Royalisme social

Action Sociale Corporative N°28

SOMMAIRE :

Page 3 et 4 : Documentaire : Histoire de la Législation sociale
Page 5 à 10 : TOUJOURS AVANCER NE JAMAIS RENONCER
– Page 5 et 6 : Matérialisme ou essentiel ? – Par Durandal
– Page 6 et 7 : La révolution intégrale – Par Frédéric Winkler
– Page 7 et 8 : Il n’y a de honte qu’à se soumettre – Par Augustin Debacker
– Page 8 et 9 : Libérer la parole royaliste – Par Augustin Debacker
– Page 9 et 10 : Vivre libre ou mourir – Par Frédéric Winkler
Page 11 à 14 : Le fossé entre riches et pauvres n’a jamais été aussi grand – Par Marc Vandepitte
Page 15 à 18 : Adolf Hitler était un homme de gauche
Page 19 et 20 : Regard sur l’Europe : La pauvreté en Europe – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 20 à 21 : L’Union européenne, une « machine à punir » qui ne fait plus rêver – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 21 à 22 : Un bref résumé des propos royalistes sur l’Europe – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 22 et 23 : Consommer responsable – Par Claire
Page 24 et 25 : L’enseignement du Docteur Paul Carton – Par Frédéric Winkler
Page 25 et 26 : Histoire de la Forêt française – Par Mauricette VIAL-ANDRU
Page 27 : Le corporatisme au service du producteur

Pour une nouvelle agriculture française

Réflexions et propositions royalistes :

« Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » : cette citation célèbre de Sully, ministre du roi Henri IV, a-t-elle encore un sens aujourd’hui ? Certes, le Salon de l’Agriculture remporte chaque année un succès populaire indéniable mais de plus en plus on le visite comme on irait au zoo, c’est-à-dire en quête d’exotisme plus que de racines ; certes, il reste environ un million de personnes qui travaillent dans le secteur agricole mais de moins en moins en relation avec les saisons et les paysages et de plus en plus en fonction des cours des produits agroalimentaires ; certes, les productions agricoles françaises se vendent et s’exportent encore bien mais elles ne constituent plus qu’une part dérisoire du PIB français (environ 4 %)…

En fait, l’agriculture française est en crise, mais surtout elle semble douter d’elle-même, presque négligée par un Etat qui ne la considère que sous le seul angle économique quand il faudrait la penser sous les angles sociaux, environnementaux, voire même politiques, dans le cadre d’une stratégie à long terme et d’une politique d’aménagement du territoire dont les terroirs, les paysages et les sociétés locales humaines ne peuvent être absentes. D’ailleurs, cette crise, qui provoque de nombreux drames dans le monde des exploitants agricoles (suicides nombreux, marginalisation sociale et isolement, endettements dangereux, arrachages d’arbres fruitiers ou abandon –et disparition- de cultures ou d’espèces végétales comme animales…), n’est que le prolongement ou la pratique d’une mondialisation qui uniformise plus encore qu’elle n’internationalise les produits tirés de l’activité agricole, et d’une logique agroalimentaire qui privilégie les profits et les grandes quantités, souvent (même si cela souffre quelques belles exceptions) au détriment de la qualité et des traditions des terroirs et des communautés. La logique de la société de consommation n’arrange rien en favorisant des formes de restauration rapide et bon marché qui dévalue les attitudes du bien manger et dévalorise la nourriture comme les arts de la table, les ramenant à une simple routine quantitative, trop sucrée, trop salée et trop grasse : du coup, les consommateurs sont peu sensibles, la plupart du temps, à la provenance ou à la qualité propre des produits alimentaires, n’en considérant que le prix ou le goût plaisant sans en mesurer les conséquences ni même les saveurs véritables…
(suite…)

