Histoire et empirisme
Le camp de Conlie
Petite anecdote…
Le trop célèbre et triste camp de Conlie (Sarthe) fut le théâtre d’une anecdote linguistique tragi-comique : le général de Marivault passant la revue entendit nombre de Bretons supplier : » d’ar gêr ! d’ar gêr ! »
Le général croyant à un accès de « patriotisme français » des Bretons, s’écria, ému : « Ces braves Bretons ! Même dans la pire misère, ils n’ont qu’un désir, se battre ! » Le général, ne savait pas le breton, il ne se doutait pas plus d’ailleurs que d’ar gêr signifie à la maison et non pas à la guerre. Les braves Bretons n’avaient aucune envie de se faire trouer ce qui leur restait de cuir pour un quelquonque Gambetta dont le nom orne maintenant sans vergogne les rues et places de Bretagne… Le rétablissement de la république, le 4 septembre 1870, fut essentiellement l’oeuvre de Bretons. Malheureusement, la délégation envoyée à Tours pour représenter le gouvernement hors de la capitale investie par l’ennemi, fut, à partir du 3 octobre, présidée par un jeune arriviste, brillant orateur mais politicien retors, Gambetta.
Keratry proposa à Gambetta de lever dans les cinq départements bretons une armée autonome de volontaires qui prendraient position aux environs du Mans, barrerait la route de la péninsule à l’invasion germanique, puis marcherait à la délivrance de Paris. Gambetta s’empressa de donner son accord.
Avec un génie de l’organisation extraordinaire, Keratry parvint en quelques semaines à transformer un mamelon situé à Conlie, en arrière du Mans, en un camp retranché imprenable de 500 hectares et à y faire parvenir 80 000 volontaires enthousiastes recrutés dans toute la Bretagne. Ils arboraient sur leurs képis l’hermine bretonne et leur drapeau, offert par le Comité républicain de Nantes, était la bannière ducale.
En décidant la création de cette armée autonome, Gambetta était sûrement de bonne foi : le jour où, bien entraînés, ces 80 000 hommes plein d’ardeur auraient été jetés dans la bataille, ils auraient pu renverser le rapport de force sur le front de la Loire… Mais devant le succès même de Keratry, l’efficacité de son action, l’enthousiasme soulevé par ses appels aux Bretons, il prit peur. Dans son esprit étroit de jacobin, un Breton était par définition un chouan et 80 000 chouans sous la conduite d’un général chouan (fut-il député de gauche) étaient un péril pour la République. Alors il conçut un projet abominable : profiter de ce que ces 80 000 hommes qui représentaient les forces vives de la Bretagne étaient concentré dans un camp pour s’en débarrasser. Il suffisait de les laisser dépérir sans soins en arrière des lignes, d’en faire la proie des épidémies, de les exposer sans armes à la mitraille prussienne.
Il mit son projet à l’exécution avec une habilité diabolique. Contrairement à ce que l’on croit, ce ne fut ni les nazis ni les anglais durant la guerre des Boers (1902-1905) qui inventèrent les camps de concentration mais Gambetta qui enferma 80 000 innocents à Conlie. I
l parvint, sans jamais cesser de dispenser promesses et bonnes paroles, à laisser l’armée de Bretagne sans armes. L’arsenal de Brest lui ayant rendu compte qu’il disposait de 3200 chassepots mais n’avait plus de fusil à percussion, il lui donna avec un humour particulièrement noir l’autorisation de livrer des armes à Keratry, mais uniquement des fusils à percussion!
Pendant ce temps, les volontaires ne pouvaient s’entraîner au tir et étaient voués à une inaction démoralisante.
Pendant l’hiver 1870, les hommes passaient leurs journées désoeuvrées sous la pluie ou dans la neige, les pieds dans la boue. Pour que sous leur tentes, ils dorment dans la fange, Gambetta s’opposa à toute livraison de paille. Il ne permit pas non plus qu’on leur fournit des vêtements chauds. Des épidémies de variole et de dysenterie éclatèrent et font des ravages dans les rangs.
Gambetta fit écrire à Keratry « je vous conjure d’oublier que vous êtes Breton » et lui donna l’ordre de se porter avec 12 000 hommes à la rencontre des Prussiens à Saint-Calais. Il télégraphiait simultanément au directeur de l’arsenal de Rennes pour lui interdire de remettre une seule cartouche à l’armée de Bretagne. C’était envoyer les 12 000 Bretons à la mort… mais l’opération échouât car l’ennemi n’était plus là: il était parti en direction d’Orléans et de la Loire.
