Corporatisme

La Tour du Pin et le salut par le Corporatisme :

  • Introduction

« Une propagande vraiment apostolique consiste à gagner à une entreprise des esprits neufs et des cœurs encore libres, à les enflammer de sa passion, à les soutenir de son énergie, à les diriger par son jugement, à être en un mot l’âme d’une association que l’on va organiser et développer dans son cadre à mesure qu’elle se recrute par ses premiers zélateurs. C’est là qu’est le secret d’une action vraiment puissante sur les idées et les institutions, qu’il s’agisse soit de les battre en brèche, soit de les réformer, soit de les mettre en honneur… » (La Tour du Pin)

Voici quelques passages de René de la Tour du Pin, que mon vieil ami Antoine Murat analysait dans son ouvrage « La Tour du Pin en son temps ». J’ai tiré de ces écris quelques lignes que je livre à ceux qui me liront. Ce que souhaitait Antoine et ce que je souhaite aussi, c’est d’en extraire l’esprit qui anime les saines solutions sociales et économiques dont notre pays peut s’inspirer, s’il décide de se redresser d’une pente inéluctable vers la mort, qu’entraîne le libéralisme financier. Nous avons longuement discutés ensemble. Je connaissais Maître Murat depuis les années 80, depuis la parution de son volume « Le Catholicisme Social en France » où je ferai part de son intervention d’alors. Il fut chef de groupe Camelot et eut sous ses ordres Guy Steinbach, qui me relatait ses souvenirs. Maître Murat, l’année de ses 100 ans m’écrivit le 9 juin 2008, l’émotion qu’il eut de partager ses repas avec moi au pied de son hôtel parisien, des Arènes de Lutèce, lorsqu’il venait sur Paris : « Je ne saurais oublier ni les paroles ni vos démarches…Tant de gentillesse et de dévouement sans ostentation, tant de fidélité et de désintéressement au service de la Cause, celle de la France et du Roi, sont des signes de la Providence. Un encouragement du Ciel… ». Je retourne à Maître Murat l’honneur qu’il me fit, me sentant bien humble, devant tant de compliments, j’essaierai d’être digne de sa mémoire. Il tint d’ailleurs à remettre en priorité l’insigne souvenir des Camelots du Roi à « Fanfan », officialisé plus tard par Guy Steinbach en personne. J’ai souvenir de son passage dans des locaux où il s’adressa fier et digne, devant un auditoire de jeunes qui, pour la plupart ne comprenaient pas l’importance de ce moment, cela motiva d’ailleurs, la création du « Groupe d’Action Royaliste », fruit d’une volonté créatrice. Il fut donc à l’origine, de notre existence aujourd’hui, par ses conseils et recommandations, comme François Algoud, Jean D’Orgeix, Guy Steinbach, Lavo et Jean Marie Keller. Si le « GAR » existe, c’est grâce à eux. Ils furent mes motivations pour continuer inlassablement, humblement, le travail que nous apportons à la cause du Roi…

Depuis la Révolution, certains maux apparaissent dans la vie professionnelle tels que :

  • L’accroissement du prolétariat
  • la désorganisation des familles
  • la désaffection des ouvriers aux patrons
  • L’instabilité des rapports
  • La décroissance de la capacité professionnelle
  • L’insécurité de l’exploitation
  • Les indices de la décadence économique après la consommation de la décadence morale, l’ensemble des phénomènes les plus néfastes de la désorganisation sociale apparaissent sous des formes variées
  • Les délocalisations…

