maturation. De plusieurs points du globe, sont parties vers le Vatican comme une suite d’offensives déférentes, lancées par des catholiques notoires, actifs et éclairés, chacun consacré à sa manière à une œuvre d’apostolat social, au contact des difficultés concrètes du monde du travail et des besoins grandissants des ouvriers de l’époque. Il faudrait citer surtout, pour la France, les noms de Léon Harmel, La tour du Pin, Albert de Mun… ».

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Pour les métiers libres :

L’autre jour un ami, l’âge venant, me confiait ses soucis, dont un problème physique à son bras, lié à son activité professionnelle, commençait à lui poser quelques handicaps, il se demandait comment serait l’avenir pour lui dans la conjoncture actuelle. Il fait partie de ces milliers de travailleurs, venus de ces terres du Portugal, comme d’autres d’Italie ou d’Espagne, qui n’épargnèrent pas leurs efforts dans le travail durant de nombreuses années sur notre terre de France. Ces populations aux mêmes racines latines et chrétiennes, apportèrent une forte énergie dans leur intégration parmi nous et c’est avec un grand respect que je les salue… Bref que penser de sa situation, sachant que chargé de famille en plus et d’enfant handicapé de surcroit, l’avenir dans un monde libéral où seul l’argent compte n’annonce pas de bons augures.

 

Nous pourrions sous d’autres sociétés répondre qu’importe, faisant parti d’un corps de métiers respecté, puissant et libre, il serait, par son expérience acquise, dirigé vers la partie « administrative » professionnelle, s’occuper à la formation des plus jeunes, des apprentis. Il pourrait prendre en charges les enfants orphelins du métier, gérer la caisse maladie dudit métier où entrer dans la magistrature de celui-ci ! S’il se sent plus impliqué il pourrait encore représenter le métier dans les chambres jusqu’à la province pour peut-être finir dans les Conseils économiques de l’Etat. Si les métiers étaient libres de s’organiser, ce n’est pas les fonctions internes qui manqueraient et j’en oublie. Mais pour le plaisir et par empirisme historique nous pourrions rajouter, gérer la trésorerie du métier, sa police et ses droits, ses fêtes, ses coutumes, son héraldique et ses titres, ses écoles, ses fonctions sociales, ses biens meubles et immeubles…

 

Tout ce que la Révolution a volé au monde ouvrier et qui faisait ses défenses, son armature, ses privilèges, sa sécurité, bref son autonomie et dont notre monde d’aujourd’hui ne fait qu’admirer les chef d’œuvre passés, parce qu’il faut sans cesse le répéter, la nuit du 4 aout fut la mort des autonomies ouvrières et provinciales, bien plus que des droits féodaux. La révolution « bourgeoise » n’eut qu’un seul but, mettre en place au pouvoir le libéralisme économique, au service des puissances financières, rien de plus. Le « prêt à penser » fabrique l’histoire afin de laisser croire à la fin d’un régime exécrable mais il reste encore assez d’informations libres aujourd’hui, à travers archives, textes, actes notariés, livres des métiers pour y découvrir bien le contraire. L’ère de l’esclavage fut plutôt le XIXe siècle suivant cette horrible révolution générant toutes les dictatures modernes et dont la sombre histoire reste le linceul immaculé du sang ouvrier…

 

Bref les libertés ne peuvent fleurir que sous un régime qui possède le temps pour lui et dont les fondements sont autres que financiers. L’argent n’a que faire du beau comme du bien, cela ne rapporte pas ! Le libéralisme ne s’intéresse qu’à l’utile quand il rapporte et non à la culture et aux arts. Sous notre république des droits de l’homme, les artistes peuvent bien « crever » dans les rues, on est plus sous François 1er où Louis XIV les hébergeant gratuitement au Louvre. C’est sous nos rois que les cathédrales pointaient fièrement leurs cimes vers le ciel, comme c’est sous leurs règnes que les artisans étaient anoblis car « peuple et rois » sont de droits divins disait mon vieil ami Marcel Jullian disparu. Qu’importe tous les ministres dits de la culture comme ceux de l’éducation nationale, car dans une société libre, ils n’existeraient pas, les écoles et universités alors, s’autogéreraient, les hommes redeviendraient des citoyens à part entière, au sens grec du terme. Nous ferions de bonnes économies car la République coûte cher au contribuable, excessivement cher, beaucoup plus cher que n’importe quelle monarchie à bien regarder…

 

C’est pourquoi mon cher ami, tu comprendras que tant que le système trouve en toi le moyen de gagner de l’argent, tu l’intéresse mais surtout, ne fléchis pas ni ne réfléchis, car alors tu découvriras combien la ripoublique qui est au pouvoir est antisociale !!!