Rompant alors l’accord du 22 septembre, Gambetta décida de mettre fin à l’indépendance de l’armée de Bretagne et de placer Keratry sous les ordres du général Jaurès. Keratry démissionna aussitôt; Gambetta le fit remplacer par le capitaine de vaisseau Marivault.
Dans le camp de Conlie, l’état sanitaire était devenu désastreux. Les Bretons mourraient en masse et l’État-Major expliquait: « C’est pour s’en débarrasser qu’ils ont été mis à Conlie et ils resteront à Conlie, dussent-ils tous périr. ». Gambetta trouva encore de bonnes raisons administratives pour suspendre les fournitures de vivres, tout en prescrivant : « il ne faut quitter le camp sous aucun prétexte. ». Mais Marivault pris sur lui de rapatrier une partie des effectifs en Bretagne.
Les survivants furent mis à la disposition de Chanzy qui les plaça au point le plus exposé de sa ligne de défense, la plupart sans armes. Quand les Prussiens chargèrent, ceux qui avaient des fusils tirèrent… les coups ne partirent pas, tant les armes et la poudre étaient mauvaises. Les Bretons ne purent que suivre l’armée française en déroute.
La décapitation de sa jeunesse, le sacrifice criminel de tant de ses fils provoqua en Bretagne stupeur et colère. En tant que député d’Ille-et-Vilaine, l’historien La Borderie rédigea un rapport accablant pour Gambetta, sur Le Camp de Conlie et l’Armée de Bretagne. Ce rapport fut publié sous forme d’un condensé de 124 pages dans les publications parlementaires du Paris-Journal en 1874 sous le titre Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur les Actes du Gouvernement de la Défense nationale.
Mais tout s’oublie puisqu’il s’est trouvé depuis des municipalités bretonnes assez ignorantes en histoire pour donner à leurs rues ou places le nom de Gambetta.
La profanation des tombes, une tradition révolutionnaire ?
« Lorsque l’on fit sauter à coups de marteau le cercueil de Henri IV, le corps du roi apparut enveloppé d’un suaire blanc encore intact. On dégagea la tête ; le visage de Henri était admirablement conservé, la barbe presque blanche, les traits à peine altérés. On le dressa contre un pilier, et chacun eut la liberté de le contempler. Les scènes les plus diverses se produisirent. Un soldat se précipita sur le cadavre et, tirant son sabre, coupa une longue mèche de la barbe royale, qu’il plaça sur ses lèvres en guise de moustache. Une mégère à la figure hautaine, voulant braver le vainqueur d’Ivry, avança le poing vers le visage du Roi, et le souffleta si fort que le corps tomba à terre. »
Dom Druon
Depuis ces derniers jours, les médias nous parlent de l' »heureuse » découverte de la tête du Roi Henri IV. Est-ce véritablement sa tête, ou est-ce la tête d’un inconnu ? L’historien Philippe Delorme émet des doutes. (A lire ICI) Néanmoins, personne n’ose parler de ce qui s’est réellement passé ce jour là, et comment la barbarie révolutionnaire a atteint son comble ! Les vivants ne leurs suffisaient pas, il leurs fallait désormais s’attaquer aux morts :
Profanations, un témoin raconte :
Il est intéressant de se reporter à la relation d’un témoin oculaire, Henri Martin Manteau qui assista à l’exhumation des Bourbons le lundi 14 octobre 1793.
L’accès du charnier lui avait été facilité par Dom Druon, ancien prieur de l’abbaye de Saint-Jean de Laon, réfugié alors à Saint-Denis où il remplissait les fondions de chartrier du monastère.
Il avait jadis été l’élève de Dom Druon au collège de Laon ; il en était resté l’ami. C’est grâce à la complaisance du vénérable religieux qu’il put pénétrer dans le caveau des Bourbons.
C’est ainsi qu’il lui fut permis d’assister à l’exhumation des corps de Marie de Médicis, d’Anne d’Autriche et de sa nièce Marie-Thérèse, de Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV.
« Je soussigné Henri-Martin Manteau aîné, domicilié à Laon, département de l’Aisne, bibliothécaire de la mairie de ladite ville, déclare dans ma conscience la véracité des faits qui suivent :
Voici le détail des circonstances et particularités relatives à cette exhumation dont j’ai été le témoin oculaire. J’exposerai comment je suis parvenu à faire l’extraction des restes que j’ai conservés.