Les causes en sont partout les mêmes dans la rupture des liens sociaux, l’individualisme, bref les fruits du libéralisme conquérant notre société depuis la Réforme, privilégiant le visible à l’invisible et mit au pouvoir par la Révolution. Le principe du régime corporatif est « dans la reconnaissance d’un droit propre, tant à chaque membre de l’association qu’à celle-ci dans l’Etat et à l’Etat envers celle-ci. C’est là le principe qui présidait à toute l’organisation du Moyen âge… ». Le monde médiéval se composait d’un enchevêtrement de droits et devoirs correspondants à des contrats entre collectivités pourvues chacune de privilèges, traitant entre elles, avec leurs membres pour l’édification d’un statut commun. Apprentis, compagnons ou maîtres, avaient leurs propres droits garantis par les statuts associatifs des corporations et sauvegardés par leur magistrature. L’ouvrier avait une « possession d’Etat », un titre comme l’ont aujourd’hui les avocats et médecins. Rappelons que ces associations avaient un capital, un patrimoine corporatif permettant de subvenir aux nécessiteux du métier, aux femmes perdant leur mari où aux enfants du métier. D’autre part ce patrimoine, financier, biens matériels et immobilier, permettait d’assurer l’apprentissage, les formations, les déplacements et bien d’autres choses encore. Faudrait-il parler du vol honteux que firent les révolutionnaires sur ces biens qui manquèrent aux ouvriers durant le scandaleux XIXème siècle antisocial de la république triomphante. Les révolutionnaires supprimèrent aussi les structures protectrices des corps de métier, faisant de l’ouvrier possesseur de son travail, un prolétaire-esclave livré à une « bourgeoisie », libérale victorieuse, transformant la société traditionnelle en société de masse, prolétarisée, numérotée, conditionnée, robotisée. Proudhon rajouterai : contrôlé, amendé, emprisonné, fusillé… Il est temps de retrouver le chemin oublié, de la reconnaissance de la capacité professionnelle du salarié comme de l’entrepreneur. La création du patrimoine corporatif participant à la prospérité de l’industrie. Le régime corporatif offre ce double avantage de « l’arrêt de la décadence économique par la loyauté de la concurrence et la prospérité du métier, l’arrêt de la décadence morale par la conservation des foyers et le retour à la vie de famille. »

« Le capitalisme est aujourd’hui pratiqué dans toute l’économie sociale qui ne tend uniquement qu’à faire porter des rentes au capital et, pour cela, qu’à diminuer le prix de revient du produit en se procurant à meilleur marché possible, la matière première et la main-d’œuvre et employant du produit le moins possible de l’une et de l’autre en qualité et en quantité… la concurrence, dit-on, est l’âme de la production ; mais elle existait aussi bien jadis, même avec le monopole corporatif qui, d’une part, ne permettait pas la surélévation au-delà du juste prix parce que les magistratures publiques y veillaient, et, d’autre part, ne toléraient pas la décadence du produit parce que les jurandes y tenaient la main. Il y avait concurrence entre les maîtres de la même corporation à qui livrerait, aux mêmes conditions de tarif pour la main d’œuvre, la matière première, et la vente, le meilleur produit. » (La Tour du Pin)

METHODE VIVANTE et CONCRETE !

OBSERVATION du PASSE pour le PRESENT !

COMPARAISON (EMPIRISME), ANALYSE (causes et risques)

CRITIQUE des RESULTATS !

JUGEMENTS et REMEDES

Le libéralisme est le fruit de l’individualisme sauvage rejetant toute vie communautaire, d’entraides sociales. Au nom des valeurs abstraites de la République, comme liberté-égalité-fraternité, on a détruit et pillé les anciennes corporations, qui assuraient l’équilibre des rapports sociaux. Au nom de la fausse croyance du « laisser faire, laisser aller », les libéraux ont jeté l’individu hors du métier organisé, pour le soumettre à la « libre concurrence », à « l’homme-masse », bref au joug de l’argent.

Cette voie oubliée et non enseigné, et pour cause, est celle de nos racines historiques, celle de la vie, celle des coutumes qu’édifièrent nos pères à travers cette magnifique construction nommée France. Le « vrai » revient toujours parce qu’il est naturel et contre les idéologies matérialistes de mort et d’exploitation de son prochain. Cette œuvre doit être connue et j’espère que ma modeste extraction et mes commentaires, vous inciterons à découvrir le chemin de notre libération car « Notre jour viendra ! »…

 Frédéric Winkler

Pierre-Joseph Proudhon, le visionnaire :