Le Docteur Villermé et les esclaves du libéralisme

Louis René Villermé :
Né en 1782 et mort en 1863, fut parmi les premiers royalistes à se battre pour la cause sociale après la Révolution. Il fut médecin et se pencha sur les problèmes de mortalité selon les conditions sociales et très vite, avec d’autres, il se rend compte que le machinisme était pour quelque chose. En 1837 à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, il prononce un discours public où les thèmes essentiels suivants furent abordés:
– Une quantité considérable d’ouvriers sont dans un état réel de souffrance
– Le travail est pénible, ils sont chargés de famille nombreuse
– Le salaire est en dessous du nécessaire
– Les vêtements sont hors d’état
– Les logements sont humides et malsains
– L’alimentation est grossière et insuffisante

Travail des enfants 6

Contre la misère des enfants :
– Ils vivent dans un excès de travail et de misère
– Chaque jour on les garde jusqu’à plus de 15h avec 13h de travail effectif
– Les loyers sont trop élevés et ils vivent parfois très loin du travail ou pour venir il faut marcher 7km…
– Certains enfants qui ont à peine 7 ans, d’autres moins « abrègent leurs sommeil et leur repos de tout le temps qu’ils doivent employer pour parcourir deux fois par jour cette longue et fatigante route »
– Les enfants sont maigres, couverts de haillons.
« sous leur vêtement rendu imperméable par l’huile des métiers tombée sur eux, le morceau de pain qui les doit nourrir jusqu’à leur retour »
– Les lieux de travail sont souvent des pièces fermées ou il faut tenir debout pendant plus de 10 heures,
« c’est une torture»
« Le remède…serait une loi qui fixerait un maximum à la durée journalière du travail »

Dans la région Lilloise, il constatera, après avoir observé une soixantaine de métiers que les ouvriers vivent dans des conditions repoussantes, entassés dans des caves ou des greniers. Il passe en revue la Haute Normandie, la Marne, l’Aisne, les Ardennes avec les industries lainières, cotonnières et toutes ses observations sont soigneusement consignées. Certains horaires de travail vont jusqu’à 17 heures par jour ! Il continu dans la Vallée de la Somme, Lodève et Carcassonne, les industries de la soie.
Dans les Cévennes ou il écrit en voyant les femmes :
« Il serait difficile de se faire une idée de l’aspect sale, misérable, de la malpropreté de leurs mains, du mauvais état de santé de beaucoup d’entre elles et de l’odeur repoussante « sui generis» qui s’attache à leurs vêtements, infecte les ateliers.» Les doigts de ces pauvres femmes étaient devenus insensibles à cause des bassines d’eau bouillante des ateliers de tissus.

– Il constate une grande mortalité infantile avec des enfants écrouelleux et de nombreux ouvriers dans les villes sont scrofuleux.
– Il demande l’instruction pour les enfants
– Il demande une loi interdisant le travail en dessous de 9 ans avec un travail graduelle selon les âges
– Il demande l’interdiction du travail de nuit avant 15 ans
– Il demande la nécessité d’un certificat médical
– Il pose des questions sur la misère en faisant porter attention sur la mortalité, les maladies, la garde des enfants etc…
– Il remet en cause le « Livret de travail » avec les avances sur salaire servant de moyen de pression sur les ouvriers
– Il propose la création de caisses de secours pour les accidents du travail
– Il porte l’attention sur les problèmes de sécurité des machines
– Il propose des indemnités journalières
– Il propose la création de caisses de maladie et de retraites
– Il porte l’attention sur les locaux industriels et la salubrité

Certaines de ses propositions aboutiront par la loi de 1841, signé par Louis-Philippe aux Tuileries. La durée de travail passait à 8 heures jusqu’à 12 ans et 12h de 12 à 16 ans. Le travail de nuit fut interdit avant 16 ans, le repos obligatoire, les jours fériés, 2 ans d’études primaires obligatoires avant l’usine avec des mesures de santé…
L’Archevêque de Rouen dit alors : « Il fallut une loi de fer pour défendre de tuer les enfants au travail»

Les débats furent houleux car le chimiste Gay Lussac s’y opposait en prétextant l’intrusion de l’Etat dans les industries, que l’on ne pourrait rien sur la salubrité et que tout cela serait un retour au St Simonisme.
Le Comte de Tascher répliqua : « C’est quand on nous révèle une telle immoralité qu’on refuserait d’y pourvoir…le nerf de bœuf est placé en permanence sur les métiers dans certains ateliers. Et c’est en présence de telles abominations qu’on voudrait refuser au gouvernement le droit de les faire cesser »

Il faudra attendre le vote à la Chambre des Députés le 29 décembre 1850.