J’exerçais en 1793 les fonctions de contrôleur du dépôt des transports militaires, établi dans l’ancienne abbaye de Saint-Denis. Je résidais dans la même enceinte. Un ancien religieux de la congrégation de Saint-Maur y avait trouvé asile. Je reconnus en lui mon ancien maître. Nous étions liés par la conformité des opinions et des sentiments.
Je témoignai à Dom Druon le désir de visiter le caveau des sépultures royales ; il me conduisit dans l’Eglise par une petite porte de communication située dans l’intérieur de l’abbaye. Nous vîmes tous les magnifiques tombeaux, ces monuments des arts, dispersés et mutilés.
Nous descendîmes dans le caveau des Bourbons, dont les voûtes sépulcrales, éclairées de torches, retentissaient des cris d’une troupe de démolisseurs.
On venait d’ouvrir le cercueil de Marie de Médicis qui mourut à Cologne et dont le corps fut transféré à Saint-Denis. Il était en mauvais état, mais la tête était entière et garnie de beaucoup de cheveux. Aussitôt j’entendis les imprécations des ouvriers et autres assistants qui accusaient cette princesse du meurtre de son époux ; je ne discuterai pas ce point d’histoire. Cette rage, ces imprécations étaient, en tout cas, un hommage rendu à la mémoire de Henri IV toujours chérie, malgré la haine prononcée que l’on avait alors contre le nom de ce roi.
Les ouvriers, pris de rage, arrachèrent et distribuèrent au hasard les cheveux de cette Reine ; je tendis, au milieu du groupe, une main incertaine, qui parvint à en saisir une petite touffe que j’eus soin de conserver. Dans le même temps, on ouvrit le cercueil d’une princesse qui ne fut pas nommée ; le corps était mal conservé, une étoffe très épaisse et de couleur rousse annonçait une abbesse ensevelie avec l’habit de son ordre. (Ce corps était celui d’Anne d’Autriche, morte en 1666 et ensevelie en costume du tiers ordre de Saint François).
J’aperçus nombre de cercueils placés chacun sur deux barres de fer parallèles, ils avaient des formes différentes, quelques-uns figuraient la tête dans la partie supérieure, ensuite le cou par le rapprochement des côtés et les épaules par une plus grande dimension ; le reste du corps se terminait en gaine comme dans les momies d’Egypte.
Toujours sous la conduite de Dom Druon, je portai mes pas vers le cercueil ouvert de Turenne, placé sous une arcade, la tête vers la gauche, les pieds à droite – les curieux s’y étaient réunis. Le linceul replié sur les deux côtés et formé d’une étoffe de satin, laissait voir le corps dans un état parfait de conservation, la bouche ouverte, présentant presque toutes les dents; on observa que quelques-unes avaient été détachées. C’est ce qui peut avoir lieu à l’ouverture très prononcée de la bouche. Je crus remarquer, au bas des côtes, à gauche, un dérangement des chairs qui semblait désigner l’endroit frappé par le coup de canon qui ravit ce héros à la France. Ceci a pu être le sujet d’un examen particulier pour la personne qui, par un pieux artifice, fit de ce corps une momie oubliée jusqu’au jour où on rendit à Turenne un tombeau digne de lui. »
Art républicain : les tanneries de peau humaine
« Une demoiselle jeune, grande et bien faite, s’était refusée aux recherches de Saint-Just ; il la fit conduire à l’échafaud. Après l’exécution il voulut qu’on lui présentât le cadavre et que la peau fût levée. Quand ces odieux outrages furent commis, il la fit préparer (la peau) par un chamoiseur et la porta en culotte. »
Ci-dessous une petite étude sur les tanneries de peau humaine sous la Révolution française, dont se réclame la totalité de la classe politique et qu’elle fête tous les 14 juillet…
Préambule
« La Révolution est un bloc » affirmait Georges Clemenceau. Il ne faisait que constater une réalité car il est évident à tout esprit réfléchi et indépendant que la Terreur est sortie tout droit de 1789, de même que la Révolution est le fruit pernicieux du XVIIIe siècle libertin aux mœurs relâchées et au dérèglement de la morale, ce siècle abusivement appelé le “siècle des lumières”.