Voici quelques lignes tirés des travaux de mon ami regretté Pierre Bécat dans « L’anarchiste Proudhon, apôtre du progrès social ». Je n’ai fait que reprendre ce qui me semblaient essentiels afin d’aider les esprits à retrouver le chemin vers l’élévation. Il nous faut sortir d’un système créateur de misère et d’esclavage au profit du capitalisme libéral. Le choix sera simple où continuer vers un monde fabriquant des numéros avec des consommateurs devenus « des robots » aux ordres de financiers, où retrouver la voie d’un humanisme pour demain où l’homme libre reprendra sa place…

Notre jour viendra !
F. Winkler

Les origines du vrai combat social :

« Si je fais suivre du qualificatif de « social » le nom du royalisme, ce n’est point que dans ma pensée, le royalisme ne l’ait pas toujours été ou qu’il puisse cesser de l’être, ou encore qu’il soit possible d’en concevoir un qui ne le soit pas ; mais je crois qu’il est des temps où il convient de souligner plus fortement que de coutume ce qui est, en somme, l’aspect le plus intéressant de notre monarchie traditionnelle.
Eh bien ! j’estime, pour ma part, le moment venu de dire bien haut qu’il n’y a de sociaux véritables que les royalistes. »

Firmin BacconnierABC du royalisme social – 1909

Le compagnonnage :

transmissionLe sujet suscite toujours intérêt, curiosité et même un certain mystère. Qui sont ces « compagnons » ? D’où viennent-ils ? C’est leur histoire que re-écrit Philippe Lamarque, qui met en relief les mérites d’une institution qui perdure et se ré-actualise.

Au-delà des figures plus ou moins légendaires : enfants de Salomon, maître Jacques et père Soubise, héritiers des techniques de construction du temple de Jérusalem, il représente une institution associative, étroitement liée à l’organisation corporative en vigueur jusqu’à la Révolution française. Tout un ensemble de codes et de règles régit alors le monde du travail : chacun a sa place dans la hiérarchie sociale ; chaque corps de métier est une famille qui forme, intègre et protège. Avec l’explosion des techniques du Xème au XIV ème s. naîtront une quantité de métiers libres : la licence du Roi suffit pour s’établir. Puis des chartes pour les métiers jurés exigeront des épreuves d’admission, la production d’un « chef d’œuvre ». Ainsi les maîtres se portent garants des leurs, parce que la faute professionnelle entache l’honneur du corps entier. La fierté du métier suscite un esprit de corps et un code d’honneur.

On est encore dans l’esprit chevaleresque. Mais une bourgeoisie affairiste, disposant de moyens financiers, va transformer le monde du travail et briser la matrice des 3 ordres au nom de l’individualisme et du libéralisme. De son côté la royauté sacrée va évoluer vers une monarchie administrative et centralisatrice. Les guerres de religion auront des effets pervers, en divisant les « Devoirs », avec, chacun, leurs rites, leurs villes. De cette époque naît l’idée que la maçonnerie spéculative s’insère dans la maçonnerie opérative. Le colbertisme et les manufactures royales relégueront les compagnons au rang d’ouvriers interchangeables. L’ancien ordre finit par voler en éclat avec la Révolution. Le modèle protestant, d’inspiration libérale, favorise alors la concurrence, prohibe les ententes et donne naissance à la gouvernance. Le droit divin et la coutume laminés, artisans et salariés sont considérés sans corps intermédiaires pour les représenter face à la puissance étatique. Le syndicat ne sera qu’un pâle substitut pour défendre des droits essentiels. Le Compagnonnage sera traqué, car incompatible avec le nouvel ordre économique. Cependant des « Devoirs » survivront, plus ou moins inspirés des philosophies maçonniques, dont P. Lamarque nuance l’influence réelle selon les rites. Avec St-Simon et Louis Blanc ils militeront pour le principe coopératif et la fraternité ouvrière, tandis que naîtra parallèlement le catholicisme social. Ils tenteront en 1848 de se réconcilier sans succès.

Aujourd’hui le Compagnonnage a retrouvé une nouvelle jeunesse, bien que toujours séparé en 3 « devoirs ». Mais quelque soit la teinte philosophique, il représente un modèle de référence pour une conception du travail, opposée à la civilisation industrielle, mécanique, parcellaire, aux antipodes du capitalisme libéral, où tout est argent. Par ses similitudes avec le scoutisme, son appel à une morale exigeante, au triomphe de la volonté, à l’ascèse et à la fierté ouvrière, il reste l’héritier des traditions des corps intermédiaires, qui donne aux « laboratores » le sentiment d’appartenir à un même ordre.