Action Sociale Corporative N°26

SOMMAIRE :

Page 3 et 4 : Documentaire : Histoire de la Législation sociale
Page 5 à 12 : FAIRE SA REVOLUTION INTERIEURE – Par Frédéric Winkler
– Page 12 et 13 : Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite – Par Augustin Debacker

Page 14 et 15 : Travail du dimanche et emploi : illusions et réalités – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 16 et 17 : Les portiques de l’injustice fiscale en Bretagne – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 18 : Une taxe maladroite et sans légitimité – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 19 et 20 : La colère bretonne contre l’erreur fiscale de trop de la République- Par Jean-Philippe Chauvin
Page 21 : Dernier adieu à Guy Steinbach – Par Joseph Durandal et Jean-Philippe Chauvin
Page 22 : Les raisons d’un échec, les moyens d’une victoire – Par Romain Lasserre
Page 23 : La république contre le Catholicisme – Par Frédéric Winkler
Page 24 et 25 : Urbanisme – Par Frédéric Winkler
Page 25 : De la réfection politique à la réforme sociale – Par Augustin Debacker
Page 26 : Histoire de la Forêt française – Par Mauricette VIAL-ANDRU

La colère bretonne contre l’erreur fiscale de trop de la République

Non à l'écotaxe

Tout d’abord, la question même de l’impôt, de sa légitimité et de son acceptabilité : tout Etat digne de ce nom doit trouver les moyens de se financer pour pouvoir maîtriser les territoires et aider les populations, engager de grandes politiques et être présent sur la scène internationale, tout simplement pour « être et durer » et représenter les intérêts de la nation, les défendre et les faire prospérer. En période de crise (qu’elle soit géopolitique comme en 1675 avec la guerre de Hollande – le pays, pas la personne…, ou économique et financière comme aujourd’hui, marque d’une mondialisation en cours, moins heureuse qu’espérée), trouver de l’argent est un art plus délicat encore que d’ordinaire, et qui nécessite un certain doigté si l’on veut éviter les réactions brutales : oublier les spécificités locales dans un pays aussi pluriel que la France, chatouiller les susceptibilités provinciales ou socio-professionnelles ou vouloir passer en force sans un minimum de concertation avec les parties concernées, en particulier celles appelées à s’acquitter de nouvelles taxes ou impositions, c’est risquer le mécontentement explosif, la contestation active et l’émeute revendicatrice. Colbert, en 1675, en négligeant la particularité de l’autonomie bretonne, a allumé, peut-être sans en saisir toutes les conséquences, un incendie qui mit bien du temps à s’apaiser et desservit l’Etat central sans satisfaire le Roi, obligé d’envoyer des troupes dans la province rebelle et risquant sa postérité… L’historien breton La Borderie, pourtant royaliste convaincu (il fut député monarchiste de Vitré de 1871 à 1876), n’hésita pas à parler, pour évoquer la répression royale de 1675, de « despotisme », même s’il cible plus Colbert que le souverain lui-même… Le gouvernement Ayrault devrait se souvenir de cela, sans doute, s’il ne veut pas perdre tout crédit (ou plutôt ce qui lui en reste…) dans une région qui, pourtant, lui était électoralement très favorable en 2012. Mais il est vrai que, contrairement à la structure institutionnelle étatique d’une monarchie qui restait encore « fédérative » à défaut d’être complètement fédérale, la République se veut « une et indivisible » et, donc, égalitaire, au risque de ne pas prendre en compte ce qui fait la diversité française et de se heurter à des réalités qui, elles, ne sont pas identiques d’un bout à l’autre du territoire national…