Au demeurant la période sanglante de la Révolution ne commença point en septembre 1792, mais dès les 26 et 27 janvier 1789 à Rennes, marqués par les premières émeutes sur lesquelles chacun a en mémoire la réflexion de Chateaubriand. Cette sanglante “émotion” populaire fut suivie les 27 et 28 avril par la mise à sac de la manufacture Reveillon, au faubourg Saint-Antoine à Paris, par des émeutiers soudoyés par le duc d’Orléans. Il y eut 25 morts et 22 blessés.
Il est donc mal venu de prétendre, que la Révolution des “Droits de l’Homme”, celle de 1789, était la seule dont on devait se réclamer et condamner la Révolution sanglante qui la suivit. Subtile argutie ! Tout se tient, tout s’enchaîne : 1792 fut la conséquence logique, inéluctable de 1789. On ne peut séparer de la Révolution aucune partie de son ensemble : elle constitue bel et bien un bloc, comme l’a dit Clemenceau.
Qui prône la Révolution doit endosser la responsabilité de tous ses massacres, de toutes ses turpitudes, telles les tanneries de peau humaine sur lesquelles existent trop de témoignages pour qu’on les révoque en doute.
Le conventionnel Harmand témoigne
Citons d’abord le témoignage du conventionnel Harmand (de la Meuse) qu’il a consigné dans un livre paru en 1820 chez Maradan, à Paris, et intitulé Anecdotes relatives à quelques personnes et à plusieurs événements remarquables de la Révolution. Voici ce qu’il apporte :
Une demoiselle jeune, grande et bien faite, s’était refusée aux recherches de Saint-Just ; il la fit conduire à l’échafaud. Après l’exécution il voulut qu’on lui présentât le cadavre et que la peau fût levée. Quand ces odieux outrages furent commis, il la fit préparer (la peau) par un chamoiseur et la porta en culotte. Je tiens ce fait révoltant de celui-même qui a été chargé de tous les préparatifs et qui a satisfait le monstre ; il me l’a raconté avec des détails accessoires que je ne peux pas répéter en présence de deux autres personnes qui vivent encore. Il y a plus : c’est que, d’après ce fait, d’autres monstres, à l’exemple de Saint-Just, s’occupèrent des moyens d’utiliser la peau des morts et de la mettre dans le commerce. Ce dernier fait est encore constant. Il ne l’est pas moins que, il y a environ trois ans, on mit aussi dans le commerce de l’huile tirée des cadavres humains ; on la vendait pour la lampe des émailleurs.
Arrêtons-nous un instant sur cette dernière accusation pour dire qu’il ne s’agit pas d’un racontar : il est établi par des faits notoires, en particulier à Clisson où, le 6 avril 1794, des soldats de la compagnie de Marat dressèrent un bûcher sous lequel ils placèrent des barils et, dans une seule nuit, ils firent fondre les cadavres de cent cinquante femmes pour se procurer de la graisse. Ces barils furent transportés à Nantes pour être vendus aux hôpitaux et dans le registre de Carrrier on lit que « cette opération économique produisait une graisse mille fois plus agréable que le saindoux. »
1789, les grands ancêtres
Je ne fêterai pas votre révolution.
On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime.
Mais je prendrai le deuil de vos pauvres victimes.
Elles seules ont droit à ma vénération.
Je ne fêterai pas l’espérance trahie
Du peuple demandant l’arbitrage royal
Jusqu’alors rendu juste, équitable et loyal
Mais au nom d’une foi par votre orgueil haïe.
Je ne célèbrerai pas votre intolérance.
Ni vos sacrilèges, ni vos profanations.
Ni les grands mots ronflants de vos proclamations
Prônant la liberté dont vous priviez la France.
Je ne fêterai pas l’infâme Cordelier
Faisant assassiner, par sa triste colonne,
En l’Eglise du Luc, près de six cents personnes
Dont cent cinquante enfants réunis pour prier.
On ne pardonne pas les Oradours sur Glane
Et vous seriez fondés d’en tarer les nazis
Si vous n’aviez, chez nous, fait pire aussi
Vous êtes précurseurs, Messieurs, et non profanes.
Quand vous jetiez aux fours, par vous chauffés à blanc,
Les mères, les enfants, les vieillards, les mystiques,
Vous disiez faire le pain de la République…
Mais Amey, mieux qu’Hitler, les y jetait vivants !