 

Notre jour viendra !

 

Frédéric Winkler

 

Vers une révolution corporative :

Il est très difficile aujourd’hui de proposer le principe corporatif comme conception économique, tant les esprits sont imprégnés des idéologies dominantes : le libéralisme et le socialisme. Depuis que l’ordre naturel, fondé sur des communautés naturelles organiques, a été bouleversé par la loi Le Chapelier, qui ne reconnaît plus que les individus et l’État, nous baignons dans un système qui oscille entre la poursuite d’intérêts individuels, exaltés par l’idée de concurrence, où toutes les barrières qui régulaient l’économie sont abolies, et une défense d’intérêts de classe, où le principe d’opposition s’est substitué au principe d’union et d’organisation. Tout le problème est là. Cette philosophie de l’économie, a débouché sur l’ouverture des marchés à tous vents, au développement de la grande distribution tuant le commerce de proximité, à la mondialisation, aux multinationales et à la disparition des économies locales, qui reflétaient un art de vivre et qui ont fait toute l’originalité de notre civilisation. Que peut-on faire aujourd’hui pour reconstituer des structures d’organisation et de participation dans le domaine professionnel ?

Avec René de la Tour du Pin on sait qu’il n’y a pas deux, mais trois principales écoles d’économie politique :

 » celle où l’on considère l’homme comme une chose « , c’est le libéralisme,

 » celle où on le considère comme une bête « , c’est le socialisme,

 » celle ou on le considère comme un frère « , il s’agit alors du corporatisme.

C’est de cette troisième école d’économie politique dont nous allons parler :

Cette troisième école d’économie politique, venue de l’expérience de l’histoire, par empirisme, en quelque sorte, oubliée par confort par ceux qui soumettent les peuples à l’usure et au monde des chimères matérialistes, fut celle des temps médiévaux. Cette école a fleuri sur l’arbre de nos ancêtres, fruit des usages, coutumes, droits acquis et traditions multiples, que nos pères avaient accumulés avec le temps. Les efforts dans le labeur avaient constitué des règles, liés aux divers métiers et soucis sociaux, c’est ce que nous appellerons plus communément le régime corporatif. Ce régime est le plus humain et le mieux adapté face aux difficultés économiques d’aujourd’hui et de demain. Les considérations qui vont suivre le feront paraître.

Et d’abord quelle est la condition essentielle d’un bon régime du travail ? La Tour du Pin a fait à cette question une réponse de nature à satisfaire les plus difficiles : « Le travail n’a pas pour but la production des richesses, mais la sustentation de l’homme, et la condition essentielle d’un bon régime du travail est de fournir en suffisance d’abord au travailleur, puis à toute la société, les biens utiles à la vie. »

La Tour du Pin a défini le régime corporatif : « Une organisation de la société en corps professionnels, aussi bien dans l’ordre politique que dans l’ordre économique ». Dans l’ordre politique, il fournit aux corps élus la représentation des droits et des intérêts en lieu de celle des partis ; dans l’ordre économique, « il substitue à la liberté illimitée du travail et du capital et à la concurrence sans frein qui en résulte des règles variables dictées par les corps professionnels eux-mêmes dans l’intérêt de la sécurité et de la loyauté du métier ».

Retenons bien cette formule : « Règles dictées par les corps professionnels eux-mêmes » : elle restitue au régime corporatif son vrai visage. Ce régime n’est pas, ne doit pas, ne peut pas être une création d’Etat : il est l’organisation de la profession par les hommes de la profession.

Le régime corporatif français rejette le libéralisme, l’anonymat des entreprises, la lutte des classes et l’orientation de la production tournée exclusivement vers le profit.