Benjamin Guillemaind – www.alliance-sociale.org

Les buts du corporatisme :

a. Le but du corporatisme au sein de l’entreprise
Rendre aux facteurs de production leurs libertés et l’autonomie nécessaire à leur développement. Intéresser tous les membres de l’entreprise à l’élaboration du projet commun.

Ordre social corporatifOrganiser en son sein un sérieux enseignement professionnel, qui rend possible l’ascension des travailleurs en son sein.

Restaurer l’équilibre des forces sociales du capital et du travail. Il s’agit d’éteindre les luttes de classe en instaurant des corps de métiers, garant de la “ propriété des métiers ” reconnue à chaque travailleur.

Vaincre les Forces de domination, de dissociation et de conflit interne, pour l’intérêt immédiat de l’ensemble de la production nationale et, celui supérieur de la Nation.

Instaurer, en dehors des haines politiques et sociales, le dialogue entre un Etat arbitre (parce qu’indépendant des partis et des groupes de pressions) et une Economie corporative.

Le but du corporatisme en économie et dans le social
Le corporatisme veut faire de chaque travailleur un propriétaire de son métier. Cette “ possession ” d’un métier correspond, en fait, à un véritable capital mais dans les différents types de sociétés économiques et sociales actuelles, ce capital n’est pas représenté par un titre de propriété concret. Restaurer un équilibre entre les ressources et les dépenses sociales. En cas de nécessité l’Etat pourra intervenir afin d’aider des branches en difficulté (pour une restructuration, un manque ponctuelle de consommation , intempéries, entreprise naissante etc..). Mettre en place une formation adaptée au milieu professionnel qui évolue en même temps que la vie des entreprises (prisent en compte des nouvelles méthodes et des nouveaux moyens technologiques). Elles mettront également en place des diplômes ou des concours qu’elles jugeront nécessaires et adaptés à leurs métiers. Procurer à ses membres la sécurité personnelle et la capacité professionnelle. En créant des allocations, non plus au niveau de l’Etat, mais au niveau des corps de métiers ou des corporations. Restaurer l’équilibre entre la valeur du capital et du travail. Pourquoi dans la représentation au conseil corporatif, ne fait-on pas une place privilégiée soit au capital, soit au travail ?

Ce privilège ne serait pas justifié. Le but de toute association de travail est la production. Or, il n’est pas douteux que les divers éléments professionnels concurrent à la production chacun pour une part essentielle.

Les patrons ne peuvent pas plus se passer des employés que les ouvriers des patrons. Leur force respective est tout entière dans leur étroite solidarité. Qu’importe donc le genre de concours que le Capital apporte à la production s’il est vraiment infécond sans le secours du travail? Qu’importe d’autre part le nombre plus considérable de producteurs que comporte l’élément travail, s’il est à son tour impuissant sans la collaboration du capital?Le conseil corporatif doit être à base syndicale, c’est à dire élu par les syndicats formés dans la profession. Dénoncer “ La fortune anonyme et vagabonde ” qui est responsable de la crise Asiatique et de la bulle financière. Celle-ci doit être dénoncée car elle déresponsabilise les boursiers qui recherchent uniquement le profit et ne se rende pas compte du rôle social de l’entreprise. Dénoncer l’étatisme, voir le fascisme, de l’état qui souhaite imposer aux entreprises des solutions technocratiques qui ne correspondent pas à tous les métiers ex : les 35 heures. Dénoncer le marxisme qui au nom de l’égalité révolutionnaire souhaite l’écrasement d’une classe au profit d’une autre. Et le remplacer par une cohésion sociale, car tous les acteurs de l’entreprise ont un même but la santé de l’entreprise. Restaurer un équilibre entre le nombre de formations et les emplois réels afin de rendre une valeur réelle aux diplômes. Seul les entreprises peuvent anticiper le marché de l’emploi.