Car c’est bien cet Amey, de sinistre mémoire,
L’un de vos généraux prétendu glorieux,
Qui fut l’instigateur de ce supplice odieux…
Vous avez, aussi vous, eu vos fours crématoires.
Et Turreau trouvait tant de plaisir à ces jeux
Qu’il faisait ajouter, quand manquaient les dévotes,
Et malgré tous leurs cris, les femmes patriotes…
Votre fraternité les unissait au feu.
Je ne fêterai pas vos tanneries humaines
Dont votre chirurgien, Pecquel, fut l’écorcheur,
Ni son ami Langlois, de Meudon, le tanneur…
Ni votre grand Saint-Just disant qu’en ce domaine
Peau d’homme vaut bien mieux que celle du chamois
Que celle de la femme plus souple et plus fine…
Vous étiez sans culottes, alors ça se devine
Vous vous en fîtes faire en peau de villageois.
Quand vous abominez les gardiens sataniques
De l’affreux Buchenvald écorchant de leur peau
Nos morts, les laissant nus en leurs chairs en lambeaux
Avez-vous des remords ou restez-vous cyniques ?
Je ne fêterai pas les enterrés vivants
Dans les puits de Clisson et ceux de mon bocage
Ni du fameux Carrier les célèbres mariages
Voulus républicains mais surtout révoltants.
Attachant l’un à l’autre, une fille et son père,
Une mère et son fils, un prêtre et une sœur,
Et nus, bien entendu, pour que leurs massacreurs
Aient, humiliant leur mort, à rire et se distraire.
Quand, en les entassant dans barques à sabords
On les faisait sombrer dans les eaux de la Loire.
Et le fleuve royal garde encore leur mémoire,
Il apparaît plus triste à l’approche du port.
Je ne fêterai pas, non plus, la guillotine,
Ce symbole attitré de la révolution.
Ce moyen fraternel d’abreuver nos sillons,
Comme vous le chantez d’un sang que moi j’estime.
Je ne chanterai pas votre révolution.
Elle a fait trop coulé de sang, de pleurs, de larmes.
De notre vieux royaume elle a rompu le charme
Et fait perdre, au pays, sa noble vocation.
Vous avez tout brûlé, chez nous, châteaux, chaumières,
Etables et clochers. Vous traîniez les enfers
Pour faire du bocage un immense désert
Sans une âme qui vive et sans pierre sur pierre…
Vous n’aviez pas pensé que tout le sang versé
Au terroir de l’amour serait semence vive.
Il germe en attendant nos prochaines métives ;
Il fleurira, demain, épi de liberté.
La liberté de croire en un Dieu qui pardonne.
En un ordre qui met, au sommet, le devoir
Le courage et la foi. Qui veut que le pouvoir
Ne dépende jamais du nombre et de la somme…
Aujourd’hui nous pouvons vous juger à vos faits.
Votre révolution a incendié notre terre.
Elle a porté, partout, la misère et la guerre,
Quand le monde a jamais plus désiré la paix…
Je ne peux pas fêter votre révolution.
On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime.
Je porterai le deuil de toutes ses victimes.
Elles seules ont droit à ma vénération.
Pierre d’ANGLES Janvier 1989
La révolution française et le Travail
Le document suivant est tiré du livre de Mgr Freppel :
La Révolution française, à propos du centenaire de 1789, A.Roger et F.Chernoviz éditeurs,
7 rue des grands-augustins, Paris 1889. 23e édition.
Le chapitre original a pour titre : La Révolution française et le travail.
Les corporations, expression du droit naturel
L’idée fondamentale de la Révolution française en matière économique est contenue dans cette maxime économique de Turgot, tant applaudie à la fin du siècle dernier : « La source du mal est dans la faculté même accordée aux artisans d’un même métier de s’assembler et de se réunir en corps » [1].
On croit rêver en lisant aujourd’hui de pareilles inepties tombées de la plume d’un homme d’esprit. Ce que Turgot, fidèle interprète des opinions de son temps, appelait la source du mal n’est autre chose qu’un principe rigoureux de droit naturel. Car il est dans la nature des choses que les artisans d’un même métier et les ouvriers d’une même profession aient la faculté de s’assembler pour débattre et sauvegarder leurs intérêts ; ou bien il faut renoncer à toutes les notions de la solidarité et de la sociabilité humaines.
