Corporatisme

Quel rôle souhaitable pour l’Etat dans l’économie française ?

Les mauvaises nouvelles sociales semblent désormais tellement habituelles que les médias ne leur accordent que quelques lignes rapides et quelques secondes d’antenne sauf, peut-être, dans la presse régionale, celle de la proximité, celle dont quelques uns des lecteurs et des auditeurs sont les victimes de cette grande saison de « lessivage » au détriment des salariés : Meccano à Calais, Fleury Michon à Plélan-le-Grand (près de Rennes), San Marina dans tout le pays après Camaïeu et quelques autres, sans parler des boulangeries étranglées par la hausse des prix de l’énergie nécessaire à la cuisson du pain, entre autres. C’est un massacre social et cela malgré le maintien (pour combien de temps encore ?) du niveau d’emploi en France, même si celui-ci peut s’accompagner d’une grande part de précariat, forme contemporaine du prolétariat d’antan. Ce qui est rageant, c’est que, le plus souvent (mais pas forcément toujours, faut-il souligner), les coupables de cette situation ne sont pas les ouvriers ou les employés eux-mêmes, dont le travail et le savoir-faire sont, paradoxalement, appréciés avant que d’être licenciés malgré tout, mais les directions et les actionnaires responsables de mauvais choix stratégiques ou de cynisme profiteur pour certains : les syndicats, souvent dénigrés sans beaucoup de nuance (pour de bonnes, mais parfois aussi pour de mauvaises raisons), ont généralement alertés en amont la direction de l’entreprise des risques devenus inquiétudes puis faillites. Dans la plupart des cas, il leur a été répondu de ne pas s’alarmer, que la situation était sous contrôle, que les emplois n’étaient pas menacés, etc. Il est d’ailleurs frappant de constater que le jour fatal venu, ils sont ménagés par la direction, ne serait-ce que pour permettre des négociations de fin d’activité et d’indemnisation des travailleurs qui se fassent dans le calme, sans casse et sans scandale…

Et l’Etat là-dedans ? Si son objectif est bien d’atténuer les conséquences sociales des fermetures d’entreprise, il semble bien peu capable de prévenir ces crises multiples et d’en prémunir, autant que faire se peut, les salariés et les populations (1), malgré ses grandes déclarations lyriques du moment de visibilité, surtout médiatique, de la crise. D’ailleurs, doit-il forcément intervenir dans l’économie ou dans la vie (et la mort) des entreprises ? En fait, l’Etat, s’il veut être efficace là où il doit être, ne doit pas « tout faire » et il n’est pas bon de tout attendre de lui, car l’étatisme n’est ni une solution ni même souhaitable : son rôle, son devoir régalien est de favoriser les initiatives économiques les plus utiles au pays (et elles ne manquent pas en France), éventuellement de les orienter pour permettre d’atteindre le plus possible à la prospérité sans l’excès des profits et sans l’hubris d’une profitabilité qui peut vite tourner à « l’économie barbare » (2), néfaste pour les salariés et, souvent, pour l’environnement lui-même (3).

En ces temps de mondialisation, sans doute faut-il repenser le rôle de chacun des acteurs dans l’organisation de la vie économique et sociale, sans le déni des caractéristiques de l’économie contemporaine mais sans l’acceptation des conditions de celles-ci quand elles sont indignes : si le moralisme n’a guère sa place en économie, cela n’empêche nullement de fixer des limites aux excès de cette activité de production et d’échange, et c’est d’abord dans le cadre national (en espérant qu’il puisse servir d’exemple, voire de modèle aux autres pays du monde, y compris ceux qui aujourd’hui semblent peu sensibles aux questions de justice sociale…) que cela peut se faire. Mais ce cadre, nécessaire et doté de moyens législatifs et judiciaires qui peuvent être fort efficaces pour autant que l’Etat le veuille vraiment (4), doit aussi favoriser la vie d’institutions socio-professionnelles susceptibles d’organiser, de coordonner, de valoriser les productions et leur intégration au Marché sans négliger la qualité des biens et des services fournis, et sans méconnaître les intérêts des travailleurs, des cadres et des dirigeants d’entreprise (5) : que l’on nomme « branches » ou « corporations » ces cadres institutionnels renforcés (sous la forme de personnalités juridiques pourvues d’un patrimoine propre et « cogéré » par les acteurs de celles-ci) n’a en définitive guère d’importance, pourvu qu’ils soient efficients et, socialement comme économiquement, efficaces…