D’autre part, pour être acceptable et accepté, un impôt ou une taxe doit avoir une « raison d’être » et apparaître comme utile, voire nécessaire, aux populations qui doivent l’acquitter : or, qu’a-t-on avec cette fameuse « écotaxe », si mal nommée en fait ? C’est qu’elle devait plus rapporter à une société privée, baptisée Ecomouv, qu’à la Bretagne elle-même ! Cela nuit, évidemment, à la crédibilité de cette taxe qui apparaît plus devoir bénéficier à des actionnaires ou à des intérêts privés qu’à la collectivité elle-même : le principe de la « Ferme générale », déjà condamné sous l’Ancien régime parce qu’elle semblait trop profiter à quelques riches « percepteurs », n’est pas plus populaire ni compréhensible aujourd’hui qu’hier…

Mais là n’est pas le plus grave : en fait, cette taxe n’était accompagnée, pour lui donner crédit près de la population, que de vagues projets de transports ferroviaires, d’autant plus incompris en Bretagne que la SNCF a abandonné toute velléité de ferroutage dans cette province et qu’il n’a guère été évoqué d’alternative à la route en cette même région ! Pourtant, la reconstruction d’un réseau ferré dédié au transport de marchandises et de camions sur plateforme ferroviaire devrait être une priorité, mais aussi l’étude et la mise en place d’un système de cabotage ou de merroutage qui relierait les côtes de Bretagne aux grands ports nationaux (en particulier Le Havre, à l’embouchure de la Seine) pour éviter les routes et diminuer la pollution du transport routier… Or, rien de tout cela ! D’où l’incompréhension et l’absence de légitimité de cette nouvelle taxe, aggravées par les difficultés actuelles de l’économie en Bretagne, en particulier dans le secteur agroalimentaire.

Prisonnière de ses principes et de ses maladresses, la République se heurte désormais à une colère bretonne dont les derniers événements montrent qu’elle n’est pas qu’une simple flambée mais bel et bien une contestation plus profonde qui fait suite à un malaise lui aussi enraciné dans le tissu provincial, sur le plan social comme politique : au-delà de la politique fiscale, c’est aussi toute la politique d’aménagement du territoire mais aussi d’autonomie régionale que l’Etat doit repenser.

Mais la République peut-elle faire ce double effort à l’heure où la mondialisation menace la réalité même de l’Etat et avec un gouvernement qui apparaît désormais isolé et condamné à brève échéance ?

Jean-Philippe Chauvin

Les portiques de l’injustice fiscale en Bretagne

contre l'écotaxe

Les cafés rennais résonnaient dimanche et encore ce lundi matin des échos de la colère des agriculteurs bretons et de la bataille autour du portique de Pont-de-Buis destiné au prélèvement automatique de la fameuse écotaxe : les télévisions d’information passaient en boucle les mêmes images des fumées, des bonnets rouges défiant les gardes casqués ou des manifestants blessés, à terre… Et cela discutait sec en lisant « Le journal du Dimanche » ou « Ouest-France-dimanche » qui faisaient chacun leur couverture sur « Les révoltés de l’écotaxe » ou « Vent de fronde en Bretagne ». Sur le comptoir d’un bistrot, comme une sorte d’intersigne, il y avait aussi le numéro « hors-série histoire » du magazine « Bretons » qui titrait, insolemment, « La Bretagne contre la Révolution ? », un chouan montant la garde en couverture…