La république antisociale dans ses oeuvres :

Devant la cadence antisocial d’une ripoublique destructrice de notre économie au profit des banque dont le président fut un des loyales serviteurs, alertons inlassablement nos frères dans la promiscuité des lendemains qui ne seront pas enchanteurs. je republie mon texte de l’an dernier… Ordonnances Macron, qu’en dire pour l’instant
« Les républiques françaises, territoriales et professionnelles, ont besoin d’un fédérateur. On ne sauve une nation qu’en respectant, ou bien en retrouvant, le principe qui a présidé à sa naissance » (A.Murat)
Un monde Orwellien est en marche, depuis quelques temps déjà, il était question de réformer le Code du travail devenu effectivement incompréhensible dans ses inextricables articles. Le nouveau président Macron avait annoncé qu’il gouvernerait par « Ordonnances », voilà qui est fait et tant pis pour les incrédules imaginant une justice dans un système qui depuis bien longtemps est antisocial (
« Code du travail : Ce que contiennent les cinq ordonnances, Alexia Eychenne, 31 août 2017, « Libération », http://www.liberation.fr/…/ce-que-contiennent-les-cinq-ordo…). Il est plutôt question de faciliter les solutions expéditives concernant les salariés comme leurs instances représentatives. D’ailleurs un formulaire type sera fait pour les licenciements, plus pratique pour se débarrasser des salariés en entreprise (« Bientôt un formulaire pour se faire licencier ? », Cécile Crouzel Publié le 30/06/2017, le Figaro économie, http://www.lefigaro.fr/…/09005-20170630ARTFIG00002-bientot-…) : « Cela va rassurer les PME, désormais on va pouvoir maîtriser le risque du licenciement » (François Asselin, président de la CPME, « Confédération des petites et moyennes entreprises »). Concernant l’ancienneté : « Avec deux ans d’ancienneté, le plafond sera de trois mois de salaire, augmenté à raison d’un mois par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans. Puis en hausse d’un demi-mois par an, pour atteindre 20 mois maximum pour 30 années dans la même entreprise. Les salariés avec peu d’ancienneté sont pénalisés, car la loi accorde aujourd’hui au moins six mois de salaire après deux ans de maison dans des entreprises de plus de 10 salariés. Le juge ne gardera sa liberté d’appréciation qu’en cas d’atteinte aux libertés fondamentales (harcèlement, discrimination, dénonciation de crimes et délits…) » (« Code du travail : Ce que contiennent les cinq ordonnances, Alexia Eychenne, 31 août 2017, « Libération », http://www.liberation.fr/…/ce-que-contiennent-les-cinq-ordo…). Voilà en guise de remerciement pour bons et loyaux services !…

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Le monde traditionnel face au monde moderne :

« Il y a eu l’âge antique, (et biblique). Il y a eu l’âge chrétien. Il y a l’âge moderne. Une ferme en Beauce, encore après la guerre, était infiniment plus près d’une ferme gallo-romaine, ou plutôt de la même ferme gallo-romaine, pour les mœurs, pour le statut, pour le sérieux, pour la gravité, pour la structure même et l’institution, pour la dignité, (et même, au fond, d’une ferme de Xénophon), qu’aujourd’hui elle ne se ressemble à elle-même. Nous essaierons de le dire. Nous avons connu un temps où quand une bonne femme disait un mot, c’était sa race même, son être, son peuple qui parlait. Qui sortait. Et quand un ouvrier allumait sa cigarette, ce qu’il allait vous dire, ce n’était pas ce que le journaliste a dit dans le journal de ce matin. Les libres-penseurs de ce temps-là étaient plus chrétiens que nos dévots d’aujourd’hui. Une paroisse ordinaire de ce temps-là était infiniment plus près d’une paroisse du quinzième siècle, ou du quatrième siècle, mettons du cinquième ou du huitième, que d’une paroisse actuelle.

(…)  Il y a des innocences qui ne se recouvrent pas. II y a des ignorances qui tombent absolument. Il y a des irréversibles dans la vie des peuples comme dans la vie des hommes. Rome n’est jamais redevenue des cabanes de paille. Non seulement, dans l’ensemble, tout est irréversible. Mais il y a des âges, des irréversibles propres.

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Corporations : le mensonge – La Révolution et le monde du travail :

Conférence de Marion Sigaut sur le thème : « Corporations : le mensonge – La Révolution et le monde du travail. » pour Egalité&réonciliation

La Révolution française et le travail de Mgr Freppel :

Les corporations, expression du droit naturel Retour à la table des matières

L’idée fondamentale de la Révolution française en matière économique est contenue dans cette maxime économique de Turgot, tant applaudie à la fin du siècle dernier : « La source du mal est dans la faculté même accordée aux artisans d’un même métier de s’assembler et de se réunir en corps » [1].