(suite…)

Privilégier le travail de qualité, une obsession corporative

jpsaint CrépinienJ’étais il y a quelques jours à Troyes, au cœur des anciennes foires médiévales de Champagne, et j’en ai profité pour déposer une gerbe de fleurs de lys, au nom du Groupe d’Action Royaliste et de l’Action Sociale Corporative, au pied de la statue en bois polychrome de saint Crépin et de saint Crépinien, patrons des cordonniers, en l’église Saint Pantaléon : il s’agissait, en fait, de rendre hommage au Travail (en tant que monde et qu’activité), aux travailleurs artisans et producteurs, mais aussi à des Métiers (au double sens du terme, à la fois socio-professionnels et corporatifs) que notre société de consommation oublie, préférant pousser à racheter des chaussures destinées à être « vite usées, vite remplacées » plutôt que de les faire raccommoder ou ressemeler. Or, le travail, et en particulier le travail « bien fait », doit être valorisé et pas seulement le fait de consommer, ou d’acheter pour assouvir un désir qui est, parfois, juste celui… d’acheter !

Cette obsession de la « belle ouvrage » est une caractéristique de l’esprit des corporations du Moyen-âge et des époques qui le suivent : peut-on dire que cela causera leur perte lorsque le XVIIIe siècle verra l’obsession de l’utilité désormais première du temps comptable et purement économique s’affirmer à travers la formule tristement célèbre de Benjamin Franklin, ce fameux « Time is money » qui allait triompher légalement avec la Révolution française, si fatale aux travailleurs et au Travail, par le décret d’Allarde de mars et la loi Le Chapelier de juin 1791 ? En tout cas, aujourd’hui, c’est « homo consumans » qui domine dans nos sociétés, au moins en nombre et en intentions, même si ces dernières naissent parmi le monde de la Finance, de l’innovation et de la publicité : le triomphe de Ford et de Séguéla, diraient certains… Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de dire que l’argent, la recherche et la réclame sont inutiles ou seulement néfastes, mais de regretter qu’ils ne soient pas à leur juste place, celle de moyens économiques et sociaux, de « facilitateurs » ou d’informateurs. Je ne regrette pas leur existence mais leur règne, tout simplement.

Préférer la qualité à la quantité, telle devrait être la politique de chacun, et en particulier de ceux qui veulent que la question sociale ne soit pas forcément indexée sur les seules rentabilité et compétitivité : mais cela suffit-il dans notre société mondialisée ? On peut en douter, ne serait-ce que du fait de la tentation permanente faite aux consommateurs qui est le ressort privilégié de cette société de consommation dans laquelle nous vivons. C’est là que l’État peut jouer son rôle d’arbitre social et de garant de la « justice sociale » (cette formule que nous devons à… Louis XVI !), en promouvant « la qualité française » et en aidant les entreprises, les artisans, les travailleurs indépendants de ce pays (en priorité mais pas forcément en exclusivité) par des politiques et des stratégies économiques adaptées à chaque secteur d’activité et sans négliger les débouchés de chacune de ces productions : en somme, un néo-colbertisme pour notre temps qui pourrait motiver un « renouveau corporatif », non pour répéter le passé mais pour en retrouver l’inspiration, celle qui privilégie le travail sans négliger les travailleurs…

Jean-Philippe Chauvin

Le corporatisme au service du producteur

La Croix les Lys et la peine des hommes2

Lors de la dernière Assemblée Générale des Jeunes Agriculteurs des Côtes d’Armor, le 20 Mars 2014 à Plérin, de nombreuses questions furent soulevées autour du modèle agricole breton et, plus particulièrement, sur l’organisation des filières agricoles et la problématique de l’interprofession. Celle-ci, aujourd’hui malmenée par la grande distribution, les lourdes normes environnementales et la complexité bureaucratique, empêche la juste reconnaissance de la place essentielle du producteur au sein de la filière.