Notes : (1) : Un salarié, en tant que consommateur inscrit dans un écosystème local, représente plus de valeur que sa seule production industrielle ou tertiaire, en particulier s’il est parent ou grand-parent, et sa précarisation entraîne un affaiblissement, non seulement de sa famille, mais aussi de sa commune d’installation et des commerces, mais aussi associations (y compris sportives) et services locaux. Une lecture purement individualisée ou individualiste du salariat est une erreur souvent commise par les économistes « généralistes », erreur qu’il s’agit de ne pas reproduire…

(2) : L’hubris de la profitabilité c’est, entre autres, l’exploitation brutale des travailleurs pour dégager le plus de profits pour l’entreprise et ses actionnaires, exploitation qui fait de l’économie une activité financièrement spéculative quand elle doit, d’abord, permettre la prospérité de ceux qui créent, produisent, transforment et échangent biens et services. La prospérité de tous n’est pas l’égalitarisme ni une hypothétique égalité économique, mais une redistribution des fruits du travail selon les qualités et les efforts de chacun dans le cadre socio-professionnel et économique, sans négliger la hiérarchie sociale qui, mesurée et légitime, est la traduction économique de la justice sociale. Dans cette logique, l’inventeur est valorisé, tout comme le producteur « de base » est reconnu dans sa dignité de producteur, maître d’un savoir-faire et d’une valeur ajoutée liée à celui-ci et au temps de sa production.

(3) : L’environnement est, ici, un cadre de vie et de production qu’il paraît bien nécessaire de préserver pour permettre aux générations futures d’en jouir à leur tour…

(4) : Les Etats-Unis en sont la démonstration la plus frappante, parfois au sens purement littéral du terme…

(5) : Les intérêts des producteurs de base, des personnels d’encadrement et de commercialisation, et des dirigeants d’entreprise ne sont pas toujours les mêmes et, parfois, peuvent donner lieu à des incompréhensions, à des tensions, voire à des antagonismes que certains s’empresseraient de qualifier de « lutte des classes ». Sans tomber dans la démagogie ou l’utopie, il est possible de chercher à accorder les souhaits de chaque catégorie, en rappelant l’intérêt de tous qui est de voir l’entreprise perdurer et prospérer pour que chacun y trouve satisfaction : la récente réussite de La Redoute qui, après des années très difficiles, a réussi à rebondir au point de verser à ses salariés actionnaires un dividende de 100.000 euros par personne (pour une mise de départ de… cent euros !), prouve à l’envi que la motivation vaut mieux que l’exploitation…






Jean-Philippe Chauvin

Réponses aux objections sur le corporatisme :

0:34 – Le corporatisme est un système obsolète qui a fait son temps et qui a fini par se scléroser expliquant sa suppression !
5:09 – Réinstaurer un régime corporatif en France à ce jour est totalement utopique !
9:58 – Les corporations risqueraient au fil du temps de favoriser essentiellement leurs intérêts privés au détriment du Bien commun.
11:31 – Le régime corporatif n’a-t-il pas été celui des régimes totalitaires du XXè siècle ?
12:40 – Le corporatisme aujourd’hui n’a plus de raison d’être, car le syndicalisme se suffit à lui-même pour l’épanouissement et la défense des travailleurs, des métiers et de l’industrie.
17:51 – Le régime corporatif ne s’oppose-t-il pas à l’industrie ?

Livre « Le Corporatisme » disponible ici
Livre « Histoire des libertés sociales » disponible ici
Livre « Corporations et corporatisme » disponible ici

Histoire des libertés sociales :

Découvrez le dernier livre de Frédéric Poretti sur l’histoire des libertés sociales :

Depuis des années l’historiographie officielle, Gauche en tête, sous la complaisance servile d’une « droite » molle, maintient la légende d’une libération sociale, fruit d’années de lutte consommées par ses idées ! Les travaux de Maître Murat et d’autres permirent de remettre en lumière la réalité sur ces acquisitions sociales, que nous bénéficions aujourd’hui. Les grands noms comme les dates sont retranscrits et vérifiables pour tout esprit curieux, en quête de vérité. Le lecteur sera alors devant cette épopée, ces aventures d’une poignée d’hommes oubliés, parce que contraire à l’idéologie dominante du « prêt à penser ». Ils forment cette permanence historique de l’alliance entre l’aristocratie et le peuple nous venant du fond des âges. Cette étude représente une approche permettant de comprendre ce qui fait l’esprit Français et le sens communautaire qui permit de traverser les écueils des drames historiques comme de survivre aux idéologies mortifères qui nous gangrènent encore aujourd’hui. Notre passé est une base de travail afin de comprendre notre présent pour anticiper l’avenir et c’est nous, comme le disait Bernanos, qui faisons cette histoire.