Ce qui a mis le feu aux poudres en Bretagne, c’est cette taxe supplémentaire qui doit entrer en application au 1er janvier prochain, au moment même où la Bretagne affronte une de ses plus graves crises de l’emploi, entre les licenciements dans l’industrie automobile (usine PSA de Rennes-La-Janais), dans celle des télécommunications (Alcatel-Lucent, là encore à Rennes mais aussi à Lannion), et, surtout, dans ce qui constitue encore l’un des principaux réservoirs de métiers et d’emplois de la province, le secteur agroalimentaire, avec la fermeture de nombreux abattoirs et d’entreprises de transformation de la viande et du poisson, en particulier dans le Finistère, là où la tension sociale est désormais la plus palpable et la plus explosive comme les jours derniers l’ont bien montré.
Cette écotaxe est donc bien mal venue : ce n’est ni le moment ni le lieu, si l’on peut dire, de l’appliquer, alors que la Bretagne subit de plein fouet les effets délétères d’une mondialisation qui respecte si peu (voire pas du tout…) les règles d’équité économique, de justice sociale et de souci environnemental ! Quelques exemples de cette folle et terrible mondialisation sans freins ni entraves : la concurrence déloyale des abattoirs allemands qui exploitent une population d’ouvriers misérables venus de l’Europe orientale et centrale, certains d’entre eux étant payés moins de 400 euros mensuels (!), et cela dans la première puissance économique de l’Union européenne, au cœur de celle-ci, sans que cela émeuve beaucoup la Commission européenne ; les multiples violations par les grandes multinationales de l’agroalimentaire des milieux naturels (destruction des forêts brésilienne ou africaine pour produire de l’huile de palme ou des agrocarburants, saccage des littoraux ou des fonds marins pour en tirer à moindre frais le maximum de ressources monnayables, etc.) et l’indifférence totale de celles-ci pour le bien-être animal ou la diversité des espèces végétales, etc.
(suite…)

Travail du dimanche et emploi : illusions et réalités

travail-dimancheLa question du travail le dimanche revient sur le devant de la scène sociale, mais dans de mauvaises conditions pour le débat sur ce sujet, au regard de la situation de l’emploi en France et dans le cadre d’une société de consommation qui survalorise la croissance quantitative quand il faudrait penser plutôt en termes qualitatifs, et pas forcément en termes de croissance, comme le rappelait Patrice de Plunkett dernièrement.

J’ai déjà écrit ici mes réserves, voire mon hostilité marquée au travail le dimanche, plus précisément pour le secteur de la Grande distribution, tout comme je dénonce régulièrement la disparition des jours fériés dans ce même secteur, le plus souvent au détriment des salariés eux-mêmes : on pourra le constater encore le jour de la Toussaint, cette année un vendredi, et le 11 novembre, un lundi… Ne restent plus fériés que Noël et le Jour de l’An dans le calendrier des grandes surfaces ! Toutes les autres fêtes, jadis occasions de fermetures, sont oubliées, et c’est la même affichette que l’on retrouve sur la porte de Parly2 et de beaucoup d’autres : « ouverture exceptionnelle » (sic !) quand c’est la fermeture qui, elle, est devenue exceptionnelle, voire rare !

Pour en rester à la question de l’ouverture ou de la fermeture le dimanche des magasins, plusieurs points sont discutés sur lesquels il n’est pas inutile d’y revenir : d’abord la question de l’emploi, évidemment primordiale en ces temps de chômage de masse structurel. Ainsi, les partisans de l’ouverture dominicale arguent que celle-ci permettrait la création de nombreux emplois, entre 32.000 jusqu’à 102.000 si l’on se réfère aux exemples des pays étrangers qui ont libéralisé l’ouverture des magasins le dimanche (Canada, Etats-Unis, etc.) : néanmoins, dans un article paru samedi 28 dimanche dans les pages économie du « Figaro », Cécile Crouzel relativise cette projection mirifique : « Reste que tout dépendrait de la souplesse des nouvelles règles et du nombre de magasins concernés. Les effets pourraient être différents selon les secteurs, une étude du Credoc de 2008 ayant estimé que 6.800 à 16.200 emplois postes seraient détruits dans l’alimentaire, les grandes surfaces cannibalisant le petit commerce. » J’ai d’ailleurs constaté que, lorsque Parly2 (grand centre commercial aux portes de Versailles) est ouvert les dimanches précédant Noël ou lors des soldes, le marché dominical de Versailles, mais aussi celui, un peu plus lointain, de Saint-Germain-en-Laye, étaient beaucoup moins attractifs et fréquentés : la déperdition de fréquentation du marché de Versailles a été estimée à environ 30 % (près d’un tiers d’un dimanche habituel !), ce qui est énorme ! Il est à noter que, depuis l’ouverture dominicale de plusieurs petites et moyennes surfaces alimentaires le dimanche de 9 heures à 13 heures (celles-ci appartenant à de grands groupes de distribution…), une partie des jeunes consommateurs s’est détournée du marché traditionnel pour lui préférer le « leader price » ou le « franprix » le plus proche…
(suite…)