De fait, les nouvelles gouvernementales sont préoccupantes. Les contraintes règlementaires, déjà pesantes pour l’ensemble de la filière agricole, semblent devoir encore s’alourdir dans quelques temps, la nouvelle Loi d’Avenir gouvernementale devant apparemment intégrer des dispositions pour la mise en place de certificats d’économie de phytosanitaires. Sans compter la révision de la PAC (Politique Agricole Commune) qui semble devoir créer davantage de problèmes que de solutions… Devant toutes ses problématiques, Nicolas Bortrel, membre du bureau des Jeunes Agriculteurs des Côtes d’Armor, continuait : «  Il faut aussi aborder la question des prix ou des marges des producteurs et des distributeurs. Il faut retrouver une juste répartition de la valeur ajoutée. […]Peut-on être légitime à demander une simplification administrative quand on voit la complexité de nos structures et la difficulté à parler d’une même voix sur des problématiques communes ? »

C’est dans ces paroles que trouve tout son sens la solution corporatiste. En 1936, Henri, Comte de Paris, résumait ainsi le principe de la corporation : « C’est une association de producteurs limitée à une branche de la production qui a pour but et pour fonctions de gérer les grands intérêts de la branche de production intéressée, d’en protéger tous les membres ». C’est l’axiome élémentaire de la pensée corporatiste que d’organiser la profession pour que toutes les catégories sociales lui appartenant participent à sa réglementation et à sa protection 1.

L’application agricole paraît ici élémentaire et potentiellement salvatrice pour l’ensemble de la branche. Les normes applicables devraient inéluctablement passer par l’avis de l’ensemble de la corporation ; les relents bureaucratiques seraient inévitablement ôtés, pour adapter l’administration aux besoins des acteurs de la corporation ; l’Etatisme lui-même serait pondéré par ce corps intermédiaire qui viendrait protéger les acteurs de la profession des interférences de l’Etat.

“ Il appartient aux intéressés de créer eux-mêmes, dans leurs corporations respectives, les institutions qui leur conviennent. ”

Firmin BACCONNIERA.B.C du Syndicalisme.

1 Etude sur le Corporatisme, URBVM, 2012

Comment peut-on être corporatiste aujourd’hui ?

(Article paru dans l’Action Sociale Corporative n°16)

Logo Vincit Concordia Fratrum 1Par un artisan-carreleur dirigeant l’active association corporatiste Sauvegarde et promotion des Métiers, issue de la Cité Catholique; quelques rappels utiles pour montrer que le corporatisme est toujours aujourd’hui une réalité vivante de l’ordre social.

Il est très difficile aujourd’hui de proposer le principe corporatif comme conception économique, tant les esprits sont imprégnés des idéologies dominantes : le libéralisme et le socialisme. Depuis que l’ordre naturel, fondé sur des communautés naturelles organiques, a été bouleversé par la loi Le Chapelier, qui ne reconnaît plus que les individus et l’État, nous baignons dans un système qui oscille entre la poursuite d’intérêts individuels, exaltés par l’idée de concurrence, où toutes les barrières qui régulaient l’économie sont abolies, et une défense d’intérêts de classe, où le principe d’opposition s’est substitué au principe d’union et d’organisation (1). Tout le problème est là. Cette philosophie de l’économie, a débouché sur l’ouverture des marchés à tous vents, au développement de la grande distribution tuant le commerce de proximité, à la mondialisation, aux multinationales et à la disparition des économies locales, qui reflétaient un art de vivre et qui ont fait toute l’originalité de notre civilisation. Que peu-t-on faire aujourd’hui pour reconstituer des structures d’organisation et de participation dans le domaine professionnel ?