Notre jour viendra !

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Le corporatisme. Notre avenir pour nos métiers :

Corporatisme ! S’il y a bien un mot qui est totalement galvaudé à ce jour, c’est bien celui-là. Dans l’esprit de beaucoup de personnes, il est synonyme de communautarisme sectaire ou caste oeuvrant essentiellement pour ses intérêts privés au détriment du bien commun. Pourtant, au-delà de cette définition erronée, que désigne véritablement ce mot ?
Le sociologue René de la Tour du Pin a formulé lui-même une réponse simple et claire sur ce que désigne avant tout le corporatisme. Il définit le corporatisme comme étant la troisième école d’économie politique. Selon lui, il y a :
« Celle où l’on considère l’homme comme une chose », c’est le libéralisme.
« Celle où on le considère comme une bête », c’est le socialisme.
« Celle ou on le considère comme un frère », il s’agit alors du corporatisme.

C’est de cette troisième école d’économie politique dont il est question dans ce livre. Nous allons vous faire découvrir une approche différente de la gestion du monde du travail, au-delà des doctrines libérales ou marxisantes qui ont, depuis trop longtemps déjà, façonné notre vie économique et professionnelle. Le régime corporatif que nous proposons est celui qui a largement fait ses preuves dans l’histoire des peuples européens. Il est celui des bâtisseurs de cathédrales, eux-mêmes héritiers des bâtisseurs de la Grèce et la Rome antique. Il est celui qui sut donner une réelle noblesse professionnelle aux artisans de jadis, qui façonnèrent de par leur savoir-faire, notre beau pays qu’est la France. Il est le régime qui fit largement ses preuves durant les siècles de notre histoire, avant d’être supprimé arbitrairement par les révolutionnaires de 1791, au profit d’un libéralisme économique qui institua le règne de l’argent, avec pour conséquence, la prolétarisation du monde ouvrier.

Adapté aux réalités de notre époque, le corporatisme pourrait redéployer toute sa puissance pour forger une génération de professionnels qui retrouveraient leurs responsabilités dans la gestion de leurs métiers et de l’économie qui en découle. Plus que jamais, le corporatisme se présente comme une solution d’avenir possible pour un monde du travail libéré du joug de la haute finance et du parasitisme.

Découvrez et faites découvrir cette étonnante école qu’est le corporatisme, et puissiez-vous avoir à votre tour, la conviction d’un avenir possible avec cette solution, à la fois traditionnelle dans ses principes, et originale et moderne dans sa pratique.

Cercle Lutétia : Aux origines de la Question sociale :

Le Cercle Lutétia a pour vocation de faire connaître les fondements et les raisons du royalisme et de la Monarchie en France, et d’étudier ceux-ci, avec l’aide des travaux et des réflexions menés sur la société française, ses évolutions et ses institutions, selon une perspective historique mais aussi et surtout politique. Le texte ci-dessous est la première partie d’un cercle d’études sur les origines de la question sociale en France, et il doit être l’occasion de discussions, de précisions ultérieures et de critiques constructives : il n’est donc qu’une ébauche, celle qui appelle à la formulation et à la rédaction d’une étude plus vaste et mieux construite sur cette question qui préoccupe tant nos contemporains et à laquelle les royalistes sociaux du Groupe d’Action Royaliste consacrent aussi tant de temps et d’énergie, dans leurs réunions et publications comme sur le terrain, dans la rue ou sur leur lieu de travail…

 

Lorsqu’on évoque la question sociale en France, on oublie souvent ses racines, ses origines, son histoire tout simplement, et l’on se contente trop souvent de quelques idées reçues, confortant l’idée, largement fausse, que seule « la gauche » (1) s’y serait intéressée et s’y intéresserait encore, comme une sorte d’avant-garde revendiquée des travailleurs ou de la « classe ouvrière ». Mais il est tout à fait possible, et encore plus convaincant, de rétorquer que la première mention de la « justice sociale » est attribuée au… roi Louis XVI, celui-là même qui va affronter la tempête révolutionnaire et, malheureusement, être emportée par elle, tout comme l’édifice social et corporatif qui, jusque là, constituait un modèle original et une alternative véritable et tout à fait crédible au modèle anglosaxon pas encore totalement dominant quand il avait, pourtant, conquis déjà les esprits des nobles et des bourgeois éclairés, anglophiles et libéraux.