C’est ce qu’on avait parfaitement compris jusqu’à la veille de 1789. Après avoir proclamé les principes qui devaient amener graduellement l’esclavage au colonat et au servage, puis enfin à l’affranchissement complet du travailleur, l’Église avait fini par faire triompher dans la classe ouvrière, comme ailleurs, la loi si éminemment féconde de l’association.
Les corporations, solidarité et honneur des hommes de métier
La glorieuse révolution vue par un Britannique
Monsieur Lewis Russel est un ancien éditorialiste du Daily Mail et du Daily Telegraph. Il a publié dans le Wall Street Journal Europe, à l’occasion de la fête nationale, ses réflexions sur la révolution.
En voici quelques bons extraits.
Les français ont célébré dimanche (2002) le 213ème anniversaire de ce fameux jour de 1789 où le peuple de Paris s’est emparé de la Bastille. La prise de la prison royale symbolise le début de la révolution française. Elle est aujourd’hui considérée comme « une bonne chose ». La tyrannie féodale fut renversée et ce fut le début de la démocratie moderne. Pourtant, ce n’est pas ce que disent les faits. La révolution et les guerres napoléoniennes qui suivirent ont affaibli la France à un point tel que le pays n’a jamais retrouvé la prédominance qui fut la sienne en Europe sous la royauté. (…)
Il peut sembler étrange de dire que la France s’est engagée sur la voie du déclin alors même qu’elle se trouvait à la veille de ses plus grands succès militaires. Certes, Napoléon Bonaparte remporta de nombreuses victoires, mais il finit par perdre la guerre et le prix payé par le pays fut exorbitant. Dans la période qui comprend la révolution, la guerre civile et l’Empire, deux millions de français furent tués, en majorité des hommes jeunes. Presque autant qu’au cours des guerres mondiales, mais, à l’époque, la population était bien moins nombreuse.
L’adoption de la loi sur l’égalité successorale, consolidée dans le Code Napoléon, eut un effet encore plus désastreux : les paysans eurent moins d’enfants, pour éviter d’avoir à partager leurs terres. La France, qui avait été la nation la plus peuplée d’Europe, hormis la Russie, perdit la course démographique qui accompagna la révolution industrielle. A la fin du siècle, elle se retrouva loin derrière l’Allemagne, de taille équivalente. Les pertes de la France se mesurent également en termes de territoire. L’Empire français, florissant à une époque, perdit la Louisiane, qui était la dernière possession du pays en Amérique du Nord et représente aujourd’hui un gros morceau du Midwest américain.
Napoléon la vendit au président Thomas Jefferson (en 1803). Pendant ce temps, la Grande Bretagne, l’ennemie jurée de la France, se relevait de la perte de ses colonies américaines en 1776 et posait les fondations d’un empire voué à devenir le plus grand de l’histoire du monde. Les dégâts économiques que connut la France pendant la révolution et la période qui suivit furent irréparables. On pourrait croire que l’acquisition de terres par les paysans était une bonne chose, mais, comme ils n’avaient ni les outils ni le capital pour se développer, l’agriculture française n’évolua pas. Pendant ce temps, les propriétaires terriens britanniques menaient à bien une révolution agricole qui apporta les capitaux nécessaires à la croissance dans le reste de l’économie.
La France rata aussi le coche de la révolution industrielle. Certains historiens pensent qu’avant 1789 l’industrie française se développait plus vite que celle de la Grande-Bretagne. Le prix de la fièvre révolutionnaire, de l’effondrement de la monnaie et de la guerre fut si élevé qu’il fallut vingt ans aux manufactures pour retrouver leurs taux de production de 1789. L’industrie britannique, elle, connut une croissance de 23% entre 1800 et 1810 et de 39% entre 1810 et 1820. Il est notoire que Napoléon méprisait l’Angleterre, qu’il considérait comme une nation de commerçants. Le mépris pour les activités commerciales des meneurs révolutionnaires qui le précédèrent fut encore plus virulent.
Ceux-ci envoyèrent d’ailleurs à la guillotine bien plus de négociants que d’aristocrates (…) Le blocus (de plusieurs ports européens, dont celui de Cadix, qui entraîna la bataille de Trafalgar) mené par l’amiral Nelson ruina les ports français et fit sombrer le commerce du pays, qui dut attendre 1825 pour retrouver son niveau de 1789. Les pertes de la France firent le profit de la Grande-Bretagne.