Action Sociale Corporative N°25

SOMMAIRE :

Page 3 et 4 : Documentaire : Histoire de la Législation sociale
Page 5 à 11 : LES RAISONS DE NOTRE COMBAT – Par Frédéric Winkler
– Page 12 et 13 : Pour une politique d’autonomie – Par Frédéric Winkler
– Page 14 et 15 : Les raisons de notre combat – Par Augustin Debacker
Page 16 et 17 : La Monarchie sociale : ses raisons d’être – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 18 : Violence de l’oligarchie – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 19 : République, Monarchie et politique étrangère – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 20 et 21 : La révolte fiscale qui vient… – Par Jean-Philippe Chauvin
Page 22 et 23 : Urbanisme – Par Frédéric Winkler
Page 24 et 25 : La Monarchie, combien ça coûte ?
Page 26 : Histoire de la forêt – Par Mauricette VIAL-ANDRU

Discours prophétique d’Albert de Mun

Albert de Mun 3« Voilà dans quelle pensée je monte à la tribune, et, je n’ai pas besoin de le dire, l’esprit bien libre de toutes les arrière-pensées qui, dans un débat parlementaire, peuvent toucher aux intérêts ministériels, dans lesquels nous n’avons rien à voir. Mon intention est de parler pour la Chambre et pour le pays qui nous entend, plutôt que d’interpeller un ministère. Messieurs, la question qui s’agite ici est bien plus profonde dans ses sources, bien plus vaste dans ses conséquences, que ne pourrait l’être une crise passagère, si grave, si violente qu’elle pût être : ma conviction, c’est qu’il se fait dans le monde, à l’heure où nous sommes, par l’effet d’un ensemble de causes morales et matérielles, un grand mouvement social, une évolution profonde ; et que, de la manière dont ce mouvement sera conduit, des transformations qui sortiront de ce trouble général dépendront la paix et la prospérité des nations civilisées.

La question est de savoir si tous ceux qui ont intérêt à la conservation sociale, – et je n’en excepte naturellement personne, – sauront à temps se réunir et s’entendre, non pas pour se coaliser dans une infructueuse résistance, mais pour diriger, pour conduire la réforme économique devenue nécessaire, ou si cette réforme inévitable se fera définitivement sans eux et contre eux. Voilà la question : il n’y en a pas de plus haute dans l’ordre politique, je n’en connais pas qui mérite à un plus haut point de fixer l’attention des hommes d’État ; elle a un nom : c’est la question sociale. On a dit qu’il n’y en avait pas, qu’il n’y avait que des questions sociales ; je crois qu’on s’est trompé, il y en a une qui résume toutes les autres : c’est celle dont je parle ici. Tout récemment, dans un article frappant sur l’enchérissement de la vie, un écrivain de la Revue des Deux Mondes la définissait par l’effort instinctif des multitudes pour amoindrir la misère et pour alléger le travail. J’accepte la définition, bien que je ne la trouve pas complète, parce qu’elle met en lumière l’aspect principal et le plus saisissant de la question. Amoindrir la misère et alléger le travail ! Eh ! bien, Messieurs, si, me plaçant à ce point de vue, je cherche à me rendre compte des causes générales de la crise qui nous agite, la première chose qui me frappe, c’est que ce n’est pas une crise française, mais une crise internationale. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)