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Pour une Monarchie sociale et corporative :

Pourquoi préconisons-nous le système Monarchique comme élément essentiel à la prospérité du régime corporatif ? Le système républicain ne pourrait-il pas s’en charger lui-même ? Le problème ne vient-il pas de nos dirigeants et non du système de gouvernement en tant que tel ?

La réponse à ces questions légitimes est clairement : NON !

Premièrement, parce que contrairement à une idée reçue, de par le passé, la Monarchie française et les classes laborieuses ont toujours fait bon ménage. C’est grâce à la Monarchie que, dans l’ancienne France, le régime corporatif a pu s’établir, durer et prospérer. La Monarchie reste et cela depuis les grecs anciens tel Aristote, le couronnement des 3 pouvoirs : démocratie dans la commune, l’aristocratie dans la province avec la monarchie dans l’Etat. La Monarchie possède en son institution le principe de subsidiarité, cher aux chrétiens, qui est l’autonomie complète du citoyen au sens grec bien évidemment. Cela veut dire que tout ce que le citoyen peut et doit gérer lui-même dans ses sphères d’attribution et responsabilités : famille, métier, associations, ville, commune… ne doivent pas être gérer par l’Etat. Deuxièmement, la Monarchie est intéressée à la réorganisation corporative, seule garantie d’une vraie liberté du travail. La Monarchie ne peut vivre sans les libertés corporatives, comme les libertés régionales, provinciales et familiales. Elle ne se maintient qu’à la condition de les protéger, de même que la république ne subsiste qu’à la condition de les étouffer, car le principe qui est à la base de la république, c’est l’élection ; à la base de la Monarchie française, il y a l’hérédité. Parce que le pouvoir républicain est électif, son existence est à la merci d’un scrutin. Pour durer, il s’arrange de manière à ce que le scrutin lui soit toujours favorable, en faisant de l’individu son débiteur. Or l’individu ne devient vraiment débiteur du pouvoir républicain que lorsque ce pouvoir est le seul dispensateur des grâces, c’est-à-dire lorsqu’il n’existe pas, pour protéger l’individu, d’autre forteresse que l’Etat républicain. Cela ne veut pas dire que les élections n’existent pas en Monarchie, bien au contraire mais celles-ci sont débarrassées du parasitisme des partis. Les élections, plus nombreuses en Monarchie, sont liées au quotidien des Français, dans tous ce qui les touchent de près : organisation citadine, des métiers, représentants aux conseils de province, impôts, écoles, etc…

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Contre la spoliation des caisses de retraites autonomes par la République ! :

La question des retraites n’a pas fini d’agiter le pays ces prochains mois, et les premières manifestations de vendredi et de lundi derniers ont montré, à qui en doutait encore, qu’elle était éminemment sensible, même s’il est évident que leur gestion nécessite une réforme, voire une « révolution » de son approche et de sa résolution. Le système général des retraites apparaît à bout de souffle et, plus sûrement encore, à court d’argent frais, au risque d’entraîner, si l’on n’y prend garde, un véritable écroulement de l’économie des retraites et un appauvrissement forcé des populations sorties du monde du travail. La réforme est nécessaire mais pas n’importe laquelle, et pas en détruisant ce qui fonctionne au nom d’un principe d’égalité qui oublierait celui de justice, en particulier sociale.