On croit rêver en lisant aujourd’hui de pareilles inepties tombées de la plume d’un homme d’esprit. Ce que Turgot, fidèle interprète des opinions de son temps, appelait la source du mal n’est autre chose qu’un principe rigoureux de droit naturel. Car il est dans la nature des choses que les artisans d’un même métier et les ouvriers d’une même profession aient la faculté de s’assembler pour débattre et sauvegarder leurs intérêts ; ou bien il faut renoncer à toutes les notions de la solidarité et de la sociabilité humaines.

C’est ce qu’on avait parfaitement compris jusqu’à la veille de 1789. Après avoir proclamé les principes qui devaient amener graduellement l’esclavage au colonat et au servage, puis enfin à l’affranchissement complet du travailleur, l’Église avait fini par faire triompher dans la classe ouvrière, comme ailleurs, la loi si éminemment féconde de l’association.

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Pour la Monarchie sociale. Partie 1 : Libéralisme et socialisme, ces frères ennemis… :

La question sociale n’a pas été résolue en France sous l’effet de la société de consommation, loin de là, mais elle a sans doute pris de nouvelles formes depuis le XIXe siècle, sans effacer complètement les anciennes : si le prolétariat, au sens le plus misérable du terme, peut paraître avoir disparu de notre pays, le précariat n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années, malgré les amortisseurs sociaux créés tout au long du XXe siècle, au fil d’une histoire chaotique et parfois brutale. Durant cette dernière, le rapport de forces entre classes dominantes et classes ouvrières ou productives, jusque là défavorable aux travailleurs, avait été rééquilibré par la seule puissance évocatrice du communisme symbolisée par une Union Soviétique inquiétante, mais aussi par l’influence encore prégnante d’une Eglise catholique soucieuse d’améliorer la condition ouvrière, plus discrètement que les socialistes revendiqués. La société de consommation elle-même, suivant la logique d’Henry Ford, avait aussi « enrichi » les classes populaires pour entretenir le système capitaliste, transformant l’exploitation ouvrière la plus aveugle en une « aliénation » à la marchandise, « séduisante » grâce à la publicité et au crédit, et grâce aux tentations permanentes diffusées par les médias et par l’école (1)… En ce sens, comme le sociologue royaliste Pierre Debray le signalait dès les années 1960, Ford a été encore plus fort que Marx et Lénine, et la fin du Mur de Berlin n’a fait que confirmer ce sentiment et cette vérité.

 

Aujourd’hui, c’est pourtant le marxisme édulcoré de La France insoumise de MM. Mélenchon et Corbière qui joue le rôle d’opposant officiel au libéralisme du Président actuel et de son gouvernement, impression encore confirmée par le débat courtois de l’autre jour entre le tribun populiste « néochaviste » et le Premier ministre Edouard Philippe. N’y a-t-il pas là un malentendu, voire un malaise ? Le vieux royaliste que je suis n’apprécie guère les « raccourcis » idéologiques qui ne sont, souvent, que des leurres ou des erreurs susceptibles d’éloigner les citoyens et les producteurs d’une réflexion plus complète sur les questions économique, sociale et politique. Dans la ligne de La Tour du Pin, penseur économique royaliste trop méconnu même s’il fut pourtant lu et reconnu par le fondateur de la Cinquième République, je reste persuadé que libéralisme et socialisme sont plus des frères ennemis, les deux faces d’une même pièce forgée du siècle des Lumières et de la Révolution française, d’inspiration anglo-saxonne et franklinienne, que des ennemis irréconciliables : Marx était plus hostile aux traditions (et aux traditionalistes qu’il moquait) qu’à une bourgeoisie dont il vantait les qualités révolutionnaires et qui, selon lui, devait céder la place à plus révolutionnaire qu’elle, dans une sorte de sens unique de l’histoire qui devait mener (ramener ?) à une société sans classes ni Etats, sorte de retour à un paradis originel mais dans lequel se serait invitée la Technique et l’Energie… Mais, paradoxe ou, au contraire, logique terrible et ironique, c’est bien le libéralisme qui accomplit aujourd’hui le rêve de Marx qui n’a jamais cessé d’être le but ultime des libéraux libertaires : un monde sans classes dans lequel seuls les consommateurs en tant que tels seraient reconnus et valorisés (et non plus les classes économiques ou sociales, de producteurs en particulier) et sans entraves nationales, sans frontières ni Etats susceptibles de les reconnaître et de faire respecter les droits de leurs travailleurs dans leurs pays respectifs…