En 1815, 90% des navires marchands de la planète battaient le pavillon rouge britannique, et la Grande-Bretagne avait établi des bases navales partout dans le monde. Le même constat s’applique à l’intérieur du pays. En 1789, la France possédait le meilleur réseau routier du monde. En 1815, le nouveau roi, Louis XVIII, pleura en voyant l’état dans lequel se trouvaient les routes de son royaume. Pendant ce temps, la Grande-Bretagne avait créé un magnifique réseau de routes à péage et un système de transport en diligence.
Certes, beaucoup continueront malgré tout à défendre la thèse que la révolution française a indiqué le chemin de la liberté aux peuples du monde entier et leur a montré comment briser les chaînes de la superstition et de l’oppression féodale. Or il s’agit là d’une interprétation erronée de l’Histoire. Les figures de proue de la révolution étaient aussi hostiles à la liberté d’opinion que les talibans. Lavoisiers, le brillant chimiste qui avait découvert la composition de l’air et le rôle de l’oxygène, fut condamné à mort par un tribunal révolutionnaire (en tant que fermier général sous la royauté). Lorsqu’il demanda un report de son exécution pour avoir le temps de terminer des expériences importantes, le président du tribunal refusa avec une sentence digne du mollah Omar : « La république n’a pas besoin de savants. » Dans le domaine politique, la principale création de la révolution fut un régime encore plus absolutiste que celui de Louis XIV : certes, les paysans furent libérés du poids des droits féodaux et des dîmes, et nombre d’entre eux devinrent propriétaires de leurs terres. Mais ils perdirent par la même occasion les droits de glaner dans les champs après la récolte.
Les paysans les plus riches et les spéculateurs en sortirent gagnants, et les plus pauvres encore plus pauvres qu’avant. Bien entendu, toutes les classes étaient égales devant l’appel aux armes et devant la guerre. Cette sujétion fut bien plus tyrannique que n’importe laquelle de celles qu’avait pu imposer cet Ancien Régime que l’on calomniait tant. De nombreuses autres nations l’adoptèrent, ce qui accéléra la marche vers la guerre totale. Pourtant, le legs le plus néfaste de la révolution française réside ailleurs. C’est l’idée que le recours à la violence est le meilleur moyen de résoudre les difficultés politiques et, dans ses pires implications, la doctrine selon laquelle une élite juste ou éclairée a le droit – pour le bien du peuple, bien entendu – d’imposer ses vues par la terreur. Un legs que nous regrettons tous encore aujourd’hui.
Lewis Russel
https://soundcloud.com/user5994089/la-r-volution-de-1789-et-le-r
L’honneur du Travail
« Travailler plus pour gagner plus », proclamait N. Sarkozy. Voilà un slogan qui résume à lui seul l’état d’esprit qui s’est imposé, parfois contre son gré, au monde du travail en France, et parfois aussi à son détriment. Entre les 35 heures de la gauche et le « travailler plus pour gagner plus » de la logique libérale, c’est toujours la lutte incessante entre deux idéologies qui s’entredéchirent depuis trop longtemps déjà.
Sans parler bien évidemment des délocalisations visant à faire, par exemple, travailler des enfants chinois à moindre coût et dans des conditions de servitude souvent effroyables, ou de ceux, dans notre pays, qui profitent des avantages sociaux pour éviter le plus longtemps possible de travailler et vivre aux frais de l’Etat, et donc indirectement aux frais des travailleurs eux-mêmes qui paient leurs impôts. On pourrait aussi rajouter à cela certains syndicats qui n’ont que la grève comme seul et unique contre-pouvoir, et qui en abusent le plus souvent possible sans pour autant obtenir forcément satisfaction.
Bref, entre une volonté certaine pour beaucoup de travailler le moins possible et gagner un maximum d’argent, et de l’autre côté une volonté tout aussi certaine de gagner un maximum d’argent en faisant travailler au maximum les ouvriers ou employés à moindre coût, fussent-ils en France ou ailleurs, la valeur du travail en ce début du XXIème siècle est souvent dévalorisée ou mal comprise dans l’esprit des Français. On pourrait aller jusqu’à se demander dès lors où est ce peuple de travailleurs qui a construit les cathédrales, érigé toutes nos grandes villes et villages, et qui avait acquis un savoir-faire ayant pu et su traverser les siècles malgré les soubresauts de l’histoire ?