 

Or, le projet gouvernemental, qui s’appuie sur la promesse électorale macronienne bien hasardeuse de la mise en place d’un régime universel, signifie (s’il est voté et appliqué tel qu’il se dessine aujourd’hui) ce que les avocats qualifient de « spoliation » : en effet, le projet prévoit la fin des régimes particuliers (que l’on pourrait qualifier de « corporatifs ») et des caisses autonomes de retraites développées et gérées par nombre de professions libérales, et souvent excédentaires quand le régime général, lui, menace faillite… Un vieux royaliste m’affirmait l’autre jour, avec un brin d’ironie, que M. Macron préparait « un nouveau 1791 », en référence à la dissolution des corporations et à la fin de leurs garanties et avantages particuliers liés aux métiers et à leur organisation, ainsi qu’à leurs patrimoines respectifs (1)… A y bien y regarder et même si, dans un premier temps, la manœuvre gouvernementale pourrait s’apparenter à une forme de « nationalisation » des fonds de ces caisses aujourd’hui autonomes (« Près de 30 milliards d’euros sont en jeu », affirme le quotidien L’Opinion dans son édition du lundi 16 septembre…), elle ouvrirait néanmoins la voie à une forme de « libéralisation » (de privatisation « douce » ?) du système des retraites au profit d’organismes financiers ou de compagnies d’assurance, par le biais d’une « capitalisation » non pas imposée mais fortement valorisée ou favorisée par la réforme elle-même, pas forcément dans le texte mais dans son esprit, ce qui paraît plus habile et non moins dangereux pour les indépendants comme pour les salariés…

Or, au lieu de les supprimer en les « intégrant » (ici synonyme de « confisquant »…) au régime général, ne serait-il pas plutôt intéressant de s’en inspirer et de les étendre à nombre d’autres professions ou secteurs ? Si l’on lit la tribune du collectif SOS Retraites qui regroupe des organisations de métiers fort différents comme avocats, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, orthophonistes, etc., l’on comprend mieux l’enjeu : « Nous avons en effet en commun d’avoir été tenus « à côté » du régime général de retraite depuis sa création pour les salariés et les fonctionnaires en 1945. Nous nous sommes organisés, profession par profession, pour créer nos régimes de retraite. Pas spéciaux, autonomes. (2)» N’est-ce pas le processus qui, en d’autres temps, a formé les Métiers, appelés aussi corporations à partir du XVIIe siècle, et qui a permis de garantir au fil des temps des conditions acceptables pour tous ceux qui y travaillaient et qui, un jour, accéderaient à un repos professionnel mérité ? C’est en tout cas ce que les royalistes sociaux, qualifiés parfois de corporatistes, prônent en réclamant « la propriété du métier » et « le patrimoine corporatif », et que certaines professions ont, concrètement, mis en pratique ! Mais, là encore, la République ne sait pas créer, au sens professionnel du terme, et elle préfère spolier, confisquer, récupérer ce que la sueur des hommes a ensemencé, et cela dans une perspective purement idéologique et comptable : la logique de la République « une et indivisible » ne peut que difficilement (et provisoirement) accepter que des associations professionnelles, des corps de métiers ou des corporations, s’organisent « hors d’elle », et l’actuel projet de réforme le démontre à l’envi. On comprend mieux pourquoi, dans les discours officiels comme ceux des idéologues libéraux, le « corporatisme » est un terme toujours employé dans un sens péjoratif quand, dans la réalité concrète des professions libérales, celui-ci est la meilleure garantie des libertés et des droits professionnels, y compris après le temps du travail.

 

De plus, ces caisses autonomes sont généralement plus efficaces que la République ou que les syndicats officiels pour maîtriser les dépenses et valoriser les revenus de la profession. Comme le souligne le collectif SOS Retraites, « nos régimes autonomes sont tous équilibrés, alors que le régime général est gravement déficitaire. Peut-être parce que nous avons été prévoyants là où les gouvernements successifs ont procrastiné : nos régimes autonomes ont anticipé le choc démographique, y compris en prenant des mesures contraignantes ». Or, à défaut de prévoir et de gouverner, et comme je l’évoque plus haut, la République préfère taxer ou spolier « au nom de (sa) loi », ce que dans l’édition du lundi 16 septembre du Figaro (pages économie) rappelle Paule Gonzalès à travers un exemple concret : « le projet de réforme (…) va obliger la profession [des avocats] à fusionner son régime des retraites avec le régime général. (…) Il va aussi résulter de cette fusion imposée le versement dans le pot commun de 2 milliards d’euros de provisions, réalisées au fil des ans par une profession prudente, anticipant l’évolution démographique », anticipation et bonne gestion que le régime général et les gouvernements successifs de la République n’ont ni voulu ni su faire, prisonniers qu’ils étaient d’un système politique qui repose sur l’élection et la promesse plutôt que sur la raison et la prévision… En pensant en termes de clientèle plutôt que de corps de métiers et de bien commun, la République sacrifie ce qui « marche » quand cela semble échapper à son contrôle, ce que Fanny Guinochet résume dans les pages de L’Opinion à propos de cette réforme : « Surtout, s’installe cette petite musique négative que cette réforme ne fera que des perdants » (…). Non seulement des perdants… mais sanctionnera aussi les bons élèves ! »