Les nations modernes sont en souffrance, et la maladie chronique qui les épuise, – j’ai déjà exprimé cette idée, et je ne cesserai de la répéter, parce que je la crois fondamentale, c’est l’excès de la concurrence. Depuis un siècle, des doctrines nouvelles se sont levées sur le monde, des théories économiques l’ont envahi, qui ont proposé l’accroissement indéfini de la richesse comme le but suprême de l’ambition des hommes, et qui, ne tenant compte que de la valeur échangeable des choses, ont méconnu la nature du travail, en l’avilissant au rang d’une marchandise qui se vend et s’achète au plus bas prix. L’homme, l’être vivant, avec son âme et son corps, a disparu devant le calcul du produit matériel. Les liens sociaux ont été rompus ; les devoirs réciproques ont été supprimés ; l’intérêt national lui-même a été subordonné à la chimère des intérêts cosmopolites, et c’est ainsi que la concurrence féconde, légitime, qui stimule, qui développe, qui est la nécessaire condition du succès, a été remplacée par une concurrence impitoyable, presque sauvage, qui jette fatalement tous ceux qu’elle entraîne dans cette extrémité qu’on appelle la lutte pour la vie.

Dans ce combat à outrance, l’abaissement du prix de revient est devenu la grande nécessité, la grande préoccupation des producteurs. Comme, dans toute entreprise industrielle, les frais généraux ne varient guère, il a fallu, pour arriver à cet abaissement du prix de revient, augmenter sans cesse la production, cette surproduction, favorisée de toutes manières par tous les développements de l’industrie moderne, par toutes les forces nouvelles que le génie de l’homme arrache à la nature, par la vapeur, par l’électricité, par l’outillage toujours perfectionné, cette surproduction a eu ce corollaire immédiat : l’excès du travail. Je ne voudrais rien dire Messieurs, qui dépasse la mesure, je ne voudrais pas aller au-delà de ce qui est juste et légitime ; mais je ne puis m’empêcher d’insister là-dessus, parce que c’est le point capital, celui qui touche directement à la condition de l’ouvrier : on a abusé du travail, et des forces de l’homme »

Albert de Mun, 25 janvier 1884
Député royaliste légitimiste sous la 3ième république, élu à l’Académie française au premier tour le 1er avril 1897, cousin d’Élisabeth de Gramont, duchesse de Clermont-Tonnerre, fondateur en 1901 de l’Action Libérale Populaire.

Ce texte est remarquable et prophétique. Il montre bien que la nature du mal qui nous ronge profondément est toujours la même en dépit de deux guerres mondiales, de révolutions, de millions de morts et de l’inversion de toutes les valeurs. La conclusion est claire: la civilisation purement matérialiste fait fausse route depuis la Révolution française ; elle est une voie sans issue.
Notre dernière chance est de le comprendre maintenant avant qu’il ne soit trop tard…

Olivier Tournafond

La Monarchie sociale : ses raisons d’être

monarchie ouvriers

La Monarchie française est éminemment sociale, ou a le devoir impérieux de l’être, ne serait-ce que pour légitimer sa nécessité et son autorité : c’est un élément que je ne cesse de mettre en avant, suscitant parfois une certaine circonspection de la part de mes contradicteurs mais aussi parfois des sympathisants monarchistes eux-mêmes…
Sans doute faut-il expliquer ce point de vue, et l’approfondir sans cesse, au regard de l’actualité, malheureusement cruelle aujourd’hui envers ceux qui travaillent ou qui cherchent un emploi : si la Monarchie n’est pas un remède miracle, elle est le régime qui peut permettre, avant tout, de garantir la justice sociale et de ne pas abandonner ceux qui souffrent d’une crise (en fait, d’un processus de mondialisation…) dont ils ne sont guère, en tant que tels, responsables ! L’indépendance de l’institution royale, de par le fait que la naissance ne doit rien à la fortune, lui donne l’occasion (qui est, en fait, un devoir) de parler au-dessus des simples intérêts privés, y compris des plus riches, que ceux-ci soient des individus ou des sociétés privées. Un Louis XIV n’hésita pas, en son temps, à embastiller Nicolas Fouquet, l’homme le plus riche du royaume, sans doute plus comme un rappel que l’Argent ne faisait pas le bonheur et, en tout cas, ne commandait pas à l’Etat royal en France, que comme le règlement d’une simple affaire de corruption… De plus, le Roi n’est pas le représentant des classes dominantes (une sorte de suzerain capitaliste, en somme) mais un souverain qui s’impose à tous et encore plus à ceux qui possèdent, et qui a le devoir de n’oublier personne dans son souci politique. S’imposer ne veut pas dire être un dictateur qui terroriserait les riches et flatterait les autres, mais simplement rappeler à tous que l’Etat n’est pas « une place à prendre » mais un pays à servir, au-delà des différences et des libertés particulières qu’il faut organiser, ou plutôt laisser s’organiser dans le respect des équilibres sociaux et de la justice nécessaire à toute œuvre sociale. Dans un monde où l’Argent a pris une telle importance, cela ne sera sans doute pas facile mais la Monarchie a ainsi quelques atouts et il serait dommage pour le pays de ne pas les utiliser…