Certes, après la révolution bourgeoise de 1789, et l’arrivée de l’ère industrielle au XIXème siècle, l’idéologie du libéralisme économique qui s’imposa en France en 1791 par le vote du décret d’Allarde et de la loi Le Chapelier, qui supprimèrent les corporations et interdisaient, sous peine de mort, aux ouvriers de se réunir pour gérer leur statut, beaucoup d’abus de la part des patrons d’industries auront pour conséquence l’émergence d’idéologies, comme le socialisme et le communisme, idéologies inventés par des bourgeois afin d’exploiter les rancoeurs et la misère ouvrières et les utiliser pour une éventuelle « autre » révolution.
Tout au long du XIXème siècle puis du XXème, des lois et propositions de lois seront votées afin de soulager la misère ouvrière des abus du libéralisme. Les catholiques et les royalistes sociaux en furent les pionniers, dès la Restauration. Même si tout le monde ne retient que l’année 1936, le Front Populaire et ses congés payés, ce n’est pas à la gauche que l’on doit l’origine des grandes avancées sociales.
La civilisation d’Ancien Régime
L’harmonie de la société traditionnelle face aux horreurs du capitalisme libéral :
« Dieu établit les rois comme ses ministres et règne par eux sur les peuples.
C’est pour cela que nous avons vu que le trône royal n’est pas le trône d’un homme,
mais le trône de Dieu même.
Le modèle pour le gouvernement monarchique est l’autorité paternelle,
se trouve donc dans la nature même.
Les rois de France se font sacrer à Reims,
ce qui donne ä leur pouvoir un caractère religieux. »
Bossuet, La politique tirée de l’Ecriture Sainte, 1679, Extrait du livre III.
Sous l’Ancien Régime les ‘‘deux tiers des enfants ne mouraient pas en bas âge, beaucoup, grâce à l’Eglise, savaient lire et écrire, et tous ne vivaient pas dans la crasse et l’absence de soins”
Il faut se garder de caricaturer l’Ancien Régime, comme on le fait trop souvent, qui fut le cadre de vie de nos ancêtres pendant des siècles, et donc représente un élément respectable de notre patrimoine, avant que la terrible Révolution Française ne vienne détruire un ordre fondé sur la religion, la fidélité à l’égard des devoirs et les liens entre les générations, temps où les hommes n’étaient pas encore asservis aux durs impératifs de l’argent roi et de la société libérale, et où les quarante heures et les congés payés, obtenus lors des grèves 1936, auraient été regardés comme une épouvantable régression sociale auprès d’un peuple qui vivait au rythme lent des saisons et des nombreuses célébrations religieuses. C’est pourquoi il faut nécessairement sur ces sujets, se libérer rapidement des clichés distillés par les manuels d’histoire de la IIIe République !
La société de l’Ancien Régime, où, contrairement à ce qu’on a pu lire récemment, les ‘‘deux tiers des enfants ne mouraient pas en bas âge, où beaucoup, grâce à l’Eglise, savaient lire et écrire, et où tous ne vivaient pas dans la crasse et l’absence de soins”, semble à peu près aussi exotique à nos contemporains que celle de l’Antiquité classique ou de l’Amérique précolombienne. Il convient donc d’en finir avec une vision figée par les trois siècles qui nous en séparent, et la lecture idéologique du passé de la France qui a stérilisé les recherches des historiens. Heureusement, il n’en va plus ainsi de nos jours, où de nombreux travaux d’érudition ont fait bouger les choses, et ont montré que les conditions existentielles étaient bien plus douces que ce que la propagande républicaine n’a eu de cesse d’imposer aux esprits, nous faisant découvrir une société qui avait évidemment ses imperfections et ses limites comme tout système humain, mais néanmoins participait d’un ordre général de vie plutôt harmonieux et équilibré [1].
En effet, cet ordre, car s’en était un, était placé sous l’influence bénéfique de l’Église catholique tant décriée de nos jours, mais qui exerçait son ministère et rayonnait par son influence morale sur l’ensemble des populations, Église qui, comme l’écrit Alexis de Tocqueville :
« n’avait rien de plus attaquable chez nous qu’ailleurs ; les vices et les abus qu’on y avait mêlés étaient au contraire moindres que dans la plupart des pays catholiques ; elle était infiniment plus tolérante qu’elle ne l’avait été jusque-là et qu’elle ne l’était encore chez d’autres peuples ».