 

Oui, le vieux royaliste que j’évoquais plus haut a raison : c’est bien « un nouveau 1791 » que le gouvernement de la République nous prépare… Il faut souhaiter que, connaissant la triste histoire sociale de cette année-là et ses conséquences, les principaux intéressés ne se laisseront pas faire. Mais, sans doute faut-il aller plus loin et en appeler à la constitution de nouveaux régimes (et caisses) autonomes de retraite pour toutes les professions qui le veulent et le peuvent, librement et publiquement, sans possibilité pour l’Etat de les confisquer ou d’attenter à cette « propriété corporative ». En somme, entre un modèle libéral peu soucieux des « autres » et un modèle étatiste confiscatoire du travail et de ses fruits, il est temps de penser plus globalement un autre modèle qui existe déjà à travers ces régimes autonomes de retraite pour nombre de professions : un modèle dans lequel le travail est reconnu et sa qualité garantie, un modèle qui ordonne la profession et assure les accidents ou les lendemains du travail par la constitution d’un « patrimoine corporatif »… Un modèle d’organisation corporative approprié à notre pays et à ses particularités professionnelles, pour que capacités productives, garanties de qualité et de pérennité, et justice sociale s’accordent plutôt que se combattent.

Jean-Philippe Chauvin

 

Notes : (1) : le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier de mars et juin 1791 qui abolissent les corporations et interdisent toute association professionnelle, mais aussi suppriment le droit de grève et les systèmes corporatifs d’entraide et de solidarité au sein d’un métier donné… Les lois les plus « antisociales » de toute l’histoire de France !

 

(2) : Dans Le Figaro (pages économie), une avocate complète la dernière formule : « Un régime autonome, et non pas spécial, qui n’a pas coûté un centime au contribuable », ce qui n’est pas négligeable, tout de même !

 

 

Le corporatisme, une solution d’avenir…

Qu’est-ce que le régime corporatif ?

Il est très difficile aujourd’hui de proposer le principe corporatif comme conception économique, tant les esprits sont imprégnés des idéologies dominantes : le libéralisme et le socialisme. Depuis que l’ordre naturel, fondé sur des communautés naturelles organiques, a été bouleversé par la loi Le Chapelier, qui ne reconnaît plus que les individus et l’État, nous baignons dans un système qui oscille entre la poursuite d’intérêts individuels, exaltés par l’idée de concurrence, où toutes les barrières qui régulaient l’économie sont abolies, et une défense d’intérêts de classe, où le principe d’opposition s’est substitué au principe d’union et d’organisation. Tout le problème est là. Cette philosophie de l’économie, a débouché sur l’ouverture des marchés à tous vents, au développement de la grande distribution tuant le commerce de proximité, à la mondialisation, aux multinationales et à la disparition des économies locales, qui reflétaient un art de vivre et qui ont fait toute l’originalité de notre civilisation. Que peut-on faire aujourd’hui pour reconstituer des structures d’organisation et de participation dans le domaine professionnel ?

Avec René de la Tour du Pin on sait qu’il n’y a pas deux, mais trois principales écoles d’économie politique :

 » celle où l’on considère l’homme comme une chose « , c’est le libéralisme,

 » celle où on le considère comme une bête « , c’est le socialisme,

 » celle ou on le considère comme un frère « , il s’agit alors du corporatisme.

C’est de cette troisième école d’économie politique dont nous allons parler :

(suite…)

Vers une révolution corporative :

Il est très difficile aujourd’hui de proposer le principe corporatif comme conception économique, tant les esprits sont imprégnés des idéologies dominantes : le libéralisme et le socialisme. Depuis que l’ordre naturel, fondé sur des communautés naturelles organiques, a été bouleversé par la loi Le Chapelier, qui ne reconnaît plus que les individus et l’État, nous baignons dans un système qui oscille entre la poursuite d’intérêts individuels, exaltés par l’idée de concurrence, où toutes les barrières qui régulaient l’économie sont abolies, et une défense d’intérêts de classe, où le principe d’opposition s’est substitué au principe d’union et d’organisation. Tout le problème est là. Cette philosophie de l’économie, a débouché sur l’ouverture des marchés à tous vents, au développement de la grande distribution tuant le commerce de proximité, à la mondialisation, aux multinationales et à la disparition des économies locales, qui reflétaient un art de vivre et qui ont fait toute l’originalité de notre civilisation. Que peut-on faire aujourd’hui pour reconstituer des structures d’organisation et de participation dans le domaine professionnel ?