Résister au discours libéral

Comment ? En diffusant la doctrine sociale de l’Église la plus traditionnelle, si mal connue. Au nom de l’efficacité économique, de la recherche du rendement, du profit, de la consommation effrénée de biens de consommation, on a oublié les impératifs du Bien Commun.
Deux axiomes pernicieux ont engagé l’économie dans cette fausse voie.
Le premier a été émis par un économiste libéral Adam Smith, à la fin du XVIIIè siècle : « La recherche par chaque individu de son intérêt personnel est le meilleur moteur de l’intérêt général. » Ce sont les mêmes termes que l’on retrouve dans la loi Le Chapelier, qui a généré le libéralisme et le socialisme, et annihilé les corps intermédiaires.
Le second, tout aussi pernicieux, de Jean-Baptiste Say, au début du XIX » siècle : « Si un pays peut vous fournir une marchandise meilleur marché, il vaut mieux que nous la lui achetions ». Ces deux axiomes ont été complétés par la théorie des spécialisations nationales et reprises par des économistes comme Frédéric Bastiat et Frédéric Havek.
On a ainsi inversé l’ordre des valeurs. Tout a été centré sur le prix au détriment de la qualité. L’intérêt particulier a généré un individualisme forcené et rompu un certain lien social qui unissait des hommes au sein de corps intermédiaires à échelle humaine, organisés selon le principe de subsidiarité. L’intérêt, qui sous-entend un concept d’argent, a été privilégié par rapport à la notion de bien commun, qui disparaît de fait.

Revenir à des pratiques plus réalistes

Les effets néfastes de cette économie libérale sont tels – pollution, destruction de l’environnement, exploitation sans mesure de richesses minérales, qui ne sont pas inépuisables, urbanisation à outrance – que, par nécessité évidente, on revient à des pratiques plus réalistes : bicyclette en ville, agriculture biologique, recherche d’énergies renouvelables.
C’est, d’une façon pratique, à travers la mise en oeuvre par chacun de différentes formules qui rapprochent les intérêts des producteurs et des consommateurs que l’on peut reconstituer un certain lien social : commerce de proximité, échange direct, qui limite les transports coûteux et polluants et conserve la valeur nutritive des fruits et légumes, réduite par la cueillette prématurée, achat régulier par les citadins d’un panier de fruits et légumes à un agriculteur.
Autre cas intéressant de solidarité corporative, en Vendée : dans les années 2003/2004, les actionnaires d’un groupe d’entreprises de fabrication de meubles voulurent renvoyer le directeur général d’une de leurs entreprises. Les ouvriers de cette entreprise se mirent en grève pour garder leur directeur qu’ils estimaient. Finalement, les salariés et le directeur décidèrent de se séparer du groupe et continuèrent l’entreprise. Des entreprises locales mirent la main à la poche, pour permettre à cette entreprise de retrouver les investissements financiers nécessaires pour reconstituer un capital et fonctionner de façon autonome, indépendamment du groupe. On sortait littéralement du concept de lutte des classes par une démarche corporative, tant à l’intérieur de l’entreprise qu’entre les entreprises locales.
De nombreux pays moins désorganisés que nous, comme l’Allemagne, ont gardé cette référence aux corps intermédiaires et ont davantage l’esprit corporatif. En matière de formation notamment, les jeunes Allemands récoltent les bienfaits d’une organisation très professionnelle de l’apprentissage, bien qu’ils soient eux aussi atteints par l’utopie du libéralisme économique.
Bien d’autres formes d’associations se rapprochent de l’esprit corporatiste. On pense aux A.O.C. (Appellations d’Origine Contrôlée) ou aux marques, qui tendent à préserver une qualité spécifique à certaines productions par un cahier des charges assez strict pour avoir droit à l’appellation.
Dans l’artisanat, le Code de l’Artisanat, réformé en 1962, a permis à n’importe qui d’exercer un métier, dès lors qu’il s’inscrivait au Répertoire des Métiers; le titre d’« artisan » était réservé à des professionnels justifiant d’une compétence reconnue. On s’est assez rapidement aperçu que certaines professions exigeaient, pour la sécurité des consommateurs et usagers, des garanties plus sérieuses. En 1991, pour exercer des métiers touchant les soins physiques, comme maréchal-ferrant, coiffeur, pédicure ou des métiers à risques comme électricien ou plombier, on exigea des compétences. Sans doute il n’y a pas de « corporation » structurée, mais on est quand même dans une démarche corporative et d’organisation de la profession dans l’intérêt du consommateur et indirectement du producteur lui-même. Il faut regretter que ces dispositions résultent d’une loi d’État, et non d’une décision concertée des professionnels, les plus aptes et les plus compétents à auto-contrôler et auto-organiser leur profession.
On mesure à ces exemples l’émoi et même la colère causés par le rapport Attali, d’inspiration libérale, qui a voulu remettre en cause des professions relativement organisées et protégées, comme les taxis et les professions libérales. Son seul souci est l’abaissement par le jeu de la concurrence, du prix des prestations, que la liberté totale d’exercice aurait entraînée, au détriment de la qualité du service pour les usagers et de légitimes garanties de revenus pour les professionnels.