Je ne suis donc ni libéral (au sens économique du terme) ni « socialiste », même si la plasticité de ce dernier terme pourrait autoriser toutes les récupérations et toutes les théories, ce qui risque plus de brouiller les lignes que de résoudre les problèmes sociaux. Bien sûr, je connais l’existence de ce fameux Mouvement Socialiste Monarchiste des années 1944-46 et j’ai lu les articles et les brochures de Jean-Marc Bourquin sur son « Socialisme Monarchique », et je n’en suis, intellectuellement, pas très éloigné ; bien sûr, je suis un lecteur attentif de Jack London et de George Orwell, et je ne suis pas insensible à leurs argumentations ; bien sûr, j’ai lu Proudhon et j’apprécie une belle part de sa réflexion, politique comme sociale. Mais justement : c’est parce que je souhaite que les meilleurs éléments de l’héritage des uns et des autres soient étudiés, valorisés et, pourquoi pas, pratiqués, que je ne peux me dire socialiste, mais que je me revendique, au-delà du socialisme et parfois contre certains de ses aspects les moins glorieux, comme royaliste, d’abord, encore et toujours.

Car c’est bien d’une Monarchie sociale dont la France a besoin, et non d’un régime qui se proclame libéral ou socialiste sans que l’on sache exactement s’il s’agit d’une simple manœuvre sémantique ou d’un engagement philosophique absolu.

 

(à suivre : Aspects et atouts de la Monarchie sociale)

Jean-Philippe Chauvin

 

Note : (1) : Pour éviter toute mauvaise interprétation de mes propos, je rappelle que, si je suis très critique à l’égard du système de la société de consommation, je ne suis pas ennemi de la prospérité, surtout quand, de diverses manières, elle peut être profitable à tous, dans le respect de l’environnement, des traditions et de la juste mesure, trois éléments que n’estime guère, par principe autant que par pratique, la société de consommation elle-même…

 

Ordonnances Macron, qu’en dire pour l’instant :

Un monde Orwellien est en marche, depuis quelques temps déjà, il était question de réformer le Code du travail devenu effectivement incompréhensible dans ses inextricables articles. Le nouveau président Macron avait annoncé qu’il gouvernerait par « Ordonnances », voilà qui est fait et tant pis pour les incrédules imaginant une justice dans un système qui depuis bien longtemps est antisocial (

« Code du travail : Ce que contiennent les cinq ordonnances, Alexia Eychenne, 31 août 2017, « Libération », http://www.liberation.fr/france/2017/08/31/ce-que-contiennent-les-cinq-ordonnances). Il est plutôt question de faciliter les solutions expéditives concernant les salariés comme leurs instances représentatives. D’ailleurs un formulaire type sera fait pour les licenciements, plus pratique pour se débarrasser des salariés en entreprise (« Bientôt un formulaire pour se faire licencier ? »,  Cécile Crouzel Publié le 30/06/2017, le Figaro économie, http://www.lefigaro.fr/emploi/2017/06/30/09005-20170630ARTFIG00002-bientot-un-formulaire-pour-se-faire-licencier.php). Concernant les barèmes sur les entreprises dont les effectifs sont supérieurs à 10 personnes, pour les gens qui ont plus de 10 ans d’ancienneté, le plafond de licenciement avoisinera deux mois et demi de dommages/intérêt, remerciement pour bons et loyaux services !…

Lorsque l’on voit qu’en Allemagne il y a de plus en plus de travailleurs pauvres et que l’on nous présente ce pays en exemple ! Beaucoup s’imagine que les licenciés le sont parce qu’ils ne sont pas bons ou inutiles, certains même pensent que cela n’arrive qu’aux autres. Pour les vraies petites sociétés, cela pourrait être salvateur. Mais ce que l’on sait aussi c’est que les grosses structures feront de petites entités, les dommages intérêts seront plafonnés à 20 mois. Par contre pour les petits !

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