https://soundcloud.com/user5994089/la-monarchie-une-r-alit

L’indépendance royale, certes menacée par les jeux des groupes de pression financiers dans cette mondialisation qui cherchera à fragiliser l’Etat politique, est un levier important dans la capacité de l’Etat et de son gouvernement, quelle qu’en soit la couleur électorale, à faire accepter les réformes à ceux qui, d’ordinaire, cherchent à s’en abstraire ou à en fuir les conséquences quand elles ne leur conviennent pas. Mais la Monarchie n’oublie pas de permettre à tous, y compris les groupes de pression, de s’exprimer et de proposer, voire de contester : mais c’est la Monarchie qui arbitre et préserve l’Etat et l’intérêt commun, tout en laissant le gouvernement faire son travail et œuvrer au quotidien.

La Monarchie active « à la française », de par son rôle majeur (sans être omnipotent ni même omniprésent) d’arbitrage politique et de protecteur social, marque son territoire d’action par sa capacité de décision dans quelques grands domaines, ceux que l’on nomme régaliens (ce qui, d’ailleurs et même en République, veut dire … « royaux » !) : la grande finance, la diplomatie et les affaires militaires, et la garantie de « la protection de tous », en particulier sociale.

Si la Monarchie instaurée (le plus tôt sera le mieux !) veut s’enraciner sans se renier, il lui faudra assurer et assumer son rôle éminemment social : dans un monde incertain, face à une mondialisation menaçante, elle doit tracer un sillon social profond en rappelant aux puissants d’aujourd’hui, d’ici comme d’ailleurs, que toute politique crédible et efficace passe par la prise en compte des populations et par le souci de préserver la justice sociale, ciment des sociétés et facteur d’unité nationale. Il lui faudra aussi lancer le grand chantier d’une nouvelle organisation sociale, par le biais d’un syndicalisme vertical qui prenne en compte, dans ses structures, tous les échelons de la hiérarchie, et par la mise en place d’espaces de réflexion et de décision, voire de redistribution dans certains cas (intéressement, actionnariat salarial ou populaire, patrimoine « corporatif », etc.), espaces qui réunissent tous les acteurs de l’activité économique locale, communale, régionale ou nationale, y compris en y intégrant des acteurs extérieurs et étrangers (mais qui ne devront pas avoir vocation à diriger ce qui doit rester aux mains des producteurs locaux) comme les investisseurs ou les représentants des institutions internationales (ceux de l’Union européenne, par exemple) ayant une part dans l’activité économique concernée.

A l’heure où la République tremble devant les oukases de la Commission européenne et les injonctions d’un Marché devenu incontrôlable, il est temps d’en appeler, fortement, à l’instauration d’une Monarchie sociale pour la France, non par caprice ou utopie, mais par réalisme et nécessité !
C’est, d’ailleurs, sur le terrain social, que le royalisme a, aujourd’hui, le plus de chances de faire entendre sa «musique particulière», au travers de la contestation des mesures antisociales de cette « Europe-là » et de cette République hollandaise si oublieuse de ses promesses électorales de justice sociale… Mais, au-delà de cette régence sociale que nous assumons, il faut poser, ici et maintenant, les conditions d’une vraie politique sociale inscrite dans le marbre des institutions à venir…

Jean-Philippe Chauvin