Favoriser partout où cela est possible la constitution d’embryons de corporations professionnelles

Les organisations professionnelles reconstituées sont des embryons de corps professionnels, qu’une volonté politique pourrait faire évoluer en organismes corporatifs, en leur reconnaissant des pouvoirs législatifs dans les domaines de leur compétence.
Ce fut le cas entre les années 1940 et 1944 avec les chartes corporatives qui amorçaient une réforme en ce sens : leurs Conseils étaient composés à parité égale de 50%, de salariés et 50% de patrons.
Citons ces organismes de type corporatif maintenus depuis les organisations professionnelles patronales par branches, les Chambres de Commerce, d’Agriculture et de Métiers, les Ordres des professions libérales – architectes, médecins, pharmaciens -, les prud’hommes, le Conseil Économique et Social, le compagnonnage – avec les réserves qui s’imposent en ce qui concerne certaines branches fortement imprégnées de franc-maçonnerie. Tous ces organismes, qui entretiennent encore un très fort esprit de corps, ont élaboré un minimum de déontologie, auquel leurs membres doivent se soumettre. On est là aux antipodes des prétentions libérales au droit par n’importe qui d’exercer un métier sans règles. Toutes ces organisations ont contribué à la mise en place d’un arsenal d’organismes paritaires, qu’elles gèrent : des caisses d’assurance-maladie, chômage, des conventions collectives, des écoles d’apprentissage.
Il y a donc des points de résistance. Les taxis parisiens et les professions réglementées ont réagi aux propositions Attali. Les agents immobiliers, dont le métier est ouvert à n’importe qui, ont pris conscience des dérives et de la mauvaise image de leur profession. Ils souhaitent eux aussi s’organiser en « Ordre» et définir une déontologie, qui distingue les bons professionnels, qui devront s’y soumettre, afin de garantir leurs risques par une caisse de garantie et protéger en même temps le consommateur.
Ces organisations, se cantonnant à la défense de leurs membres, interviennent peu dans les décisions économiques, du fait de l’absence de structures organiques adéquates au niveau supérieur aux entreprises elles-mêmes, c’est-à-dire au niveau intermédiaire entre les entreprises et l’État.

Conclusion

Compte tenu de la puissance des forces financières qui dominent la scène politique mondiale, la reconstruction ne se pourra se faire que par la constitution de petits îlots de survie, qui resteront attachés au principe corporatif, en attendant que des événements plus dramatiques permettent à un pouvoir politique catholique de mener une politique favorisant les reconstitutions de véritables corporations professionnelles, permettant aux membres d’un même métier de gérer eux-mêmes ce qui relève de leur domaine de compétence.

1. Tout n’est pas négatif, dans l’évolution de la législation sociale. Depuis les lois d’Allarde et Le Chapelier, qui avaient supprimé tout droit d’association, il a bien fallu revenir à des pratiques plus réalistes. Des organisations patronales se sont reconstituées. Et du côté des salariés, des syndicats ont conquis des droits élémentaires à caractère social. Ils n’en demeurent pas moins séparés et entachés d’un esprit de lutte de classes. Comme le dit à juste titre Marcel CLEMENT dans L’économie sociale selon Pie XII : « Le syndicalisme est indispensable dans le capitalisme libéral en vue de limiter les dégâts; il rétablit dans les contrats de travail, la qualité de sujet des travailleurs salariés. Mais il est la réaction nécessaire d’une société gravement désordonnée. Il est donc toujours plus ou moins menacé de ne donner à l’homme salarié qu’une qualité de sujet de droit minimum; d’intervenir de façon négative pour empêcher les injustices. Il n’intervient pas encore normalement et organiquement, de façon positive, pour constituer l’économie. »

Benjamin GUILLEMAIN
www.alliance-sociale.org