Avec René de la Tour du Pin on sait qu’il n’y a pas deux, mais trois principales écoles d’économie politique :

 » celle où l’on considère l’homme comme une chose « , c’est le libéralisme,

 » celle où on le considère comme une bête « , c’est le socialisme,

 » celle ou on le considère comme un frère « , il s’agit alors du corporatisme.

C’est de cette troisième école d’économie politique dont nous allons parler :

Cette troisième école d’économie politique, venue de l’expérience de l’histoire, par empirisme, en quelque sorte, oubliée par confort par ceux qui soumettent les peuples à l’usure et au monde des chimères matérialistes, fut celle des temps médiévaux. Cette école a fleuri sur l’arbre de nos ancêtres, fruit des usages, coutumes, droits acquis et traditions multiples, que nos pères avaient accumulés avec le temps. Les efforts dans le labeur avaient constitué des règles, liés aux divers métiers et soucis sociaux, c’est ce que nous appellerons plus communément le régime corporatif. Ce régime est le plus humain et le mieux adapté face aux difficultés économiques d’aujourd’hui et de demain. Les considérations qui vont suivre le feront paraître.

Et d’abord quelle est la condition essentielle d’un bon régime du travail ? La Tour du Pin a fait à cette question une réponse de nature à satisfaire les plus difficiles : « Le travail n’a pas pour but la production des richesses, mais la sustentation de l’homme, et la condition essentielle d’un bon régime du travail est de fournir en suffisance d’abord au travailleur, puis à toute la société, les biens utiles à la vie. »

La Tour du Pin a défini le régime corporatif : « Une organisation de la société en corps professionnels, aussi bien dans l’ordre politique que dans l’ordre économique ». Dans l’ordre politique, il fournit aux corps élus la représentation des droits et des intérêts en lieu de celle des partis ; dans l’ordre économique, « il substitue à la liberté illimitée du travail et du capital et à la concurrence sans frein qui en résulte des règles variables dictées par les corps professionnels eux-mêmes dans l’intérêt de la sécurité et de la loyauté du métier ».

Retenons bien cette formule : « Règles dictées par les corps professionnels eux-mêmes » : elle restitue au régime corporatif son vrai visage. Ce régime n’est pas, ne doit pas, ne peut pas être une création d’Etat : il est l’organisation de la profession par les hommes de la profession.

Le régime corporatif français rejette le libéralisme, l’anonymat des entreprises, la lutte des classes et l’orientation de la production tournée exclusivement vers le profit.

Corporations : le mensonge – La Révolution et le monde du travail :

Conférence de Marion Sigaut sur le thème : « Corporations : le mensonge – La Révolution et le monde du travail. » pour Egalité&réonciliation

La Révolution française et le travail de Mgr Freppel :

Les corporations, expression du droit naturel Retour à la table des matières

L’idée fondamentale de la Révolution française en matière économique est contenue dans cette maxime économique de Turgot, tant applaudie à la fin du siècle dernier : « La source du mal est dans la faculté même accordée aux artisans d’un même métier de s’assembler et de se réunir en corps » [1].

On croit rêver en lisant aujourd’hui de pareilles inepties tombées de la plume d’un homme d’esprit. Ce que Turgot, fidèle interprète des opinions de son temps, appelait la source du mal n’est autre chose qu’un principe rigoureux de droit naturel. Car il est dans la nature des choses que les artisans d’un même métier et les ouvriers d’une même profession aient la faculté de s’assembler pour débattre et sauvegarder leurs intérêts ; ou bien il faut renoncer à toutes les notions de la solidarité et de la sociabilité humaines.

C’est ce qu’on avait parfaitement compris jusqu’à la veille de 1789. Après avoir proclamé les principes qui devaient amener graduellement l’esclavage au colonat et au servage, puis enfin à l’affranchissement complet du travailleur, l’Église avait fini par faire triompher dans la classe ouvrière, comme ailleurs, la loi si éminemment féconde de l’association.

(suite…)